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Chest

Pneumopathies induites par l’osimertinib : une importante étude rétrospective

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novembre 2022

Effets secondaires des médicaments, EGFR

L’incidence des pneumopathies de grade ≥ 3  sous osimertinib est de 1 % dans l’étude FLAURA mais elle semble plus élevée au Japon, pays qui n’avait inclus que 65 patients dans cette étude. Le but de l’étude rétrospective dont nous présentons ici les résultats est d’évaluer cette incidence au Japon et de mieux préciser les caractéristiques de ces pneumopathies. 

Cette étude observationnelle multicentrique menée sur une période d’un peu plus d’un an vise à recenser les pneumopathies médicamenteuses observées en première ligne d’osimertinib et à en préciser les caractéristiques. 

Tous les scanners effectués pendant la durée du traitement ont été revus par 3 pneumologues : dans un premier tems la relecture du premier scanner effectué avant le traitement a permis de rechercher des signes préexistants de pneumopathie interstitielle, d’emphysème ou de pneumopathie radique. Les anomalies interstitielles étaient définies selon leur sémiologie radiologique. Ensuite les experts retenaient le diagnostic de pneumopathie médicamenteuse avec l’aide d’un comité d’experts comprenant des experts radiologues et classaient celles-ci selon les éléments cliniques, biologiques, radiologiques et évolutifs disponibles en pneumopathie médicamenteuse possible ou probable. Ils classaient selon les critères de la Fleischner Society cette pneumopathie en dommage alvéolaire diffus (DA), pneumopathie d’hypersensibilité (PH), pneumopathie interstitielle non spécifique (NSIP), pneumopathie organisée (OP), pneumopathie à éosinophiles (PEo). Enfin les opacités pulmonaires transitoires (TAPO) étaient définies par des opacités s’améliorant dans les 2 semaines qui suivaient leur apparition (le caractéristiques spontané de cette amélioration était difficile à affirmer parce que beaucoup de patients, même asymptomatiques, ont reçu des corticoïdes dans cette étude de « vie réelle ». 

Au total, 452 patients provenant de 18 institutions ont accepté de participer à cette étude et 2425 scanners ont été évalués. L’âge médian de ces patients était de 72 ans, 304 étaient des femmes, 220 avec une délétion de l’exode 19, 204 une mutation L858R et 28 une autre mutation (mutation mineure). La période d’observation était de 14,7 mois, la survie sans progression médiane était de 20,5 mois et le temps médian jusqu’à échec était de 19,1 mois. Le taux de réponse globale était de 78,6 %.

 

La lecture du scanner initial montre que 87 patients (19,2 %) avaient au moins une anomalie interstitielle, telle que par exemple une fibrose (1,5%), un emphysème ou  une pneumopathie radique.  

Quatre vingt patients ont été identifiés comme ayant une pneumopathie médicamenteuse de tous grades. Les caractéristiques et le grade de ces 80 cas de pneumopathies, qui sont survenues après un délai médian de 11,9 semaines, sont résumés sur les tableaux ci-dessous :

 

Nombre

%

Pneumopathie organisée (OP)

30

38

Pneumopathie à éosinophiles (PEo)

21

26

Pneumopathie d’hypersensibilité (PH)

18

23

Dommage alvéolaire diffus (DAD)

9

11

Pneumopathie interstitielle non spécifique (NSIP)

2

3

 

Grades

 

Nombre

%

Grade 1

39

49

Grade 2

20

25

Grade 3

15

19

Grade 4

1

1

Grade 5

5

6

Des pneumopathies médicamenteuses conduisant au décès ont été observées chez 5 patients qui en majorité avaient un dommage alvéolaire diffus. Des anomalies sur le scanner initial ont été retrouvées chez 3 patients. 

Ces pneumopathies médicamenteuses impactaient globalement le pronostic puisque la survie sans progression des patients qui avaient une pneumopathie médicamenteuse était plus courte que celle des patients qui n’en avaient pas (11,3 vs 20,7 mois, p<0,001).  Les malades présentant un DAD avaient une survie sans progression significativement plus courte et ceux présentant une PEo avaient une survie sans progression significativement plus longue que l’ensemble des autres. 

En analyse multivariée, l’existence initiale d’une pneumopathie fibrosante ou non, d’un emphysème, d’une pneumopathie radique, de « lésions inflammatoires chroniques »,  l’âge et le PS n’étaient pas significativement prédictifs de pneumopathie médicamenteuse. Seul le tabagisme l’était. 

Chez 37 de ces 80 patients, le scanner s’améliorait significativement dans le cadre des opacités pulmonaires transitoires (TAPO) définies plus haut, soit spontanément, soit sous corticoïdes (n=8). Ces améliorations rapides étaient surtout observées chez les malades qui avaient une pneumopathie organisée ou à éosinophiles. Les survie sans progression et survies de ses patients n’étaient pas significativement  influencées par ces pneumopathies, que l’osimertinib soit repris ou non. 

Dans cette étude rétrospective multicentrique japonaise dont la méthodologie est extrêmement rigoureuse, une pneumopathie médicamenteuse induite par l’osimertinib a été observée chez 80 des 452 patients inclus dans l’étude, c'est à dire chez 18% des malades. Heureusement  chez 37 patients, le scanner s’améliorait dans les 2 semaines qui suivaient l’apparition de la pneumopathie et celle-ci n’impactait pas le pronostic,  que l’osimertinib soit poursuivi ou non. Cependant, 20% de ces pneumopathies étaient de grade 3 ou 4 et 5 cas ont conduit au décès. Ceci est loin d’être négligeable puisque cela représente un peu plus de 1% de l’ensemble des patients. Même s’il est probable que la fréquence et la gravité de ces pneumopathies médicamenteuses soient inférieures chez les malades européens, il est certain qu’une attention particulière doit leur être apportée.  

 

 

Reference

Drug-Related Pneumonitis Induced by Osimertinib as First-Line Treatment for Epidermal Growth Factor Receptor Mutation-Positive Non-Small Cell Lung Cancer: A Real-World Setting. 

Sato Y, Sumikawa H, Shibaki R, Morimoto T, Sakata Y, Oya Y, Tamiya M, Suzuki H, Matsumoto H, Yokoi T, Hashimoto K, Kobe H, Hino A, Inaba M, Tsukita Y, Ikeda H, Arai D, Maruyama H, Hara S, Tsumura S, Sakata S, Fujimoto D. 

Chest  2022; 162 : 1188-1198

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.