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Journal of Clinical Oncology

Corticothérapie au début d’une immunothérapie : est-ce le motif de la corticothérapie ou la corticothérapie elle-même qui est à l’origine de la diminution d’activité ?

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juillet 2019

Effets secondaires des médicaments, Immunothérapie, Qualité de vie / Soins palliatifs

L’an dernier, nous commentions une étude qui montrait que la corticothérapie reçue avant l’immunothérapie diminuait l’activité (cliquer ici) et un peu plus tard une autre étude qu’il en était de même d’une corticothérapie reçue avant ou pendant le traitement (cliquer ici)

L’article que nous commentons ici part de la réflexion que la corticothérapie est souvent prescrite chez les malades atteints de cancer pour traiter des symptômes de mauvais pronostic tels que la cachexie, la fatigue ou l’œdème associé aux métastases cérébrales de sorte qu’on peut de demander si ce sont les corticoïdes ou ces symptômes qui sont à l’origine d’une diminution d’activité de la corticothérapie. 

Pour répondre à cette question, les auteurs de cet article ont réalisé une étude rétrospective menée au Dana-Farber Cancer Institute de Boston chez 650 patients consécutifs traités par un anti PD-1. Ils ont séparé ces patients en 3 groupes définis par la dose de corticoïdes reçus au début de l’immunothérapie : 

  • 557 patients qui recevaient 0 à 9 mg de prednisone (groupe 1).
  • 93 patients (14,4%) qui recevaient ≥10 mg de prednisone :
    • 66 pour une indication palliative (groupe 2),
    • Et 27 pour une indication sans relation avec le cancer (groupe 3). 

Les caractéristiques des patients des trois groupes étaient bien réparties en ce qui concerne l’âge, le sexe, l’histologie, les modalités du  traitement par immunothérapie, le statut mutationnel, et l’expression de PD-L1. Seuls les patients qui recevaient 10 mg ou plus de prednisone à visée palliative différaient des autres par un PS plus élevé. 

Comme le montre le tableau ci-dessous, les taux de réponse, la survie sans progression et la survie globale étaient supérieurs chez les patients qui ne recevaient  pas de prednisone ou en recevaient moins de 10 mg comparativement à ceux qui en recevaient de 10 à 150 mg quelle que soit l’indication de cette corticothérapie : 

 

Prednisone (mg)

p

 

0-<10

>10

Réponse (%)

19,7

10,8

 

PFS (95%CI) (mois)

3,4 (2,7-3,9)

2 (1,5-2,7)

 

HR PFS (95%CI)

1,36 (1,06-1,73)

0,01

Survie (95%CI) (mois)

11,2 (9,9-12,9)

4,9 (2,5-7,8)

 

HR Survie (95%CI)

1,68 (1,30-2,17)

0,001

Ensuite ont été comparés les taux de réponse, la survie sans progression et la survie globale des patients recevant 10 mg ou plus de prednisone selon que cette corticothérapie était prescrite pour une indication palliative ou pour une autre raison. Le tableau ci-dessous montre que l’activité du traitement est influencée par le motif de la corticothérapie et non par la dose :

 

Prednisone (mg)

p 2 vs 1

p 3 vs 1

 

Groupe 1

Groupe 2

Groupe 3

 

 

 

0-<10

>10 pour indication liée au cancer

>10 pour indication non liée au cancer

 

 

Réponse (%)

19,7

6,1

22,2

0,01

ns

PFS (95%CI) (mois)

3,4

1,4

4,6

0,001

ns

Survie (95%CI) (mois)

11,2

2,2

10,7

0,001

ns

En analyse multivariée, après ajustement sur le PS et le statut PD-L1,  l’administration d’une corticothérapie à au moins 10 mg pour des symptômes liés au cancer était significativement associée à une augmentation du risque de décès (HR = 1,60; 95% CI, 1,07-2,39; p = 0,02). 

Cette étude confirme bien comme les précédentes que les malades qui reçoivent au moins 10 mg de corticoïdes au début d’une immunothérapie ont une diminution significative des taux de réponse, de survie sans progression et de survie globale. Mais elle montre aussi que ces 3 paramètres, lorsque la corticothérapie est prescrite pour une autre raison que le cancer ne différent pas significativement que les patients aient reçu, pour une indication non cancérologique, des corticoïdes à une dose élevée et soit de petites doses de corticoïdes, soit pas de corticoïdes. Ce sont donc plutôt les symptômes de mauvais pronostic eux-mêmes tels que la cachexie, la fatigue ou l’œdème associé aux métastases cérébrales qui influent sur ces moins bons résultats. 

 

 

  

Reference

Immune Checkpoint Inhibitor Outcomes for Patients With Non-Small-Cell Lung CancerReceiving Baseline Corticosteroids for Palliative Versus Nonpalliative Indications.

Ricciuti B, Dahlberg SE, Adeni A, Sholl LM, Nishino M, Awad MM.

J Clin Oncol2019 Jun 17. [Epub ahead of print]

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.