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New England Journal of Medicine

Reduced Lung-Cancer Mortality with Low-Dose Computed Tomographic Screening

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juillet 2011

Dépistage, Diagnostic précoce, Imagerie : Radiologie

L’histoire du dépistage radiologique du cancer du poumon est une longue histoire commençant par la radiographie puis ensuite par le scanner « low dose » dans la quelle un nouveau chapitre, peut-être le plus important, vient d’être écrit.

Le fait que son incidence soit élevée,  le fait que le tabagisme en soit la cause principale rendant facile de cibler les sujets à risque et enfin le fait que plus de 80% des cancers de stade précoce soient curables alors que les formes métastatiques sont mortelles sont les arguments essentiels qui expliquent l’intérêt potentiel de ce dépistage.

Pourtant, aucune étude n’avait jusqu’à ce jour démontré que les techniques de dépistage avaient un impact positif sur la mortalité spécifique par cancer. Plus encore des inconvénients potentiels d’un programme de dépistage ont été souvent soulignés : ce sont les fameux biais : allongement artificiel de la durée d’une maladie de toute façon incurable (lead-time bias), découverte de cancers peu évolutifs (lenght-time bias), voire de cancers qui n'auraient pas été à l’origine de décès si on ne les avait pas diagnostiqués (overdiagnosis bias). Le dépistage a aussi été accusé de favoriser le tabagisme : « je n’ai pas de cancer, donc je peux fumer ». Il est enfin souvent à l’origine de la découverte lésions bénignes conduisant potentiellement à la pratique d’examens coûteux et possiblement invasifs. . 

La plupart des études ouvertes non randomisées concernant la radiographie avaient montré que, les cancers dépistés étaient découverts à un stade plus précoce, étaient plus fréquemment opérables  et avaient une meilleure survie que les cancers diagnostiqués à partir d’un symptôme. Néanmoins, les deux études randomisées comparant radiographie à absence de radiographie avaient confirmé que les cancers dépistés avaient une opérabilité et une survie supérieures mais leur incidence étant supérieure dans le groupe dépisté, la mortalité spécifique par cancer n’était pas statistiquement différente. La principale explication avancée est que les cancers peu évolutifs (indolents), ont plus de chance d’être observés lors d’un programme de dépistage que les cancers évolutifs (lenght-time bias et overdiagnosis bias). Néanmoins ce concept de cancers indolents longtemps latents qui s’applique bien au cancer de la prostate ne s’applique pas au cancer broncho-pulmonaire dont l'évolution longtemps asymptomatique est très inhabituelle : plusieurs études ont montré que les patients atteints d’un cancer de stade IA asymptomatique, non opéré,  décèdent dans la majorité des cas de leur cancer.

 

Le scanner thoracique spiralé faiblement irradiant (scanner low-dose)  a été utilisée depuis la fin des années 90, d’abord au Japon, puis aux Etats-Unis et en Europe. Il est plus rapide, moins irradiant que le scanner classique et n’utilise pas d’injection.

Depuis les premières publications d’études ouvertes portant sur plusieurs centaines ou milliers de fumeurs il a été démontré que, comme la radiographie mais mieux que celle-ci, le scanner décèle des cancers de stades précoces dont l’opérabilité et la survie sont supérieures à celles de sujets dont le cancer a été découvert par symptômes. Néanmoins toutes les études ont montré  un taux très élevé de faux positifs  sous forme de nodules bénins conduisant à des examens de contrôle voire à des bilans invasifs.

On attendait donc avec impatience les résultats de deux grandes études randomisées évaluant l’impact du scanner sur la mortalité spécifique par cancer broncho-pulmonaire, une étude européenne toujours en cours la Nelson study  (http://www.trialregister.nl/trialreg/admin/rctview.asp?TC=636) et une étude américaine le NLST dont des résultats préliminaires avaient déjà été mentionnés sur ce site à l’occasion d’un autre article (http://www.biblio.ifct.fr/?q=node/1951)

 

Ce sont les résultats du NLST qui ont été présentés hier et discutés par un éditorial dans ce même numéro du New England Journal of Medicine (Sox, HS 1-3).

Cet essai comparaît scanner low dose et radiographie standard. Les participants devaient avoir de 55 à 74 ans et ils devaient avoir fumé au moins 30 paquets année. Ils pouvaient être fumeurs actifs ou anciens fumeurs depuis moins de 16 ans. Les scanners étaient réalisés à l’inclusion et à 1 et 2 ans. Tous les scanners objectivant un nodule mesurant au moins 4 mm dans n’importe quelle dimension ou une autre anomalie (adénopathie, épanchement pleural) étaient qualifiés de « positifs pour la suspicion de cancer ».

L’objectif principal était la comparaison de la mortalité spécifique dans les deux groupes (réduction de 21% de mortalité spécifique).

Lors d’une analyse intermédiaire le 20 octobre dernier un board indépendant a considéré que l’objectif était atteint et conseillé la publication des résultats qui ont été immédiatement annoncés.

 

Que nous apprend de plus la publication définitive du New England ?

D’août 2002 à avril 2004 cet essai a enrôlé 53 454 personnes dont la répartition dans les deux groupes était harmonieuse en ce qui concerne l’âge et le tabagisme. Comparés à une étude antérieure sur les fumeurs américains, ces personnes étaient en revanche plus jeunes, avaient un niveau d’éducation plus élevé et étaient plus souvent des ex fumeurs.

L’adhésion au programme de dépistage (compliance) était élevée : 95% dans le bras scanner et 93% dans le bras radiographie. La contamination (taux annuel de scanners effectués dans le bras radiographie était de 4,3%).

Les taux de scanners positifs étaient comme on pouvait s’y attendre plus élevés que ceux de radiographies positives (27,3% vs 9,2% lors du premier examen et ainsi de suite pour les examens ultérieurs).

Sur les 3 examens, 96,4% des scanners positifs et 94,5% des radios positives étaient des faux positifs.

Avec un taux d’effets adverses très faible, l’incidence des cancers a été de 645 cas /100 000 personnes/année dans le groupe scanner et de 572 cas/100 000 personnes/année dans le groupe radiographie. On retrouve comme dans les essais historiques un excès de cancer que souligne HC Sox pouvant témoigner d’un certain degré de surdiagnostic.

De façon intéressante il y avait beaucoup plus de stases précoces dans le groupe scanner notamment de cancers de stade IA.

La réduction de mortalité spécifique par cancer broncho-pulmonaire était de

20.0% (95% CI, 6.8 - 26.7; P = 0.004).

Le nombre de scanners à effectuer pour prévenir un décès par cancer était de 320.

La mortalité globale était également réduite de 6,7%. Cette réduction n’est pas expliquée mais témoigne en tout cas du fait que, contrairement à ce que certains avaient prédit, les investigations menées chez les faux positifs n’ont pas induit un excès de mortalité.

 

Ainsi la réduction de la mortalité spécifique par cancer du poumon grâce à un programme de dépistage par scanner low dose est maintenant prouvé par un grand essai dont les conclusions sont incontestables.

Il est possible que cette réduction soit pour une part due à la détection de cancers peu évolutifs mais les cancers du poumon « indolents » sont rares et ont peu à voir avec des cancers d’autres organes. Il sera en tout cas  intéressant de voir si cet excès de cancers dans le bras scanner se poursuit par la suite.  

Les conclusions de cet essai sont incontestables mais elle ne s’appliquent qu’à des sujets comparables : fumeurs de 55 à 75 ans, ayant fumé 30 paquets /année et dont le tabagisme était toujours actif ou a cessé dans les 15 dernières années. Il est hors de question de les étendre à des sujets ayant fumé moins ou ayant arrêté il y a plus longtemps.

Avant de pouvoir faire bénéficier les 14 millions de fumeurs français du dépistage scanographique nous devrons nous organiser et mettre en place  les structures de dépistage puis de diagnostic (gestion des faux positif) adaptées. C’est un travail énorme mais incontournable avant de généraliser en France une telle pratique. 

Bernard Milleron. IFCT, 10 rue de la Grange Batelière 75009 Paris et Hôpital Tenon, APHP, Paris.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.