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Journal of Clinical Oncology

Immunochimiothérapie des cancers bronchiques à petites cellules en première ligne : les résultats d’une étude de phase III avec du pembrolizumab, l’étude KEYNOTE-604

2.01
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juin 2020

Cancers à petites cellules, Immunothérapie

Il y a déjà près de deux ans que Bertrand Mennecier  commentait sur ce site une étude de phase III, l’étude IMpower 133 qui démontrait que l’adjonction en première ligne d’atezolizumab, un anti PD-L1,  à une chimiothérapie par étoposide et sels de platine prolongeait significativement la survie des patients atteints de cancer bronchique à petites cellules disséminé (cliquer ici). Un an plus tard nous commentions les résultats d’une autre étude de phase III, l’étude CASPIAN,  qui explorait  avec un schéma identique l’association du durvalumab à une chimiothérapie par étoposide et sels de platine. Cette deuxième étude objectivait un bénéfice significatif de survie tout à fait comparable (cliquer ici)

Quant au pembrolizumab, il a jusqu’ici été exploré dans le cancer bronchique à petites cellules  pour le traitement de troisième ligne avec des résultats intéressants dans les études KEYNOTE-028 et KEYNOTE-158 que nous avons également commentés sur ce site (cliquer ici). Ce sont maintenant  les résultats de l’étude KEYNOTE-604, une étude randomisée de phase III qui pose la même question que  les études IMpower 133 et CASPIAN citées plus haut qui viennent d’être publiés dans le Journal of Clinical Oncology. 

Pour être inclus dans cette étude internationale menée dans 140 sites de 18 pays les patients devaient avoir un cancer bronchique à petites cellules de stade IV, au moins une lésion mesurable, un PS à 0 ou 1. Ils pouvaient avoir des métastases cérébrales traitées et stables  sans corticoïdes  durant les 7 derniers jours. Le traitement comparait sur un mode 1/1 :

  • Soit pembrolizumab à 200 mg toutes les 3 semaines soit placebo jusqu’à 35 cycles ou progression,
  • Et 4 cycles d’étoposide à 100 mg/m2 de J1 à J3 et à J1, selon le choix des investigateurs, soit du carboplatine (AUC 5), soit du cisplatine à 75 mg/m2. 

Après les 4 premiers cycles, les patients répondeurs pouvaient recevoir une irradiation prophylactique cérébrale (25 Gy en 10 fractions). 

Les objectifs principaux étaient la survie sans progression et la survie globale. Les objectifs secondaires étaient la durée de réponse et la toxicité. 

En un an, 453 participants étaient éligibles et ont été randomisés pour recevoir soit du pembrolizumab plus EP (n = 228) soit du placebo plus EP (n = 225). Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties à l’exception des métastases cérébrales qui étaient un peu plus fréquents dans le bras expérimental (14,5 vs 9,8%). 

Lors de la deuxième analyse intermédiaire, les résultats étaient les suivants avec un suivi de 21,6 mois : 

 

Pembrolizumab

Placebo

p

PFS médiane (mois)

4,5

4,3

 

PFS à un an (%)

13,6

3,1

 

HR de PFS (95%CI)

0,75 (0,61-0,91)

0,0023

Survie médiane (mois)

10,8

9,7

 

Survie à un an (%)

45,1

39,6

 

Survie à deux  ans (%)

22,5

11,2

 

HR de survie (95%CI)

0,80 (0,64-0,98)

0,016

 Le taux de réponse était à 70,6% dans le bras pembrolizumab et 61,8% dans le bras placebo. Parmi les répondeurs, la durée médiane de réponse était de 4,2 mois dans le bras pembrolizumab et de 3,7 mois dans le bras placebo. 

Des effets adverses de toutes causes sont survenus chez 100% et 99,6% des patients des deux groupes dont 76,7 et 74,9% d’effets de grades 3 et 4. Des arrêts de traitement pour effets adverses sont survenus respectivement chez 14,8% des participants du bras pembrolizumab et 6,3% de ceux du bras placebo. La toxicité hématologique est principalement en cause. 

La conclusion des auteurs est que l’addition du pembrolizumab augmente significativement la survie sans progression et que tous les patients en bénéficient à l’exception de ceux qui ont des métastases cérébrales. Une large discussion a lieu ensuite qui vise à expliquer pourquoi ces résultats sont moins bons  que ceux des études IMpower 133 et CASPIAN. Les auteurs soulignent que l’étude KEYNOTE 604 a probablement inclus des patients plus graves (plus de PS1, plus de métastases cérébrales, plus de tumeurs volumineuses). Cette explication néanmoins  devrait s’appuyer sur une moins bonne survie dans le bras standard comme dans le bras expérimental :

-Dans le bras standard cette différence est faible puisque la survie des patients de l’étude IP 133 et CASPIAN traités dans ce bras est à 10,3 mois dans les deux études et à 9,7 mois dans l’étude KEYNOTE 604. 

-Et dans le bras expérimental, cette différence est plus importante : 12, 3 et 13 mois respectivement dans les études  IP 133 et CASPIAN et seulement 10,8 mois dans l’étude KEYNOTE 604.   

Cette étude démontre une fois encore que les taux de survie sans progression à 1 an et de survie à 2 ans rendent mieux compte de l’activité de l’immunothérapie  que la survie sans progression ou la survie médianes  car les courbes commencent seulement  à s’écarter après 6 mois

Reference

Pembrolizumab or Placebo Plus Etoposide and Platinum as First-Line Therapy for Extensive-Stage Small-Cell Lung Cancer: Randomized, Double-Blind, Phase III KEYNOTE-604 Study.

Rudin CM, Awad MM, Navarro A, Gottfried M, Peters S, Csőszi T, Cheema PK, Rodriguez-Abreu D, Wollner M, Yang JC, Mazieres J, Orlandi FJ, Luft A, Gümüş M, Kato T, Kalemkerian GP, Luo Y, Ebiana V, Pietanza MC, Kim HR; KEYNOTE-604 Investigators.J Clin Oncol. 2020 May 29:JCO2000793. doi: 10.1200/JCO.20.00793. Online ahead of print.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.