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New England Journal of Medicine

Les progrès thérapeutiques récents ont-ils une influence sur la mortalité par cancer bronchique non à petites cellules aux USA ?

2.01
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août 2020

Épidémiologie, Immunothérapie, Thérapeutique ciblée

Il est très difficile de savoir si les progrès thérapeutiques récents liés aux thérapeutiques ciblées et à l’immunothérapie ont une influence sur la mortalité par cancer bronchique non à petites cellules lorsqu’on s’intéresse aux chiffres de cette mortalité telle qu’elle figure dans les certificats de décès et cela pour au moins trois raisons : 1)  la mortalité par cancer broncho-pulmonaire diminue dans beaucoup de pays, au moins chez les hommes, du fait de la diminution de l’incidence qui est liée au tabagisme : s’il y a moins de cancers broncho-pulmonaire, il y aura moins de décès par cancer broncho-pulmonaire. 2) les données des certificats de décès prennent en compte aussi bien les cancers bronchiques non à petites cellules pour lesquels les traitements ont beaucoup évolué durant ces dernières années et les cancers bronchiques à petites cellules dont les traitements ont très peu évolué. Et 3) le poumon est l’un des sièges les plus fréquents de métastases et beaucoup de décès sont déclarés à tort comme liés à un cancer broncho-pulmonaire alors que les lésions pulmonaires sont en fait des métastases d’un cancer non broncho-pulmonaire. 

Rapporter la mortalité à l’incidence telle qu’elle figure dans les registres permet de contourner ces 3 difficultés. C’est la méthode qu’ont choisie les auteurs de ce travail mené aux USA en calculant une mortalité prenant en compte l’incidence  (l’incidence-based mortality)  telle qu’elle apparait à partir du registre américain SEER qui couvre 28% de la population américaine dans la période 2001-2016. Par cette méthode les cas de décès par cancer broncho-pulmonaire tels qu’ils apparaissent sur les certificats de décès n’étaient retenus que lorsqu’ils figuraient dans le registre SEER parmi les cas incidents de cancer broncho-pulmonaire (ce qui permettait en outre de préciser le type de cancer en cause (non à petites cellules ou à petites cellules). 

Résultats

Les cas de décès par cancer broncho-pulmonaire qui étaient déclarés sur les certificats de décès étaient plus nombreux que ceux vérifiés par la mortalité prenant en compte l’incidence. Beaucoup de ces cas en excès présentaient un cancer non pulmonaire recensé sur la base SEER. Des métastases de cancers extra-pulmonaires sont donc bien  déclarées à tort comme cancer primitif.

Chez les hommes, de 2001 à 2008, l’incidence de cancer broncho-pulmonaire diminuait annuellement de 1,9% de 2001 à 2008 puis plus vite de 3,1% de 2008 à 2016. Par ailleurs la mortalité prenant en compte l’incidence diminuait annuellement de 3,3% de 2006 à 2013 puis plus rapidement de 6,3% chaque année de 2013 à 2016. 

Enfin le taux de survie à 2 ans des patients qui avaient un cancer bronchique non à petites cellules  passait de 26% en 2001 à 35% en 2014. 

Chez les femmes, de 2001 à 2006, l’incidence de cancer broncho-pulmonaire restait stable avant de diminuer annuellement de 1,5% de 2006 à 2016. La mortalité prenant en compte l’incidence diminuait annuellement de 2,3% de 2006 à 2014 puis plus rapidement de 5,9% chaque année de 2014 à 2016. 

Enfin le taux de survie à 2 ans des patients qui avaient un cancer bronchique non à petites cellules  passait de 35% en 2001 à 44% en 2014. 

On estime ainsi que le nombre de décès par cancer broncho-pulmonaire qui ont pu être retardés de 2014 à 2016 serait de 6800 chez les hommes et 3200 chez les femmes. 

Chez les patients qui avaient un cancer à petites cellules la mortalité diminuait de façon similaire à l’incidence parmi les femmes et parmi les hommes. 

On voit donc que la mortalité par cancer bronchique non à petites cellules  diminue de façon importante. Cette diminution est liée à la diminution du tabagisme dans les pays où il baisse depuis une longue période car son incidence diminue. Mais cette diminution d’incidence est loin d’être la seule cause :  les progrès thérapeutiques  récents liés au ciblage moléculaire et au traitement de première ligne par les thérapies ciblées et à l’immunothérapie et à l’immunochimiothérapie  ont contribué à modifier dès 2013 la mortalité par cancer broncho-pulmonaire . Rappelons-nous que c’est en 2013 que les inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR ont été enregistrés en première ligne aux États-Unis et qu’à cette même période les examens moléculaires ont commencé à être largement utilisés.  L’essor de l’immunothérapie a commencé plus tard en 2015 et nous pouvons parier que les prochaines études portant sur les années d’après 2016 montreront la poursuite et même l’accélération de cette amélioration.   N’oublions pas que la mise en place progressive du dépistage dans beaucoup de pays contribuera aussi pour une part importante à cette amélioration de survie des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules. 

 

 

Reference

The Effect of Advances in Lung-Cancer Treatment on Population Mortality.

Howlader N, Forjaz G, Mooradian MJ, Meza R, Kong CY, Cronin KA, Mariotto AB, Lowy DR, Feuer EJ.

N Engl J Med 2020; 383 : 640-649

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.