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Journal of Thoracic Oncology

La migration de stades induite par le dépistage contribue à une amélioration importante de la survie des cancer broncho-pulmonaires à Taiwan

2.01
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janvier 2023

Dépistage, Épidémiologie

Malgré les importants progrès thérapeutiques que nous avons commentés depuis 12 ans et jusqu'à ce jour sur ce site, le taux de survie à 5 ans des cancers broncho-pulmonaires n’est actuellement estimé qu’à  22% selon des statistiques américaines (cliquer ici).  

Dès 1997, plusieurs mesures ont été mises en place à Taiwan pour tenter de changer le pronostic effroyable du cancer broncho-pulmonaire  : campagnes d’incitation à l’arrêt du tabac, développement du traitement personnalisé, dès 2000, remboursement des inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR depuis 2004 et campagnes de dépistage par scanner « low-dose »  dont l’intérêt est largement démontré par les deux grandes études randomisées NLST et NELSON. Ces campagnes de dépistage ont été étendues depuis 2015 aux non-fumeurs ayant des antécédents familiaux de cancer broncho-pulmonaire, aux personnes exposées au tabagisme passif, ou ayant une BPCO ou des antécédents de tuberculose ou qui cuisinent fréquemment dans des locaux mal ventilés (essai TALENT (cliquer ici) , 

L’étude de cohorte rétrospective a été réalisée à partir de deux registres : 

  • Le registre rétrospectif des cancers de Taiwan mis en place en 1979. Ce registre concerne tous les patients atteints de nouveaux cancers pris en charge dans tous les hôpitaux d’au moins 50 lits. Les données de tous les patients atteints de cancer broncho-pulmonaire ont été extraites pour la période allant de 2006 à 2019. 
  • Le registre du National Taiwan University Hospital (NTUH), le plus grand centre hospitalier de Taiwan de plus de 2600 lits et réalisant 3 millions de consultation  en ambulatoire  par an. 

Résultats

Le programme d’incitation au sevrage tabagique mis en place depuis 1997 a permis de diminuer de façon importante le tabagisme de 54,8 à 23,1% chez les hommes et de 3,3% à 2,9% chez les femmes. Dans le même temps le taux d’incidence standardisée pour 100 000 personnes évoluait de façon différente selon le sexe et l’histologie :

  • Chez les hommes, le taux d’incidence standardisée sur l’âge des adénocarcinomes a augmenté de 8,9 à 26,9 et celui des épidermoïdes passait de 9,5 à 8,5
  • Chez les femmes le taux d’incidence des adénocarcinomes standardisé sur l’âge a augmenté de 6,4 à 30,9 et celui des épidermoïdes passait de 2 à 1,2. 

Les chiffres suivants concernant l’évolution des âges, histologies et stades de 2006 à 2019 proviennent de 17298 patients de la cohorte NTUH (tableau ci-dessous) :

 

2006

2019

Age médian (ans)

67

62

Adénocarcinomes (%)

64,5

86,7

Epidermoïdes

16,8

6,2

Stades I (%)

15,9

58,8

Stades IV (%)

50,3

25,7

Par ailleurs les pourcentages de survie à 5 ans ont augmenté pour tous les stades entre les 2 périodes extrêmes (de 2006 à 2011 et 2015-2020) (tableau ci-dessous) :

 

2006-2011

2015-2020

Ensemble des malades (%)

22,1

54,9

Survie à 5 ans des stades  I (%) 

73,8

90,8

Survie à 5 ans des stades  II (%)

22,5

66,7

Survie à 5 ans des stades  III (%)

17,2

35,2

Survie à 5 ans des stades  IV (%)

7,9

16,5

Ainsi pour l’ensemble des malades le taux de survie à 5 ans a plus que doublé et ce pour deux raisons : la répartition par stades a été modifiée et la survie au sein de chaque stade a augmentée.  

Cette évolution très importante du taux de survie à 5 ans des cancer broncho-pulmonaires est manifestement due à un meilleur traitement des cancers de stade IV lié à l’accès aux inhibiteurs de la tyrosine kinase  de l’EGFR dans un pays ou la proportion de cancers mutés EGFR est beaucoup plus important qu’en Europe et aux Etats Unis. Il est probable aussi que les progrès récents dans le traitement des cancers de stade III soit à l’origine d’une meilleure survie des stades III. Quant à la meilleure survie des stades I et II elle est probablement liée à un diagnostic plus précoce des cancers de ce stade et probablement aussi à l’usage plus répandu de la radiothérapie stéréotaxique et aux progrès de la chirurgie thoracique. L’évolution globale n’est pas liée uniquement à ces facteurs : elle est sans doute expliquée en grande partie par le fait que le pourcentage de stades I a presque quadruplé pendant cette période. Même si ces progrès sont considérables n’oublions pas cependant que l ‘épidémiologie a changé plus encore à Taiwan que dans le reste du monde :  le cancer des femmes et le cancer des non fumeurs sont devenus prépondérants en Asie et le cancer des femmes comme celui des non-fumeurs ont un meilleur pronostic que celui des hommes fumeurs. 

Reference

Stage Shift Improves Lung Cancer Survival: Real-World Evidence

Yang CY, Lin LJ, Chang YH, Chen HY, Wang YP, Shih JY, Hu CJ, Yang PC

J Thorac Oncol 2023;18 : 21–25 

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.