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Journal of Clinical Oncology

La prise en charge ambulatoire des granulopénies fébriles est possible après une évaluation hospitalière à condition de connaitre et de respecter un certain nombre de règles précises : les recommandations de l’ASCO

2.01
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mai 2018

Qualité de vie / Soins palliatifs, Relation avec le patient, Traitement des stades III, Traitement des stades IV, Traitement péri-opératoire

Cette actualisation des recommandations extrêmement bien documentée élaborées par des experts de l’ASCO venant de plusieurs disciplines doit faire partie des articles que tous ceux qui pratiquent l’oncologie doivent télécharger et conserver. Elles concernent les patients qui consultent en urgence pour de la fièvre et qui ont reçu une chimiothérapie durant les 6 dernières semaines. 

Les quelques points suivants nous ont semblé essentiels mais ils ne remplaceront pas la lecture complète de ce texte. 

Quelques définitions pour savoir de quoi on parle :

-      Il s’agit des patients qui consultent en urgence dans un hôpital publique ou privé et qui ont une neutropénie fébrile, c'est à dire :

-      Un nombre de polynucléaires neutrophiles <1000/µL et on parle de :

o   Neutropénie sévère quand ce chiffre est <500,

o   Et profonde quand il est inférieur à 100. 

-      Et une température orale ≥ 38.3° à une prise ou à 38° maintenue pendant une heure.

Il est bien précisé que ces patients consultent en urgence dans un hôpital, ce qui sous-entend qu’ils ne doivent être pris en charge ni dans une simple consultation médicale ou pire faire l’objet d’un simple avis donné au téléphone. 

La justification de cette prise en charge initiale à l’hôpital devient évidente lorsqu’on lit les examens que doivent avoir ces patients dont la fièvre doit être a priori considérée comme d’origine infectieuse 

-       NFS, Iono, bilan rénal et hépatique. 

-       Au moins 2 jeux d’hémocultures dans des sites différents incluant le cathéter veineux central s’il existe et cultures d’autres sites si elles sont cliniquement indiquées.

-       Imagerie pulmonaire si symptômes d’infections broncho-pulmonaires.

-       Prélèvements nasopharyngés si syndrome grippal (un large panel de virus doit être testé chez les malades atteints d’affections hématologiques malignes et transplantés).

Il est précisé que cette pris en charge doit intervenir dans les 15 minutes qui suivent la toute première évaluation à l’arrivée de ces patients («triage») +++.

De plus, si l’évaluation du risque n’a pas encore été déterminée dans la première heure qui suit ce «triage» une antibiothérapie empirique selon des règles détaillées doit être administrée. 

L’évaluation rapide du risque est essentielle c’est d’elle que dépendent les modalités de prise en charge.

Pour identifier ces patients en premier lieu le «jugement clinique» est essentiel. Une liste des différents facteurs qui vont conduire à exclure le patient d’une prise en charge ambulatoire est indiquée au tableau I.

De façon plus facile le clinicien peut s’aider du score MASCCqui, s’il est ≥ 21 indique un risque médical bas de complications (tableau ci-dessous)

 

Score

Peu ou pas de symptômes liés à la neutropénie fébrile

5

PA systolique ≥90 

5

Pas de BPCO

4

Tumeur solide ou hémato sans antécédent d’infections fungiques

4

Pas de déshydratation nécessitant une perfusion

3

symptômes liés à la neutropénie fébrile modérés

3

Patient ambulatoire

3

Age <60 ans

2

La classification de Talcott encore plus simple considère que seuls les patients dont la granulopénie fébrile survient en ambulatoire, qui ont un cancer contrôlé et qui n’ont pas de comorbidité ont un risque médical bas de complications. 

Finalement, le retour du patient à son domicile après cette évaluation du risque ne doit être proposé qu’à plusieurs conditions. Il faut :

- Que le patient ait passé au moins 4 heures en milieu hospitalier. 

- Que la première antibiothérapie ait été administrée en milieu hospitalier. Il s’agit d’une antibiothérapie orale associant amoxicille/acide clavulanique et fluoroquinolone. 

- Que le patient ait un risque médical bas de complications. 

- Qu’un certain nombre de conditions psycho-sociales soient réunies :

     Résidence à moins d’une heure ou 50 km de l’hôpital

     Adhésion du médecin traitant ou de l’oncologue à une prise en charge ambulatoire.

     Capacité à venir fréquemment à l’hôpital.

     Membres de la famille ou aide à domicile présents 24h/24.

     Accès au téléphone et aux transports 24h/24.

- Pas de notions antérieures de mauvaise compliance au traitement. 

Enfin, si une prise en charge ambulatoire est décidée et que la fièvre persiste après 2 ou 3 jours, l’hospitalisation doit être envisagée. 

On comprendra à la lecture de ces recommandations combien il est important de se conformer à ces règles et combien la réponse téléphonique qui est encore trop souvent faite à ces malades  «voyez votre médecin traitant» est inadaptée et dangereuse. Elle l’est d’autant plus que ces épisodes surviennent souvent lors des premiers cycles de chimiothérapie, à un moment ou une longue survie peut encore être espérée. 

Reference

Outpatient Management of Fever and Neutropenia in Adults Treated for Malignancy: American Society of Clinical Oncology and Infectious Diseases Society of AmericaClinical Practice Guideline Update.

Taplitz RA, Kennedy EB, Bow EJ, Crews J, Gleason C, Hawley DK, Langston AA, Nastoupil LJ, Rajotte M, Rolston K, Strasfeld L, Flowers CR.

J Clin Oncol2018; 36 : 1443-1453

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.