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Lancet Respiratory Medicine

Chez les patients dont la tumeur présente une mutation activatrice de l'EGFR, l’addition de bevacizumab à l’erlotinib en première ligne prolonge-t-elle la survie (étude de phase III NEJ026) ?

2.01
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septembre 2021

EGFR, Thérapeutique ciblée

Plusieurs études de phase II dont certains résultats ont été commentés sur ce site ont suggéré que l’association du bevacizumab (ou d’un autre anti-angiogénique) à l’erlotinib ou au gefitinib était supérieure à la seule monothérapie par inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR. C’est le cas notamment de l’étude japonaise de phase II JO25567 qui comparait chez 154 patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules de stades avancés mutés EGFR erlotinib à erlotinib et bevacizumab : la survie sans progression était significativement allongée à 16 vs 9,7 mois mais cette étude n’avait pas assez de puissance pour objectiver un bénéfice significatif de survie (cliquer ici)

C’est la deuxième fois que nous disposons des résultats d’une étude de phase III. La première, l’étude BeTa publiée en 2014 qui n’avait montré aucun bénéfice de survie global chez des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules réfractaires à une chimiothérapie de première ligne  (cliquer ici pour un accès gratuit). Elle suggérait cependant un possible bénéfice chez les malades dont la tumeur présentait une mutation activatrice de l'EGFR mais ce dernier n’atteignait pas la significativité. 

En 2019, étaient publiés les résultats de l’analyse intermédiaire d’une autre étude de phase III réservée cette fois à des patients ayant une mutation activatrice de l'EGFR, l’étude NEJ026.  Ces résultats étaient positifs puisque cette étude avait  atteint son objectif principal, la survie sans progression : La PFS médiane était de 16,9 mois dans le bras expérimental et de 13,3 mois dans le bras contrôle (cliquer ici) .

Ce sont les résultats définitifs de cette étude dont les résultats sont publiés ici. 

Rappelons que cette étude randomisée a été réalisée dans 69 hôpitaux japonais. Pour être éligibles, les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules de stade avancé avec mutation activatrice de l'EGFR. Ils devaient avoir au moins 20 ans, au moins une lésion mesurable, un PS ≤2. Ils ne devaient pas avoir de métastase cérébrale nécessitant un traitement, ni d’antécédents d’hémoptysie et ils ne devaient pas avoir reçu de chimiothérapie. Ils étaient randomisés entre :

  • Soit 150 mg d’erlotinib per os et 15 mg/kg de bevacizumab tous les 21 jours,
  • Soit 150 mg d’erlotinib seul.
  • Ils étaient stratifiés selon le sexe, le tabagisme le type de mutation et le stade.   

L'objectif principal était la survie sans progression à relecture centralisée, Les objectifs secondaires étaient notamment  la survie globale, la qualité de vie, la réponse et le taux de contrôle de la maladie et la durée de réponse. 

De juin 2015 à aout 2016, 228 patients ont été inclus et randomisés en deux groupes de 114 patients.  Les durées médianes de traitement étaient de 405 jours pour l’erlotinib et et de 350 jours pour le bevacizumab. La nouvelle date de point est le 30/11/2019 et la durée médiane de suivi est de 39,2 mois. 

A cette date, 51 décès ont été observés dans le bras expérimental et 50 dans le bras standard. La durée médiane de survie est de 50,7 mois dans le bras erlotinib-bevacizumab et de 46,2 mois dans le bras erlotinib. Cette différence n’est pas significative (HR=1,007, 95%CI : 0,68-1,49, p=0,97).  Une analyse de sous-groupes selon les facteurs de stratification n’objectivait non plus aucune différence significative de survie. 

L’analyse des traitements reçus après l’étude montre que davantage de patients du bras erlotinib ont reçu un traitement (255 vs 187 patients) comme le montre le tableau ci-dessous : 

 

Erlotinib + Bevacizumab

Erlotinib

Chimiothérapie n (%)

57 (51)

72 (64)

Osimertinib n (%)

31 (28)

29 (26)

Autre TKI de l’EGFR n (%)

29 (26)

43 (38)

Immunothérapie (%)

13 (12)

25 (22)

Comme on pouvait s’y attendre, c’est surtout du fait que l’osimertinib a été administré chez les patients qui avaient une mutation T790M que certains patients  ont bénéficié du traitement de deuxième ligne puisque chez les patients du bras erlotinib -bevacizumab la médiane de survie des patients qui ont reçu de l’osimertinib était de 50,7 (vs 37,6) mois et chez ceux du bras erlotinib elle était non atteinte (Vs 40,1 mois). 

Le temps entre l’inclusion et la confirmation d’une amélioration de la qualité de vie était de 6 mois chez les malades du bras expérimental et de 8,3 mois chez ceux du bras standard. Cette différence n’était pas significative. 

Cette étude n’est donc pas parvenue à démontrer que l’addition de bevacizumab à l’erlotinib prolongeait significativement la survie sans que ces résultats ne paraissent à l’évidence influencés par des différences de traitement de deuxième ligne et plus. Ces résultats seront-ils identiques avec l’osimertinib comme traitement de référence ?  Parmi plusieurs études qui explorent cette association, dont certaines ont été commentées ici (cliquer ici),  une étude de phase III, sponsorisée par le NCI, compare chez des patients qui ont globalement les mêmes caractéristiques en première ligne osimertinib et bevacizumab à osimertinib. Débutée il y a un an elle doit s’achever en 2025. Son objectif principal est la survie sans progression et la survie globale est un objectif secondaire (cliquer ici).  

 

 

Reference

Bevacizumab plus erlotinib versus erlotinib alone in Japanese patients with advanced, metastatic, EGFR-mutant non-small-cell lung cancer (NEJ026): overall survival analysis of an open-label, randomised, multicentre, phase 3 trial.

Kawashima Y, Fukuhara T, Saito H, Furuya N, Watanabe K, Sugawara S, Iwasawa S, Tsunezuka Y, Yamaguchi O, Okada M, Yoshimori K, Nakachi I, Seike M, Azuma K, Kurimoto F, Tsubata Y, Fujita Y, Nagashima H, Asai G, Watanabe S, Miyazaki M, Hagiwara K, Nukiwa T, Morita S, Kobayashi K, Maemondo M.

Lancet Respir Med 2021 Online ahead of print.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.