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Lung Cancer

Après la chirurgie des CBNPC les deuxièmes cancers sont fréquents : une étude de registre française.

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novembre 2019

Chirurgie, Dépistage, Diagnostic précoce, Surveillance

Après l’exérèse chirurgicale d’un cancer broncho-pulmonaire, la survenue d’un deuxième cancer pulmonaire (métachrone) est un fait connu mais l’incidence de ces deuxièmes cancers est variable dans la littérature, à la fois parce que les durées et les rythmes de surveillance du premier cancer ne sont pas codifiés et parce qu’il n’est pas toujours facile de distinguer un deuxième cancer du premier ou même d’un autre diagnostic.

L'objectif principal de cette étude est d’estimer l’incidence des deuxièmes cancers et  et leurs éventuels facteurs favorisant à partir du registre  des cancers du Doubs et du territoire de Belfort de 2002 à 2015.  

Les données de tous les patients dont la tumeur avait été complètement réséquée au cours d’une thoracotomie pendant laquelle était effectué un curage ou au moins un sampling ganglionnaire ont été recueillies pour cette étude. Pour être inclus, les patients ne devaient pas avoir d’antécédents cancéreux ni de cancer synchrone et ne devaient pas être décédés dans le mois qui suivait la thoracotomie. 

Le suivi consensuel de ces malades reposait sur une consultation et un scanner tous les 6 mois pendant 2 ans puis tous les ans pendant 5 ans et ensuite un scanner ou une radiographie thoracique tous les ans. 

Pour définir ces deuxièmes cancers et les distinguer des métastases du premier cancer les auteurs ont appliqué les critères de Martini : 

-       Type histologique différent du premier cancer,

-       Type histologique identique mais diagnostic au moins 2 ans après l’exérèse du premier cancer,  

-       Type histologique identique et diagnostic dans les 2 ans après l’exérèse du premier cancer, siégeant dans un lobe ou un poumon différent du premier et n’envahissant pas les lymphatiques communs aux deux territoires.  

Le calcul du risque cumulé de deuxièmes cancers a été estimé en tenant compte des événements compétitifs (cumulative incidence function method). 

A total 522 patients avaient les critères définis plus haut et ont donc été inclus dans cette étude. Leur âge médian était de 64 ans, les trois quarts était de sexe masculin et 15 % était non-fumeurs. Plus de la moitié d’entre avait un adénocarcinome et les trois quarts avec un cancer de stade I ou II. Enfin 233 patients (44,6%) ont reçu une chimiothérapie péri-opératoire et 44 (8,4%) une radiothérapie postopératoire.

Le suivi médian était de 59 mois et 3 groupes de patients ont été constitués :

  • Les patients qui sont décédés sans deuxième cancer (n=180),
  • Les patients chez lesquels un deuxième cancer a été diagnostiqué (n=84), 
  • Et les patients vivants sans diagnostic de deuxième cancer (n=258). 

Le délai médian entre la chirurgie et l’apparition d’un deuxième cancer était de 47 mois. Le traitement de ces deuxièmes cancers était la chirurgie (associée éventuellement à une chimiothérapie ou une radiothérapie) chez 20 patients, une radiothérapie stéréotaxique chez 6 patients, l’association d’une chimio radiothérapie chez 13 patients,  une chimiothérapie chez 32 patients et un traitement de confort exclusif chez 12 patients. Parmi ces 84 patients,  60 (71,4%)  sont décédés pendant la période de suivi.

Le risque cumulé de deuxième cancer a été estimé à 20,2 % à 10 ans et à 25,2 % à 14 ans. Ce risque persistait dans le temps et était le plus élevé de 3 à 7 ans. A noter cependant que 8 seconds cancers de type histologique différent du premier sont survenus dans les 2 premières années. 

Quatorze des 44 patients qui avaient reçu une radiothérapie adjuvante ont eu un deuxième cancer de sorte que le risque de deuxième cancer était significativement plus élevé chez les malades traités par radiothérapie adjuvante que le risque des patients qui avaient été traités par chirurgie exclusive ou chirurgie et chimiothérapie périopératoire. En analyse univariée le risque de deuxième cancer était plus élevé chez les patients pN2 (vs pN0-1) et chez les patients traités par radiothérapie (vs ceux qui n’en avaient pas reçu). Après ajustement sur le moment du diagnostic, l’âge, le tabagisme, le statut ganglionnaire et le traitement périopératoire, seule la radiothérapie postopératoire augmente significativement le risque de deuxième cancer (2,79 [1,41–5,52], p = 0,003) alors que la chimiothérapie périopératoire ne l’augmente pas.  

Ces données rétrospectives sont importantes parce qu’elles sont issues d’un registre qui recueille de manière continue et exhaustive tous les nouveaux diagnostics de cancers chez les patients qui résident au moment de leur diagnostic dans l’un des deux départements couverts, quel que soit le lieu de leur prise en charge. Elles incitent à plusieurs commentaires :

  • Le calcul du risque cumulé de deuxième cancer permet d’avoir une estimation exacte de ce risque qui est important alors qu’il est souvent sous-estimé dans la littérature. 
  • L’impact de la radiothérapie adjuvante sur ce risque demande à être confirmée par d’autres études et il sera intéressant de voir si les résultats de l’étude LungArt-IFCT confirment ces résultats. 
  • Il aurait été intéressant aussi de savoir quel est l’impact de la poursuite du tabagisme sur ces résultats mais il est vraisemblable que les auteurs n’avaient pas ces données.  

En tout cas, cette étude plaide pour le suivi prolongé de ces malades. 

 

Reference

Let us not underestimate the long-term risk of SPLC after surgical resection of NSCLC.

Leroy T, Monnet E, Guerzider S, Jacoulet P, De Bari B, Falcoz PE, Gainet-Brun M, Lahourcade J, Alfreijat F, Almotlak H, Adotevi O, Pernet D, Polio JC, Desmarets M, Woronoff AS, Westeel V.

Lung Cancer 2019; 137:23-30

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.