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New England Journal of Medicine

Résultats définitifs de l’étude NELSON : l’importante réduction de mortalité spécifique qui résulte du dépistage par scanner LD est maintenant confirmée en Europe

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février 2020

Dépistage

Parmi la dizaine d’essais randomisés qui portent dans le monde entier sur le dépistage scanographique du cancer broncho-pulmonaire, seulement 2, l’essai NLST et l’essai NELSON, avaient les effectifs suffisants pour démontrer une réduction significative de la mortalité spécifique par cancer broncho-pulmonaire. Voilà maintenant près de 9 ans que l’étude NLST a démontré une réduction significative de 20% chez plus de 53 000 fumeurs ou anciens fumeurs dont la moitié bénéficiaient pendant 3 ans d’un scanner annuel tandis que l’autre moitié n’avaient qu’une simple radiographie thoracique (cliquer ici). De nombreuses publications ont depuis cette date détaillé les résultats de cet essai et ont été commentées sur ce site. Ces publications ont notamment porté sur les résultats des rounds réalisés à T0 (cliquer ici) puis àT1 et T2 (cliquer ici) en faisant état d’un nombre élevé de faux positifs de l’ordre de 25%, mais aussi d’ un taux très réduit d’examens invasifs et donc de complications liées au dépistage. D’autres publications ont porté sur  le rapport coût-efficacité de ce dépistage (cliquer ici), et sur l’influence favorable du dépistage sur le sevrage tabagique (cliquer ici). Surtout deux publications ont porté sur le surdiagnostic en l’estimant initialement en 2013 à 18% puis avec un suivi de la mortalité supérieur à 12 ans  en 2019 à seulement 3% (cliquer ici)

On attendait avec impatience la publication des résultats de l’étude européenne NELSON dont le recrutement avait été conduit de 2003 à 2005 et dont les résultats avaient été communiqués au WCLC il y a plus d’un an. Ils sont maintenant en ligne dans le New England Journal of Medicine. 

Cet essai mené en Hollande et en Belgique a déjà fait l’objet de nombreux commentaires sur notre site. Rappelons qu’il a été réalisé chez des fumeurs et anciens fumeurs de 50 à 74 ans dont le tabagisme devait être supérieur à 15 cigarettes par jour pendant plus de 25 ans ou à 10 cigarettes par jour pendant plus de 30 ans. S’ils étaient anciens fumeurs ils devaient avoir cessé leur tabagisme depuis moins de 10 ans. Ils étaient randomisés soit dans un bras expérimental qui comportait un scanner LD a T0, 1 an, 3 ans et 5,5 ans et soit un bras standard qui ne comportait pas d’examen. La gestion des nodules était différente de celle habituellement proposée : au lieu que les résultats du scanner soient donnés en « positifs » et « négatifs », ils étaient ici donnés en trois groupes : positifs », « négatifs », et « intermédiaires ». Dans le groupe intermédiaire,  un nouveau scanner était effectué après un délai court et les patients étaient alors définitivement classés en « positifs » ou « négatifs » (cliquer ici)

Les résultats qui publiés ici sont issus d’un suivi très prolongé jusqu’à 11 ans et sont particulièrement rigoureux puisque les causes de décès ont été revues par un comité indépendant. A l’époque où cet essai a été conduit,  le tabagisme était dans ces pays moins fréquent et quantitativement moins important chez les femmes que chez les hommes ce qui explique que beaucoup plus d’hommes que de femmes ont été inclus dans cette étude et que les résultats sont présentés de façon distincte chez les hommes et les femmes. 

Les caractéristiques des 6583 hommes dépistés et des 6612 hommes du bras contrôle étaient bien réparties : leur âge médian était de 58 ans dans les deux bras, leur tabagisme médian était de 38 paquets année dans les deux bras  et les proportions d’anciens fumeurs étaient respectivement de 44,5 et 45,2% dans le groupe expérimental et dans le groupe contrôle. 

Comme le montre le tableau ci-dessous, les taux de faux positifs étaient beaucoup plus faibles que dans l’essai NLST du fait d’une proportion non négligeable de résultats intermédiaires classés après un deuxième scanner en positif ou négatif :

 

Intermédiaires (%)

Positifs (%)

Cancer du poumon (%)

VPP

Round 1

19,7

2,3

0,9

38,1

Round 2

5,9

1,6

0,7

47,4

Round 3

6,7

2,4

1,1

47,8

Round 4

1,9

2

0,8

41,6

Total

9,2

2,1

0,9

43,5

Les cancers diagnostiqués étaient beaucoup plus souvent de stade précoce dans le bras dépistage lorsque c’est le scanner qui les détectait :

-       58,6% dans cancers dépistés par scanner étaient des cancers de stades IA et IB,

-       Alors que pour les cancers non dépistés, c’était seulement le cas de 14,2% et 13,5% des sujets du bras scanner (cancers de l’intervalle) ou du bras contrôle. 

Avec un suivi de 10 ans, 156 hommes dans le bras dépistage et 206 dans le bras scanner étaient morts de cancer pulmonaire (respectivement 2,50 décès par 1000/personnes-année et 3,30 décès par 1000/personnes-année). Ainsi le rapport des taux cumulés de décès par cancer broncho-pulmonaire à 10 ans était pour le bras dépistage vs le bras contrôle de 0,76 (95%CI : 0,61-0,94), p=0,01. Ces différences étaient similaires à 8, 9 et 11 ans.  Contrairement à l’étude NLST, il n’y avait pas d’impact sur la mortalité générale. 

Chez les 2594 femmes, ce rapport des taux cumulés de décès par cancer broncho-pulmonaire  à 10 ans était encore plus à la faveur du bras expérimental mais sans pouvoir, compte tenu des effectifs, atteindre la significativité (0,67 (95%CI : 0,38-1,14).

L’excès du nombre de cancer dans le bras dépisté était une variable très attendue puisque cet excès permet d’estimer le surdiagnostic. A 11 ans, c’est-à-dire 5,5 ans après les résultats du dernier round, cet excès était de 18 cas ce qui fait évaluer le taux de surdiagnostic à 8,9%.

Les résultats définitifs de cet essai vont donc dans le même sens que ceux du NLST avec une population différente et les modalités de scanner différente comprenant notamment un espacement après les deux premiers rounds. Espérons que ces résultats vont permettre de mettre enfin un terme définitif au débat qui a lieu dans notre pays et conduire à la mise en œuvre d’expérimentations de grande ampleur.

 

 

Reference

Reduced Lung-Cancer Mortality with Volume CT Screening in a Randomized Trial.

de Koning HJ, van der Aalst CM, de Jong PA, Scholten ET, Nackaerts K, Heuvelmans MA, Lammers JJ, Weenink C, Yousaf-Khan U, Horeweg N, van 't Westeinde S, Prokop M, Mali WP, Mohamed Hoesein FAA, van Ooijen PMA, Aerts JGJV, den Bakker MA, Thunnissen E, Verschakelen J, Vliegenthart R, Walter JE, Ten Haaf K, Groen HJM, Oudkerk M.

N Engl J Med 2020 Jan 29. [Epub ahead of print]

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.