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Journal of the National Cancer Institute

Surveillance des cancers par un questionnaire hebdomadaire : une étude française prospective de phase III

2.01
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juin 2017

Surveillance

Le prestigieux JNCI va publier en septembre prochain les résultats de l’étude prospective randomisée de phase III qu’a coordonnée Fabrice Denis comparant une surveillance classique à une surveillance par remplissage hebdomadaire d’un auto-questionnaire chaque semaine sur le web, chez les malades non progressifs après traitement d’un cancer broncho-pulmonaire.

Il s’agit d’une importante étude prospective randomisée réalisée rapidement dans 5 centres français de juin 2014 à janvier 2016. Pour être éligibles les patients devaient avoir été opérés ou avoir reçu une chimiothérapie adjuvante, une radiochimiothérapie, une radiothérapie conventionnelle ou stéréotaxique, ou une chimiothérapie de première ligne ou deuxième ligne ou un inhibiteur de la tyrosine kinase pour un cancer bronchique non à petites cellules ou un cancer bronchique à petites cellules de stade ≥2.

Ils devaient être non progressifs, avoir un PS ≤ 2 et avoir un score de symptômes < 7. Ce score était basé sur 5 symptômes (fatigue, anorexie, toux, dyspnée et douleur) côtés de 0 à 3.

Ces patients étaient randomisés :

  • Soit dans un bras expérimental comportant, - outre un auto-questionnaire sur internet hebdomadaire -, une visite médicale tous les 3 mois et un scanner tous les 6 mois,  
  • Sois dans un bras standard comportant une visite médicale tous les 3 mois et un scanner tous les 3 mois pour les stades IIIB et IV et tous les 6 mois pour les stades II ou IIIA. Dans ce bras les patients étaient incités à consulter leur généraliste ou leur oncologue en cas de symptômes.

L’objectif principal était la survie globale qui devait passer à 9 mois de 70 à 82%, ces chiffres étant basés sue une étude de phase II antérieure. Ainsi 224 patients étaient nécessaires pour cette démonstration et une analyse intermédiaire était prévue au 37éme décès.

Cette analyse intermédiaire a eu lieu en janvier 2016 : 133 patients avaient été randomisés à cette date, et  avec un suivi médian de 9 mois, 37 décès avaient été observés. L’IDMC conseilla alors l’arrêt de l’étude  et la publication des résultats.

Parmi ces patients, 121 seulement ont été analysés en ITT, car 12 (9%) ont été jugés inéligibles. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. On retiendra de celles-ci :

  • La présence d’une majorité de stades IV (respectivement 40 et 37 dans le bras contrôle et dans le bras expérimental), les autres patients présentant des cancers de stade IIIB  (n=10) ou IIIA (n=29) ou II (n=5).
  • Une proportion non négligeable de cancers bronchiques à petites cellules (n =20).
  • Le fait que 31 et 18 patients recevaient une chimiothérapie de maintenance ou un traitement par inhibiteur de la tyrosine kinase.

Les résultats transmis à l’IDMC montraient un important et significatif bénéfice de survie dans le bras expérimental comme le montre le tableau ci-dessous :

 

Bras expérimental

(95% CI)

Bras contrôle

(95% CI)

p

Médiane de survie (mois)

19 (12,5-NA)

12 (8,6-16,4)

 

Taux de survie à 9 et 12 mois

78,9/74,9

58,7/48,5

 

HR de décès

0,32 (0,15-0,67)

0,002

Il n’y avait en revanche pas de bénéfice de survie sans progression.

Bien qu’elle soit positive, il nous semble que cette étude ne permette pas de conclure avec certitude à un impact de ce mode de surveillance sur la survie du fait de plusieurs limites qui, pour la plupart, sont reconnues par les auteurs :

 - Le nombre de malades inéligibles atteint presque 10%, ce qui est élevé.

 - Les chiffre de 121 malades et de 9 mois de suivi médian sont peu élevés. Il sera intéressant de voir si cette différence de survie est confirmée avec un suivi plus prolongé.

 - Des stades de pronostic très différents sont mélangés qui, à notre sens nécessiteraient une surveillance différente adaptée à leur probabilité de récidive. Il nous semble que les études futures devraient séparer au minimum les stades I et II, des stades III et des les stades IV. De même mélanger les cancers bronchiques à petites cellules et les cancers bronchiques non à petites cellules dans la même étude nous semble discutable car les modalités évolutives de ces cancers sont très différentes.

 - Il parait aussi discutable de mélanger dans la même étude des malades non traités et des malades qui reçoivent une chimiothérapie de maintenance ou un inhibiteur de la tyrosine kinase car ces derniers doivent bénéficier d’une surveillance particulière liée à leur traitement qui peut interférer avec le suivi de l’étude (il semble probable que ces malades aient eu plus qu’une consultation tous les 3 mois).

 - Nous n’avons pas compris pourquoi le nombre de malades prévu initialement est de 224 dans l’article alors qu’il est de 133 dans Clinical.trial.gov (cliquer ici) .

Les auteurs signalent que, dans le groupe expérimental, ils ont pu détecter et traiter des événements graves non cancéreux, tels que des embolies pulmonaires, des pneumopathies, des péricardites etc … Il est possible que, comme ils le suggèrent, ce soit la meilleure prise en charge de ces événements non cancéreux qui puisse expliquer ces différences de survie un peu comme la prise en charge précoce des symptômes qui, dans l’étude de Temel, améliorait la survie. Ceci expliquerait la non amélioration de la survie sans progression.

   

  

  

Reference

Randomized Trial Comparing a Web-Mediated Follow-up With Routine Surveillance in Lung CancerPatients.

Denis F, Lethrosne C, Pourel N, Molinier O, Pointreau Y, Domont J, Bourgeois H, Senellart H, Trémolières P, Lizée T, Bennouna J, Urban T, El Khouri C, Charron A, Septans AL, Balavoine M, Landry S, Solal-Céligny P, Letellier C.

J Natl Cancer Inst 2017; 109 (9).

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.