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European Journal of Cancer

Quel est l’effet de la surveillance post-opératoire qui a été effectuée dans l’essai MAGRIT ?

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janvier 2020

Surveillance

Le suivi post-opératoire des cancers bronchiques non à petites cellules opérés reste l’objet de débats et le bénéfice d’un suivi par des examens d’imagerie répétés n'est pas démontré. L‘étude randomisée de phase III IFCT-0302 dont Virgine Westeel était l‘investigatrice principale, et qui est la seule étude randomisée sur ce sujet et qui portait sur 1775 patients, (cliquer ici) a démontré qu’un suivi scanographique systématique ne permettait pas d’obtenir un bénéfice significatif de survie.  Pourtant, malgré ces résultats, le débat persiste, notamment parce que les progrès récents des traitements locaux (vidéochirurgie, radiothérapie stéréotaxique) et aussi des métastases (immunothérapie, traitements ciblés) sont responsables d’une prolongation importante de la survie et que beaucoup pensent, même si çe n’est pas démontré, que l’efficacité de ces traitements  est d’autant plus grande qu’ils sont administrés précocement.  

Méthodes

Le travail dont les résultats sont présentés ici a été réalisé à partir de l’étude MAGRIT, une grande étude  internationale de phase III (cliquer ici).  Dans cette étude, les patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules complètement réséqué de stade IB, II et IIIA et exprimant MAGE A3 étaient inclus. Ils étaient randomisés sur le mode 2/1 entre soit une immunothérapie par MAGE-A3 comprenant jusqu’à 13 injections durant 27 mois, soit un placebo. Aucun effet bénéfique significatif de survie sans maladie ou de survie globale n’a été observé et aucun facteur n’a pu être identifié comme prédictif d’un effet favorable de MAGE-A3.

Tous les patients inclus dans cette étude avaient un suivi défini qui comportait durant les 30 premiers mois un bilan tous les 3 mois alternant radiographie thoracique et scanner du thorax et du haut abdomen. Une imagerie cérébrale n’était réalisée que s’il existait des signes cliniques. La même surveillance, alternant radiographie thoracique et scanner du thorax et du haut abdomen était réalisée ensuite jusqu’à 5 ans tous les 6 mois. 

L'étude dont nous commentons les résultats avait plusieurs objectifs principaux 1) définir comment les récidives ou les nouveaux cancers ont été détectés, 2) identifier les facteurs cliniques ou pathologiques associés avec un risque de récidive locorégionale ou métastatique et 3) décrire les taux de récidive au cours du temps en considérant séparément les récidives locales, les récidives métastatiques et les deuxièmes cancers. À noter qu’en cas de récidives locorégionales et métastatiques simultanées, ces récidives étaient classées parmi les récidives métastatiques. Elle avait aussi plusieurs objectifs secondaires : 1) comparer la survie des patients qui avaient des récidives métastatiques selon que celles-ci étaient détectées par des examens programmés ou non, 2) comparer la survie des patients qui avaient des récidives locorégionales ou des seconds cancers  selon que celles-ci étaient détectées par des examens programmés ou non 3) comparer la survie des patients qui avaient une récidive métastatique selon que celle-ci était limitée ou non au cerveau ou aux surrénales, 4) tenter d’identifier des facteurs cliniques ou pathologiques significativement associés avec un type de récidive.

Résultats

Au total 2261 patients ont été inclus et suivis pendant une durée médiane de 40 mois. Pendant cette période, 819 événements ont été diagnostiqués :

  • 293 (35,8 %) étaient des récidives locorégionales
  • 482 (58,8 %) des récidives métastatiques
  • et 44 (5,4 %) des deuxièmes cancers. 

Seulement 10 des 293 récidives locorégionales et 7 des 482 récidives métastatiques ont été des détectées par la radiographie thoracique. Toutes les autres ont été détectées par les scanners protocolaires dans 77,1% des cas (la compliance à ces examens était élevée) ou par d’autres examens non prévus (IRM, TEP-FDG …). 

On note que ce sont surtout les récidives locorégionales ou les deuxièmes cancers qui ont été diagnostiqués par les examens protocolaires puisque ces récidives ou ces deuxièmes cancers ont détectés par ces examens respectivement dans 88,4% et 94,2% des cas alors que les métastases n’ont été détectées par ces examens que dans 58,7% des cas. La survie de ces malades ayant une récidive loco-régionale était significativement meilleure lorsque cette récidive  était détectée par les examens protocolaires (HR 0,56, 95% CI 0,36-0,8, (p=0,01). Le taux de survie à 3 ans des malades dont les métastases avaient été détectées par les examens protocolaires était de 43% versus 6,2% chez les autres. 

En revanche, la survie des patients qui avaient des métastases détectées par un examen protocolaire ne différait pas de celle des patients dont l'évolution métastatique  avait été détectée par un autre examen.  Le taux de survie à 3 ans des malades dont les métastases avaient été détectées par les examens protocolaires était  de 22% versus 21,8% chez les autres. Parmi ces patients, 91 avaient un syndrome oligométastatique intéressant le cerveau ou les glandes surrénales. La survie de ceux-ci n’était pas significativement différente de celle des patients ayant davantage de métastases.

Les analyses multivariées prévues pour identifier des facteurs liés au risque de deuxième cancer ou de récidive locorégionale ou au risque de récidive métastatique ont été réalisées : elles n’ont identifié que les facteurs habituels qui sont bien connus. 

Enfin une analyse du risque de récidive en fonction du temps a montré que le risque de récidive locorégionale ou métastatique était maximum à 18 mois alors que le risque de deuxième cancer était constant dans le temps.

On note que dans cette étude ce sont surtout les récidives locorégionales ou les deuxièmes cancers qui ont été diagnostiqués précocement par les examens protocolaires ce qui n’est pas étonnant puisque ni les métastases cérébrales ni beaucoup de métastases osseuses ou hépatiques ne pouvaient être détectées par un scanner thoracique et du haut abdomen. On note aussi, ce qui est probablement en partie la conséquence du fait précédent, que la survie de ces malades était significativement meilleure lorsque ces récidives ont été détectées par les examens protocolaires. On note enfin que la survie des patients qui avaient des métastases détectées par un examen protocolaire ne différait pas de celle des patients dont la métastase avait été détectée par un autre examen, y compris quand ces métastases étaient peu nombreuses. Mais il est possible que les choses changent du fait du développement des thérapeutiques ciblées et de l’immunothérapie dont on peut penser que la survie sera meilleure en cas de traitement précoce. 

Alors faut-il faire un suivi scanographique à nos malades opérés ? 

On peut penser que non si on applique les résultats de l’étude IFCT 03-02 , mais cette dernière comportait 68,1% de patients atteints de cancer de stade I, et ce sont les patients atteints de cancers de stades II et III qui récidivent le plus. Et puis l'étude IFCT 03-02 a montré une ébauche de bénéfice tardif, à un moment où apparaissent davantage de deuxièmes cancers pour lesquels le scanner n’est finalement qu’un dépistage chez des sujets à risque particulièrement élevé. 

On peut penser que oui quand on lit les résultats de l'étude issue de MAGRIT qui montre un réel bénéfice pour la survie des patients qui ont une récidive locale diagnostiquée par un suivi protocolaire. Toutefois, cette étude n'est pas randomisée et c'est une analyse rétrospective d'un essai prospectif, ce qui ne lui donne pas le niveau de preuve de l'étude IFCT 03-02. 

Au fur et à mesure que l’efficacité des traitements s’améliorera et que la pratique du  dépistage dont l’impact sur la survie est démontré s’étendra il apparaitra probablement aux yeux de tous que ce débat est dépassé. Ne pas surveiller ces malades sera peut-être même dans l’avenir considéré comme une perte de chance. 

 

Reference

Effectiveness of intensive clinical and radiological follow-up in patients with surgically resected NSCLC. Analysis of 2661 patients from the prospective MAGRIT trial.

Conforti F, Pala L, Pagan E, Bagnardi V, Zagami P, Spaggiari L, Catania C, Vansteenkiste J, Giaccone G, De Pas T.

Eur J Cancer  2020; 125 : 94-103

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.