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Lancet oncology

Lorlatinib chez les patients ALK positifs : une importante étude de phase II.

2.01
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décembre 2018

ALK, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, Thérapeutique ciblée

Le lorlatinib est un anti-ALK de troisième génération qui inhibe directement les oncogènes ALK et ROS. Il est actif dans les tumeurs qui présentent des anomalies moléculaires de ALK et de ROS et agit sur les principaux mécanismes de résistance aux anti-ALK de première et deuxième génération que développent ces tumeurs. Il possède également la capacité de franchir la barrière hémato-encéphalique. Il y a un an, nous avons commenté les résultats de la phase I qui avait montré des réponses fréquentes (46%) et durables (12,4 mois) chez des patients lourdement prétraités ainsi que de nombreuses réponses cérébrales (cliquer ici)

Les résultats publiés ici sont ceux de l’étude de phase II réalisée dans la suite immédiate de cette étude. C’est une étude multicentrique à promotion industrielle qui a été réalisée dans 47 centres de 13 pays. Les patients devaient avoir un réarrangement ALK (FISH ou immunohistochimie)  ou ROS1 (FISH, PCR ou NGS),  au moins une lésion mesurable extracraniale et un PS de 0 à 2. 

Le lorlatinib était administré per os à 100 mg. Il pouvait être poursuivi après progression en cas de bénéfice clinique. 

L'objectif principal était le taux de réponses confirmées non cérébral et cérébral qui faisait l’objet d’une relecture centralisée.  

Les objectifs secondaires étaient notamment la durée de réponse non cérébrale et cérébrale, la survie sans progression, la toxicité, la qualité de vie et plusieurs autres objectifs. 

Six cohortes ont été constituées, les 5 premières étant consacrées à 228 patients présentant une anomalie de ALK :

  • EXP 1 : constituée de 30 patients naïfs de tout traitement,
  • EXP 2 : constituée de 27 patients n’ayant reçu que du crizotinib 
  • EXP 3 : constituée elle-même de deux cohortes :
    • EXP 3A : constituée de 32 patients antérieurement traités par crizotinib et chimiothérapie. 
    • EXP 3B : constituée de 28 patients traités par un anti-ALK de deuxième génération et éventuellement une chimiothérapie.
  • EXP 4 :  constituée de 65 patients antérieurement traités par deux anti-ALK et éventuellement une chimiothérapie.
  • EXP 5 : constituée de 46 patients antérieurement traités par trois anti-ALK  et éventuellement une chimiothérapie.

La sixième cohorte, constituée de patients ROS1+ fera l’objet d’une autre publication. 

Résultats chez les 30 patients qui n’ont reçu aucun traitement antérieur (EXP1) :

  • L’âge médian de ces patients était de 59 ans, 43% étaient des femmes, presque tous avaient un PS à 0 ou 1 et des métastases cérébrales étaient présentes au diagnostic chez 8 de ces 30 patients (27%).
  • Au total, 27/30 (90%) ont eu une réponse objective confirmée dont 1 réponse complète.
  • Vingt-trois d’entre elles sont toujours en cours et donc la médiane de durée de réponse n’est pas atteinte. 
  • Le temps médian d’obtention de la réponse était de 1,4 mois.  
  • Seulement 3 patients de cette cohorte avaient des métastases cérébrales mesurables et 2/3 ont eu une réponse cérébrale. 
  • La survie sans progression médiane n’était pas atteinte. 

Résultats chez les 198 patients qui ont reçu antérieurement au moins un anti-ALK (EXP2 à EXP5) :

  • L’âge médian de ces patients était de 53 ans, 59% étaient des femmes, presque tous avaient un PS à 0 ou 1 et des métastases cérébrales étaient présentes au diagnostic chez 133 de ces 198 patients (67%)
  • Les principaux résultats sont résumés sur le tableau ci-dessous :

 

EXP 2 et IIIA

EXP 3B

EXP 4-5

Traitement antérieur

Crizotinib ± CT

Anti-ALK 2G ± CT

≥ 2 anti-ALK 2G ± CT

N

59

28

111

RO confirmée (%)

41 (69,5)

9 (32,1)

43 (38,7)

Temps médian jusqu’à réponse (mois)

1,4

 

 

Durée médiane de réponse 

NA

 

 

Réponse cérébrale confirmée (%) 

20/23 (87)

5/9 (55,6)

26/49 (53,1)

Durée médiane de réponse cérébrale (mois)

NA

NA

14,5

On voit sur ce tableau que près des 2/3 des patients qui ont reçu du crizotinib répondent au lorlatinib et qu’environ 1/3 de ceux qui ont reçu un anti-ALK de deuxième génération répondent également à ce traitement. On notera aussi que plus d’un patient sur 2 qui a une métastase cérébrale répond à ce traitement et que la durée médiane de ces réponses n’est pas atteinte avec un suivi médian de réponses qui était à la date de point de 7 mois environ. 

Chez les 184 patients qui avaient reçu au moins un anti-ALK avant l’inclusion, la qualité de vie était améliorée (39%) ou stable (42%) et la plupart des symptômes liés au cancer s’amélioraient. 

La plupart des événements secondaires rapportés au traitement étaient de grade 1 ou 2. Il s’agissait d’hypercholestérolémie (81%), d’hypertriglycéridémie (60%), d’œdèmes (43%) et de neuropathies périphériques (30%). Les événements secondaires rapportés au traitement  de grade 3 et 4  étaient les hypercholestérolémies (14 et 1%) et les hypertriglycéridémie (13 et 3 %). Des effets cognitifs ont été signalés chez 18% des malades. Il s’agit de troubles de l’humeur et de la parole. Ils étaient dans la grande majorité des cas modérés  (17% de grade 1 et 2 et 1% de grade 3). 

Cette étude confirme donc l’importante activité du lorlatinib y compris chez des malades lourdement prétraités et atteints de métastases cérébrales. Ces résultats particulièrement intéressants ont conduit à une procédure d’enregistrement accéléré aux USA et à une ATU en France pour les malades atteints de  cancer broncho-pulmonaire non à petites cellules avancé présentant un réarrangement ALK ou ROS-1,  prétraités par crizotinib,  et pour lesquels il n’existe pas d’alternative thérapeutique appropriée disponible. Il est probable que dans l’avenir ce traitement puisse être prescrit dès la première ligne. Une étude randomisée de phase III qui compare en première ligne crizotinib à lorlatinib est en cours (cliquer ici). Cette étude dont la survie sans progression est l'objectif principal doit inclure 280 patients. Plus de 30 centres français y participent. 

 

 

Reference

Lorlatinib in patients with ALK-positive non-small-cell lung cancer: results from a global phase 2 study.

Solomon BJ, Besse B, Bauer TM, Felip E, Soo RA, Camidge DR, Chiari R, Bearz A, Lin CC, Gadgeel SM, Riely GJ, Tan EH, Seto T, James LP, Clancy JS, Abbattista A, Martini JF, Chen J, Peltz G, Thurm H, Ignatius Ou SH, Shaw AT.

Lancet Oncol2018. [Epub ahead of print]

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.