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Journal of Clinical Oncology

Traitement des patients atteints de CBNPC avec « driver mutations » : de nouvelles recommandations de l’ASCO

2.01
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mars 2021

ALK, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, EGFR, ROS

Les nouvelles recommandations de l’ASCO sont publiées dans un article très complet qui actualise des recommandations sur le traitement systémique des cancers bronchiques non à petites cellules en général publiées en 2017 (cliquer ici). Elles concernant les patients qui ont des altérations d’EGFR, ALK, ROS1 et BRAF et introduit de nouvelles recommandations pour les patients qui ont des altérations moléculaires de RET, MET et NTRK.

Ces recommandations sont basées comme d’habitude sur les études de phase III randomisées disponibles mais aussi, lorsque ces études n’existent pas sur des études de phase II. Lorsqu’on ne dispose pas de données issues d’essais randomisés de phase III comparant des traitements ciblés à un traitement de référence les experts ont choisi d’offrir aux cliniciens plusieurs options pour la première ligne et la deuxième ligne. 

Outre le fait que ces recommandations ne concernent que les patients qui ont les 7 mutations citées plus haut, il est précisé qu’elles ne s’adressent qu’aux patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stade IV mais ne s’appliquent pas aux patients qui ont des histologies rares comme par exemple les cancers à grandes cellules ou les tumeurs neuroendocrines. 

Seuls les articles originaux publiés en langue anglaise et les abstracts des grands congrès accompagnés de posters ont été analysés. Les revus de la littérature, éditoriaux, lettres ou rapports de cas n’ont pas été retenus. 

La force des recommandations est précisée pour chaque proposition 

Ces recommandations, basées sur 54 études. Elles répondent à des questions précises qu’il est difficile de détailler ici puisque ce document fait plus de 50 pages dans lesquelles en face de chaque recommandation figurent les études qui sont à la base de ces recommandations. Voici quelques recommandations essentielles :

ALTERATION de l’EGFR

Chez les patients qui ont une mutation activatrice de l'EGFR L858R ou une délétion de l’exon 19 et un PS de 0 à 2 :

  • L’utilisation d’osimertinib en première ligne est devenue une recommandation forte alors que ce traitement n’était en 2017 recommandé qu’en deuxième ligne et seulement chez les patients qui avaient une mutation T790M. 
  • Si l’osimertinib n’est pas disponible une association de gefitinib avec platine et pemetrexed est une recommandation modérée. D’autres recommandations dont la force est modérée seraient de prescrire en monothérapie du dacomitinib, de l’afatinib  ou une association l’erlotinib et de bevacizumab ou de ramucirumab. 
  • Enfin dans cette situation clinique, si ces traitements ne sont pas disponibles l’utilisation de gefitinib, erlotinib ou icotinib en monothéraoie est possible. La force de cette recommandation est modérée.

Chez les patients qui ont une mutation activatrice de l'EGFR L858R ou une délétion de l’exon 19 et un PS à 3 :

  • Une monothérapie par un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR peut être proposée choisi selon son profil de toxicité et la possibilité d’accès. Le niveau de preuve  de cette recommandation est faible.

Chez les patients qui ont une mutation activatrice de l'EGFR autre qu’une mutation L858R ou une délétion de l’exon 19, ou une mutation T790M, ou une insertion de l’exon 20  (comme par exemple une mutation G719X, L861Q, ou S768I) et un PS de 0 à 2  :

  • Un traitement par afatinib peut être proposé, la force de cette recommandation étant modérée.
  • Ou  par osimertinib (recommandation de niveau faible). 
  • Ou un traitement standard de cancer non muté peut être proposé, la force de cette recommandation étant modérée

Chez les patients qui ont n’importe quelle mutation activatrice de l'EGFR y compris une insertion de l’exon 20  et ce quelque soit le statut PDL1  :

  • L’immunothérapie en monothérapie ne devrait pas être utilisée en première ligne, la force de cette recommandation étant modérée.

Chez les patients qui ont une insertion de l’exon 20  

  • Un doublet à base de platine avec ou sans bevacizumab peut être proposée, la force de cette recommandation étant modérée.

Quel traitement proposer aux patients qui ont une mutation activatrice de l'EGFR en deuxième ligne ? 

  • L’osimertinib doit être proposé en deuxième ligne aux patients qui n’en ont pas reçu en première ligne et qui ont acquis une mutation T790M. Cette recommandation est forte. 
  • Un traitement standard de cancer non muté peut être proposé en l’absence de mutation T790M.  Le niveau de preuve  de cette recommandation est faible. 

ALTERATION de ALK

Chez les patients qui ont un réarrangement de ALK, un PS de 0 à 2 et qui n’ont pas été antérieurement été traités

  • L’alectinib ou le brigatinib doivent être prescrits en première ligne. Cette recommandation est forte.
  • Si ces traitements ne sont pas disponibles ; le crizotinib doit être prescrit en première ligne. Cette recommandation est forte.

Chez les patients qui ont un réarrangement de ALK, un PS de 0 à 2 et qui ont été antérieurement traités par alectinib ou le brigatinib

  • Les patients peuvent recevoir du lorlatinib. La force de cette recommandation est modérée. 

Chez les patients qui ont un réarrangement de ALK, un PS de 0 à 2 et qui ont été antérieurement traités par crizotinib

  • L’alectinib, le brigatinib ou le ceritinib peuvent être proposés en deuxième ligne. Cette recommandation est forte.

Chez les patients qui ont un réarrangement de ALK, un PS de 0 à 2 et qui ont été antérieurement été traités par crizotinib puis en deuxième ligne par alectinib, brigatinib ou ceritinib 

  • Un traitement par lorlatinib peut être proposé. La force de cette recommandation est modérée. 
  • Ou un traitement standard de cancer non muté, la force de cette recommandation étant faible.

ALTERATION de ROS1

Chez les patients qui ont un réarrangement de ROS1, un PS de 0 à 2 et qui n’ont pas été antérieurement traités

  • Un traitement par crizotinib ou entrectinib peut être proposé. La force de cette recommandation est modérée. 
  • Un traitement standard de cancer non muté peut être aussi administré, la force de cette recommandation étant modérée.
  • Un traitement par ceritinib ou lorlatinib peut être proposé. La force de cette recommandation est faible. 

Chez les patients qui ont un réarrangement de ROS1, un PS de 0 à 2 et qui ont été antérieurement traité

  • S’ils ont été traités par un traitement ciblé, un traitement standard de cancer non muté , la force de cette recommandation étant modérée.
  • S’ils n’ont pas été traités par un traitement ciblé, un traitement par crizotinib ou entrectinib ou ceritinib peut être administé, la force de cette recommandation étant modérée.

MUTATIONS de BRAF

Chez les patients qui ont une mutation BRAF V600E 

  • Un traitement de première ligne par dabrafenib/trametinib peut être proposé en première ligne, la force de cette recommandation étant modérée.
  • Un traitement standard de cancer non muté peut être aussi administré, la force de cette recommandation étant modérée.
  • Chez les patients qui ont reçu en première ligne un traitement par dabrafenib/trametinib, un traitement standard de cancer non muté peut être administré en deuxième ligne, la force de cette recommandation étant modérée.
  • Chez les patients qui n’ont pas reçu en première ligne un traitement ciblé, un traitement par dabrafenib/trametinib ou une monothérapie par dabrafenib ou vemurafenib peut être administré en deuxième ligne, cette recommandation étant faible.
  • Chez les patients qui ont reçu une chimiothérapie, une immunothérapie et/ou un traitement ciblé et première ligne, deuxième ligne ou plus, un traitement standard de cancer non muté peut être administré en deuxième ligne, la force de cette recommandation étant modérée.

Chez les patients qui ont une mutation BRAF non V600E

  • un traitement standard de cancer non muté peut être administré en deuxième ligne, la force de cette recommandation étant modérée.

MUTATIONS de MET

Chez les patients qui ont une skipping mutation de l’exon 14 de MET, un PS de 0 à 2 

  • un traitement ciblé par capmatinib ou tepotinib peut être proposé en première ligne,  la force de cette recommandation étant modérée.
  • un traitement standard de cancer non muté peut aussi être administré en première ligne, la force de cette recommandation étant modérée.

Chez les patients qui ont une anomalie de MET autre qu’une mutation de l’exon 14, un PS de 0 à 2 

  • un traitement standard de cancer non muté peut être administré en première ligne (ou deuxième ligne s’ils ont reçu un traitement ciblé) , la force de cette recommandation étant modérée.
  • un traitement ciblé par capmatinib ou tepotinib peut être proposé en première ou deuxième ligne,  la force de cette recommandation étant modérée.

REARRANGEMENTS DE RET

Chez les patients qui ont un réarrangement de RET, un PS de 0 à 2 et qui n’ont pas été traités antérieurement 

  • Un traitement par selpercatinib peut être proposé,  la force de cette recommandation étant modérée.
  • Mais un traitement standard de cancer non muté (niveau modéré) ou un traitement par pralsetinib (faible niveau)  peuvent aussi être administrés,  

Chez les patients qui ont un réarrangement de RET, un PS de 0 à 2 et qui ont été traités antérieurement :

  • S’ils ont reçu un traitement ciblé peuvent recevoir un traitement standard de cancer non muté (niveau faible).
  • S’ils n’ont pas reçu un traitement ciblé en première ligne peuvent recevoir un traitement peuvent recevoir du pralsetinib (niveau faible)  

FUSION NTRK

Chez les patients qui ont une fusion NTRK, un PS de 0 à 2 et qui n’ont pas été traités antérieurement :

  • Un traitement par entrectinib ou larotrectinib peut être proposé avec un niveau modéré de recommandation. 
  • Mais un traitement standard de cancer non muté (niveau modéré)  peut aussi être proposé,  

Chez les patients qui ont une fusion NTRK, un PS de 0 à 2 et qui ont été traités antérieurement sans thérapeutique ciblée  :

  • Un traitement par entrectinib ou larotrectinib peut être proposé avec un niveau modéré de recommandation. 

Les auteurs abordent rapidement KRAS et HER2 pour dire qu'ils ont considéré, au moment où ils ont écrit ce texte, que les données de la littérature n’étaient pas suffisantes pour proposer des recommandations. 

Ils sont conscients des problèmes particulièrement importants posés par les difficultés d’accès à certains de ces traitements en relation avec leur coût qui induisent de grandes disparités. Un large accès aux études cliniques avec l’organisation qu’il suppose est très certainement la meilleure arme pour lutter contre ces inégalités.  

Tous ceux qui prennent en charge des patients atteints de cancer broncho-pulmonaire se doivent de lire attentivement et de conserver sur leur ordinateur ces recommandations actualisées et complètes de l’ASCO.  Gardons néanmoins en mémoire le fait que certains médicaments cités ici n’ont pas l’AMM, mais qu’il est possibles d’accéder à plusieurs d’entre eux, tels que par exemple le capmatinib, le tepotinib ou le selpercatinib dans le cadre d’une ATU. Souvenons nous enfin que de telles recommandations deviennent vite discutables en fonction des données de la littérature qui évoluent sans cesse.

Reference

Therapy for Stage IV Non-Small-Cell Lung Cancer With Driver Alterations: ASCO and OH (CCO) Joint Guideline Update.

Hanna NH, Robinson AG, Temin S, Baker S Jr, Brahmer JR, Ellis PM, Gaspar LE, Haddad RY, Hesketh PJ, Jain D, Jaiyesimi I, Johnson DH, Leighl NB, Moffitt PR, Phillips T, Riely GJ, Rosell R, Schiller JH, Schneider BJ, Singh N, Spigel DR, Tashbar J, Masters G. 

J Clin Oncol. 2021 Feb 16. Online ahead of print.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.