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Lancet Regional Health – Europe

KBP-2020-CPHG : une importante étude épidémiologique française.

2.01
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décembre 2022

Épidémiologie

Tout le monde connait les enquêtes KBP 2000 et KBP 2010 du CPHG qui dès 2010 avaient signalé en France une augmentation des cancers broncho-pulmonaires chez les femmes et chez les non-fumeurs, une importante augmentation des adénocarcinomes et une augmentation significative du taux de survie à 5 ans des patients atteints de cancers bronchiques non à petites cellules passant de 11,4% en 2000 à 13,8% en 2010. Ce sont les premiers résultats de l’étude menée en 2020 qui sont maintenant publiés dans le Lancet Regional  Health Europe.   Ce journal fait partie de la Lancet Regional Health Global Initiative qui publie surtout des articles concernant la qualité des soins et les politiques de santé en Europe. Le but de cette publication est de rapporter les principales données initiales de KBP-2020-CPHG et de les comparer aux données des deux études précédentes ainsi que de publier les données de mortalité à 1 et 3 mois. Tous les patients consécutifs atteints de cancer broncho-pulmonaire primitif, âgés d’au moins 18 ans et pris en charge dans les centres non-universitaires qui participaient à cette étude du 1er janvier au 31 décembre 2020 étaient éligibles.

Comme 3 classifications TNM différentes (6e, 7e et 8e) étaient recommandées en 2000, 2010 et 2020, les auteurs ont opté pour une classification plus générale applicable aux 3 enquêtes comprenant 3 groupes de patients : localisés (stades I et II, localement avancés (stades III) et métastatiques (stades IV). Trois motifs de découverte étaient possibles : le cancer pouvait être symptomatique (lorsqu’existait un symptôme en relation avec le cancer broncho-pulmonaire), fortuit quand le cancer était découvert lors de symptômes ou d’ examens non évocateurs de cancer broncho-pulmonaire, ou à la suite d’un dépistage opportuniste. 

Résultats

Un total de 92 centres (parmi les 296 hôpitaux non universitaires) ont inclus 9874 patients et parmi eux 10 centres (875 patients) ont été exclus pour des déviations majeures ou un manque d’exhaustivité. L’analyse a donc finalement porté sur les données de 8999 patients pris en charge dans 82 centres (dont 42 avaient été déjà ayant inclus dans les études de 2000 et 2010). En moyenne 109 patients par centre étaient inclus.

Le tableau ci-dessous montre comment les caractéristiques des patients ont varié dans les 3 enquêtes :  

 

 

2000

2010

2020

N

5667

7051

8999

Age moyen au diagnostic (ans)

64,6

65,5

67,8

Femmes (%)

16

24,3

34,6

Fumeurs actifs

52,5

49,2

52,9

Non-fumeurs (%)

7,2

10,9

12,6

Hommes non-fumeurs (%)

2,4

4,3

6,3

Femmes non-fumeuses (%)

32,3

31,2

24,4

Métastatiques (%)

42,6

58,3

57,6

Adénocarcinomes (% des CBNPC )

34,9

52,6

59 ,5

Mortalité à 3 mois (%)

Localisés

8,3

6,6

3

Avancés

20,2

13,8

9,6

Métastatiques

33,7

31,9

29,1

Comme on peut le voir sur ce tableau, cette nouvelle étude vient confirmer les résultats des deux enquêtes effectuées il y a 10 et 20 ans. Les patients sont un peu plus âgés, le pourcentage de femmes a doublé en 20 ans, le nombre de non-fumeurs qui chez les hommes avait doublé de 2000 à 2010 à maintenant triplé de 2000 à 2020. Il y a davantage de cancers métastatiques (ce qui peut être lié à un effet Will Rogers du fait de l’essor de la TEP-FDG dans ces 20 dernières années). Les adénocarcinomes sont devenus majoritaires au sein des cancers bronchiques non à petites cellules. Enfin la mortalité à 3 mois reste très élevée notamment dans les formes métastatiques puisque près d’un tiers de ceux-ci meurent durant les trois premiers mois. 

Dans la plupart des cas, les cancers étaient symptomatiques 72%). Ils étaient de découverte fortuite dans 24% des cas et découverts à la suite d’un dépistage opportuniste seulement dans 4% des cas. 

Ces données sont très intéressantes, non seulement parce qu’elles concernent un grand nombre de patients pris en charge dans de nombreux centres répartis dans toute la France mais aussi parce qu’elles confirment les mêmes évolutions concernant les pourcentages de femmes, de non-fumeurs et d’adénocarcinomes que celles déjà signalées en 2010. La mortalité précoce des cancers métastatiques reste très élevée ce qui s’explique par le fait que ces données concernent tous les patients y compris ceux qui consultent en urgence avec un PS très altéré et décèdent rapidement, souvent même sans avoir pu recevoir de traitement. Cette étude confirme donc que ces malades doivent pouvoir accéder plus vite à des soins spécialisés.  Ceci suppose que l’image souvent catastrophique du cancer broncho-pulmonaire qu’ont le grand public et une partie des généralistes (cliquer ici) doit être corrigée : un cancer pris en charge avant qu’il ne soit symptomatique ou même au début de ses symptômes est un cancer le plus souvent curable.  

Reference

Lung cancer trends and tumor characteristic changes over 20 years (2000-2020): Results of three French consecutive nationwide prospective cohorts' studies.

Debieuvre D, Molinier O, Falchero L, Locher C, Templement-Grangerat D, Meyer N, Morel H, Duval Y, Asselain B, Letierce A, Trédaniel J, Auliac JB, Bylicki O, Moreau L, Fore M, Corre R, Couraud S, Cortot A; Study Group KBP-2020-CPHG; KBP-2020-CPHG. 

Lancet Reg Health Eur. 2022 in press.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.