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New England Journal of Medicine

Nivolumab et chimiothérapie néoadjuvante : CheckMate 816 une importante étude de phase III randomisée

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avril 2022

Chirurgie, Immunothérapie, Traitement péri-opératoire

Nous avons commenté sur ce site les résultats de plusieurs études de phase II d’ immunochimiothérapie  néoadjuvante conduites chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules (cliquer ici)  et (cliquer ici), et  (cliquer ici)  qui toutes faisaient état de résultats particulièrement encourageants. Ces résultats semblaient tellement intéressants que certains auteurs suggéraient même qu’il était possible  d’utiliser l’immunochimiothérapie en routine (cliquer ici). Toutefois ces résultats, même s’ils paraissaient très prometteurs, demandaient à être confirmés en phase III comme viennent de le faire les auteurs de cette étude internationale de phase III CheckMate 816 à promotion industrielle dont les résultats viennent d’être publiés dans le New England. Journal of Medicine.

Pour être inclus dans cette étude les patients devait avoir un cancer bronchique non à petites cellules de stade 1B  (≥4cm), II ou IIIA, un PS à 0 ou 1 et une tumeur mesurable. Ils ne devaient avoir reçu aucun traitement anticancéreux.

Ils étaient randomisés pour recevoir :

  • Trois cycles (J1=J22) de Nivolumab à 360 mg plus une chimiothérapie à base de platine (carboplatine et paclitaxel, ou gemcitabine-cisplatine pour les épidermoïdes ou pemetrexed et cisplatine pour les non épidermoïdes). 
  • Ou 3 cycles de chimiothérapie à base de platine (outre les traitements précédents ils pouvaient aussi recevoir du cisplatine associé à de la vinorelbine ou à du docetaxel. 
  • Un troisième bras qui comportait une association Nivolumab et Ipilimumab a été fermé prématurément. 

La chirurgie était planifiée dans les six semaines qui suivait le dernier cycle. Dans les deux bras, les patients pouvaient recevoir un traitement adjuvant de chimiothérapie pendant quatre cycles, une radiothérapie ou les deux.

Il y avait deux objectifs principaux appréciés par un comité indépendant, la survie sans événement (toute progression interdisant la chirurgie, progression ou récidive après la chirurgie, progression sans chirurgie ou décès quel qu’en soit la cause) et la réponse complète histologique. 

Les objectifs secondaires incluaient la réponse pathologique majeure (≤10% de cellules résiduelles viables), le temps jusqu’au décès ou à la survenue de métastases à distance et la survie globale. 

Résultats

De mars 2017 à novembre 2019, 773 patients ont été enrôlés et 505 ont été randomisés dont 179 dans  le bras nivolumab et chimiothérapie  et 179 dans le bras chimiothérapie. A noter que dans le supplément il est précisé ce qu’ont reçu les patients non randomisés dans ces deux bras : 268 n’ont pas été randomisés, 113 ont été randomisés dans le bras nivolumab et ipilimumab interrompu précocement et 34 ont été randomisés dans un bras chimiothérapie qui n’a pas été pris en compte pour des raisons qui ne nous paraissent pas évidentes.  

Les caractéristiques des 358 patients randomisés dans les deux bras (seuls pris en compte dans cet article) étaient bien réparties. Les âges médians  étaient respectivement dans le bras expérimental et dans le bras standard de 64 et 65 ans.  Il y avait plus de 70 % d’hommes, les PS étaient le plus souvent à 0, 36,3 et 34,6 % des patients avaient un stade IB ou II et 63,1 et 64,2 avaient un stade IIIA. Les non épidermoïdes représentaient 51,4 et 46,9% des malades et près de 90% des patients étaient fumeurs. Un peu plus de 40% des tumeurs n’exptimaient pas PD-L1.  Les patients qui ont reçu une chimiothérapie adjuvante représentaient  11,9 % des patients du bras immunochimiothérapie et 22 % de ceux du bras chimiothérapie exclusive. 

Une chirurgie jugée « définitive » été réalisée chez respectivement 83,2 et 75,4% des patients du bras expérimental et du bras standard après un délai médian de 5,3 et 5 semaines. Elle n’a pas été réalisée soit du fait d’une progression (6,7 et 9,5%), soit du fait d’effets adverses (1,1 et 0,6%), soit pour d’autres raisons liées au refus des patients, à la non résécabilité ou à de mauvaises valeurs fonctionnelles. La chirurgie a été retardée chez peu de patients. Les durées médianes des interventions des malades  du bras expérimental et du bras standard  étaient de 185 et 213 minutes. Des lobectomies ou bilobectomies ont été réalisées chez 79 et 64% des patients et des pneumonectomies 16,8 et 25,2%. Seuls 83,2 et 77,8% des interventions ont été jugées R0. 

Avec un suivi minimum de 21 mois, 

  • la survie médiane sans événement était de 31,6 mois sous immunochimiothérapie  et de 20,8 mois sous chimiothérapie. Le HR de progression, récidive ou décès était de 0,63 (95 CI : 0,45-0,87). Cette différence était significative (p=0,005). Enfin les taux de patients vivants sans récidive ou progression à 1 ou 2 ans étaient de 76,1 vs 63,4% et 63,8 vs 45,3%. 
  • Toutes les catégories prédifinies de patients bénéficiaient du traitement expérimental mais ce bénéfice n’atteignait pas la significativité pour toutes ces catégories : c’était notamment le cas des patients atteints de cancer de stades IB ou II (0,87 (0,48-1,56), des épidermoïdes ou  des patients n’exprimant pas PD-L1. 

Le taux de patients qui avaient un réponse complète pathologique était de 24% sous nivolumab et chimiothérapie vs 2,2% sous chimiothérapie exclusive. Il en était de même du taux de patients qui avaient une réponse pathologique majeure (36,9 vs 8,9%).    Cette importante  différence s’observent pour toutes les catégories de patients.

Les taux de réponse en RECIST étaient de 53,6 et 37,4% et les taux de « downstaging »  étaient de 30,7 et 23,5%. 

Enfin la durée médiane de survie n’était pas attente dans aucun des deux bras. 

L’incidence des effets adverses liés au traitement de grades 3 et 4 était de 33,5 et 36,9 %. L’ effet adverse de grades 3 et 4 le plus fréquent était la neutropénie (respectivement de 8,5 et 11,9% dans le bras expérimental et dans le bras standard). Trois décès ont été attribués au traitement, tous trois dans le bras chimiothérapie exclusive. 

Ces premiers résultats positifs concernant les objectifs principaux sont particulièrement intéressants et font espérer la mise en évidence ultérieure d’un bénéfice significatif de survie globale. Cet essai confirme la faisabilité de l’immunochimiothérapie néoadjuvante dans les cancers bronchiques non à petites cellules résécables et son efficacité dont témoignent déjà l’amélioration de la survie médiane sans événement et l’importance de la réponse histologique dont on sait qu’elle est un bon marqueur prédictif de la survie sans maladie et de la survie globale. 

 

Reference

Neoadjuvant Nivolumab plus Chemotherapy in Resectable Lung Cancer.

Forde PM, Spicer J, Lu S, Provencio M, Mitsudomi T, Awad MM, Felip E, Broderick SR, Brahmer JR, Swanson SJ, Kerr K, Wang C, Ciuleanu TE, Saylors GB, Tanaka F, Ito H, Chen KN, Liberman M, Vokes EE, Taube JM, Dorange C, Cai J, Fiore J, Jarkowski A, Balli D, Sausen M, Pandya D, Calvet CY, Girard N; CheckMate 816 Investigators.

N Engl J Med 2022 Apr 11. Online ahead of print

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.