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Lancet Respiratory Medicine

Dépistage du cancer broncho-pulmonaire en Chine : une importante étude prospective.

2.01
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mars 2022

Dépistage

Deux chiffres montrent combien le cancer broncho-pulmonaire est important en Chine : 1) plus d'un un tiers de tous les cancers du poumon nouvellement diagnostiqués et des décès associés dans le monde sont survenus en Chine. 2) et près d’un quart des décès par cancer observés en Chine sont liés au cancer broncho-pulmonaire. Pour lutter contre ce fléau il était logique de tenter de diminuer la mortalité de cette maladie par mise en œuvre de programmes de dépistage. 

Mais l’implantation du dépistage en Chine n’est-elle pas prématurée compte tenu de l’absence de données sur son efficacité sur les populations chinoises et des variations des ressources disponibles dans les différents territoires ? Et faut-il plusieurs scanners comme préconisé dans les recommandations ou un seul ce qui permettrait avec le même coût de toucher une plus vaste population ? 

C’est pour répondre à ces questions qu’a été mise en place cette étude prospective de cohorte financée par l’état et réalisée dans 12 villes de 8 provinces  choisies parce qu’elles disposaient déjà de plusieurs registres comprenant de nombreuses données et parce que la population y était relativement stable. Pour faire connaitre ce programme, tous les moyens modernes de communication ont été utilisés.  

Les personnes éligibles ont été définies à partir des données disponibles dans un système d'enregistrement des ménages complétées par des appels téléphoniques ou des visites à domicile.  Pour être éligibles, il fallait avoir de 40 à 74 ans, n’avoir aucun antécédent de cancer dans les 5 ans précédents ni symptôme de cancer broncho-pulmonaire et être capables de donner un consentement. 

Ensuite les personnes étaient interrogées par un personnel entrainé sur leurs facteurs de risque élevé ou bas de cancer broncho-pulmonaire et leur score de risque de cancer broncho-pulmonaire était calculé à partir des éléments suivants : 

  • Tabagisme, en distinguant :
    • Les fumeurs regroupant les fumeurs actifs et anciens fumeurs et en distinguant parmi ceux-ci les fumeurs légers (<20PA) des grands fumeurs (≥20PA) , 
    • Et les non-fumeurs
  • Déclaration d’exposition pendant au moins un an à des particules ambiantes telles que l’amiante, le caoutchouc, la « poussière » (particules fines ?), les pesticides, les rayonnement, le béryllium, l’uranium et le radon. 
  • Niveau d’activité physique considéré comme fréquent s’il durait au moins 30 minutes 3 fois par semaine, 
  • Antécédents de maladie respiratoire (BPCO, emphyséme, asthme, bronchectasies et pneumoconiose).  
  • Antécédents familiaux de cancer du poumon, 
  • Habitudes alimentaires dans les 10 dernières années et notamment consommation de légumes frais et, - uniquement pour les femmes - , tabagisme passif. 

Les hommes non-fumeurs  étaient exclus de la cohorte à risque élevé. 

Les objectifs  principaux étaient l’incidence de cancers broncho-pulmonaires, la mortalité spécifique et la mortalité générale  aini que les pourcentage de stades précoces. 

Résultats

De 2013 à 2018, 1 016 740 personnes ont été considérées comme éligibles dont 3581 ont eu un cancer broncho-pulmonaire après un suivi médian de 3,6 ans :

  • 793 438 (78%) qui ont été considérés comme ayant un bas risque de cancer broncho-pulmonaire et 
  • 223 302 (22%) qui ont été considérés comme ayant un risque élevé de cancer broncho-pulmonaire et qui ont été invités à bénéficier d’un scanner :
    • Dont 35,6 % (79 581) l’ont accepté,
    • Et 143 721 ne l’ont pas réalisé. 

Comparativement aux personnes du groupe à bas risque, celles qui étaient considérées comme à risque élevé étaient plus souvent des hommes, fumeurs ou soumis au tabagisme passif, exposés à des particules, avaient moins d’activité physique et davantage d’antécédents familiaux de cancer broncho-pulmonaire ou personnels de maladie respiratoire, digestive, d’HTA, d’hyperlipidémie ou de diabète. 

Dans le groupe des personnes dépistées :

  • L’incidence des cancers broncho-pulmonaires était augmentée de 47% (HR : 1,47 (1,27-1,70))
  • La mortalité spécifique était diminuée de 31% (HR=0,69 (0,53-0,92)). 
  • Et la mortalité de toutes causes était diminuée de 32% (HR : 0,68 (0,57-0,82)). 

Ces différences de mortalité spécifique et de mortalité de toutes causes apparaissaient significatives chez les hommes (0,69 (0,51-0,92)) et 0,64 (0,52-0,79) mais pas chez les femmes (0,73 (0,25-2,13)) et 0,85 (0,57-1,26). Elle n’était également significative qu’à partir de 55 ans et chez les grands fumeurs. On notera aussi que la différence de survie spécifique n’est significative que pour les personnes à revenus élevés alors que la diminution de mortalité de toutes causes est significative quelque soit le niveau économique. Enfin on ne sera pas étonné de constater qu’il y avait davantage de cancers de stades précoces et d’adénocarcinomes parmi les personnes dépistées. 

Cette très intéressante publication qui porte sur près de 1 million de personnes et près de 80 000 personnes dépistées apporte énormément de renseignements à partir d’une étude qui est probablement celle qui, dans le monde entier, porte sur le plus de participants. Bien qu’elle ne soit pas randomisée, ce qui rend les 2 populations dépistées ou non un peu différentes, (voir le tableau I) cette étude parce qu’elle a été menée sur de très grands effectifs,  apporte des notions nouvelles et confirme des notions déjà connues.

Le point le plus important est qu’elle apporte des arguments solides pour penser que le dépistage du cancer broncho-pulmonaire ne se limite pas à prolonger la survie spécifique mais aussi chez les hommes la survie globale. Cette démonstration avait déjà été faite dans la première publication de l’étude NLST dans la quelle la survie globale était significativement augmentée de 6,7%. 

Elle démontre aussi l’impact positif du dépistage sur la survie globale des personnes, quel que soit leur niveau économique, et confirmet le fait qu’il nous faut cibler les personnes de plus de 55 ans et les fumeurs et anciens fumeurs. 

On peut cependant regretter que la façon de sélectionner les personnes à risque soit mal précisée (on sait quels sont les facteurs de risque qui ont été choisis mais on ne sait pas quel était leur poids respectif). On peut aussi regretter que les critères de sélection n’aient probablement pas la même valeur. Il est possible que ceci ait contribué à sélectionner des sujets dont le cancer était peu fréquent de sorte que des différences statistiques ne pouvaient pas apparaitre (comme par exemple l’absence de différence significative de mortalité chez les femmes). 

Une importante question demeure pour tous les pays qui vont s’engager dans le dépistage du cancer broncho-pulmonaire et qui doivent tenir compte d’impératifs économique difficiles : faut-il inclure dès le début les participants dans des programmes de scanners itératifs ce qui risque de limiter, compte tenu du coût, la taille des effectifs ou faut-il, comme dans cette étude, se limiter à un seul scanner pour toucher beaucoup plus de monde ?  

 

 

Reference

One-off low-dose CT for lung cancer screening in China : a multicentre, population-based, prospective cohort study 

Li N, Tan F, Chen W, Dai M, Wang F, Shen S and al  

Lancet Respir Med 2022, in press

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.