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Journal of Clinical Oncology

Ramucirumab et Pembrolizumab après chimiothérapie et immunothérapie : Lung-MAP S1800A, une étude de phase II randomisée.

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juin 2022

Immunothérapie, Thérapeutique ciblée, Traitement des stades IV

Dans plusieurs types de cancers, les inhibiteurs de points de contrôle de l’immunité ont été associés avec succès aux inhibiteurs de VEGF.  C’est notamment le cas du cancer du rein de stade avancé et  du carcinome hépatocellulaire. Dans le cancer  du poumon,  l’étude IMPower  150 qui comparait notamment  l’association classique bevacizumab- carboplatin-paclitaxel (BCP) à ce même traitement associé à de l’atezolizumab (ABCP) avait montré un bénéfice significatif de survie sans progression  (cliquer ici)  et de survie globale (cliquer ici pour un accès gratuit).

L’étude randomisée de phase II Lung-MAP S1800A (qui fait partie du master protocole Lung-MAP) dont les résultats sont présentés ici s’appuie sur ces données pour évaluer l’association d’une immunothérapie par pembrolizumab associée à un inhibiteur de VEGF, le ramucirumab, après progression observée sous immunothérapie et chimiothérapie par un doublet à base de platine. 

Pour être inclus dans cette étude les patients, atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules, devaient avoir reçu au moins une ligne d’un anti PD-1 ou PD-L1 et au moins une ligne d’une chimiothérapie à base de platine administrés de façon concomitante ou séquentielle. Leur PS devait être à 0 ou 1. Ils étaient randomisés pour recevoir :

  • Soit une association de ramucirumab à 10 mg/kg IV et de pembrolizumab à 200 mg IV tous les 21 jours,
  • Soit un traitement considéré comme un standard (SOC) laissé au choix des investigateurs parmi les traitements suivants : docetaxel seul ou associé au ramucirumab, gemcitabine, ou pemetrexed pour les non épidermoïdes.   

L'objectif principal était la survie globale. Il fallait inclure au moins 130 patients  et observer au moins 90 décès en espérant observer après un chevauchement initial des courbes durant 3 mois un HR de 0,5. Les objectifs secondaires les taux et la durée de réponse, la survie sans progression et la toxicité. 

Résultats

En à un peu plus d’un an, 166 patients ont été randomisés pour recevoir soit le traitement expérimental (n= 82) soit le SOC (n= 84). Parmi ceux-ci 69 et 67, c’est-à-dire 136 au total, étaient éligibles. Les causes d’inéligibilité sont détaillées ; elles sont liées le plus souvent à l’absence de progression sous chimiothérapie ou sous immunothérapie, à des toxicités durables interdisant l’immunothérapie ou à l’absence de lésions mesurables. L’âge médian des patients était de 66 ans et 61 % étaient des hommes. Presque tous étaient fumeurs ou anciens fumeurs. Davantage de patients du bras expérimental avaient un PS à zéro (33 vs 13%). Quarante % des patients avaient un cancer épidermoïde. La moitié des patients avaient reçu une ligne de traitement antérieur (49 et 51% dans les bras standard et expérimental). Vingt cinq et 28% avaient reçu 2 lignes et 19 et 16% en avaient reçu 3 ou plus. Quatre patients (6%) des deux groupes n’avaient pas reçu de traitement antérieur pour un stade IV, probablement parce que les cancers récidivant d’autres stades que IV pouvaient être inclus. 

Les principaux résultats d’efficacité sont résumés sur le tableau ci-dessous : 

 

RP

SOC

p

Survie médiane (mois) (80% CI)

14,5 (13,9-16,1)

11,6 (9,9-13)

 

HR Survie (80% CI)

0,69 (0,51-0,92)

0,05

PFS médiane (mois) (80% CI)

4,5 (4,2-6,1)

5,2 (4,2-5,7)

 

HR PFS  (80% CI)

0,86 (0,66-1,14)

0,25

Taux de réponses  (n, %)

15 (22)

19 (28)[1]

 

Taux de contrôle (%)

75

73

 

Durées médianes de réponse (mois)

12,9

5,6

 

Dans une analyse de sous-groupes on voit que le traitement expérimental profite à tous les sous groupes, mais beaucoup plus aux épidermoïdes (0,43 (0,28-0,65) qu’aux non épidermoïdes 0,95 (0,67-1,35) et quelques soit le statut PD-L1 .

Trois décès ont été rapportés au traitement dans le bras expérimental (arrêt cardiaque, insuffisance respiratoire et cause inconnue) et quatre dans le bras expérimental (2 sepsis et 2 insuffisances respiratoires). Par ailleurs des évènements secondaires rapportés au traitement de grade 4 ont été observés chez 4 patients du bras expérimental et chez 15 du bras standard. 

Dans l’éditorial qui accompagne cet article (cliquer ici), il est rappelé que cette étude est le fruit d’un important partenariat public-privé incluant tous les grands groupes coopérateurs  américains qui collaborent à ce programme dans lequel le traitement dépend avant tout du profil moléculaire. Il est souligné que la réduction du risque de décès de 31% et la durée des réponses obtenues constituent des résultats particulièrement intéressants. 

Retenons néanmoins que ces résultats sont ceux d’une étude de phase II qui ne porte que sur 136 patients dont les caractéristiques ne sont pas exactement les mêmes notamment en ce qui concerne la répartition des PS 0 et 1 (respectivement 13 et 87% dans le bras standard et 33 et 67% dans le bras expérimental). De même il y avait dans cette étude des patients de stades  III et IV dont la répartition dans les deux bras n’est pas clairement indiquée. Par ailleurs les traitements du bas standard sont hétérogènes puisque 45 patients ont reçu l’association ramucirumab and docetaxel, 12 de la gemcitabine, 3 du docetaxel, 1 du pemetrexed et 6 n’ont pas reçu de traitement ce qui complique encore les choses. Il nous semble donc nécessaire d’attendre les résultats d’ une étude de phase III pour pouvoir affirmer avec certitude l’intérêt de cette association. 

 

[1] 18/19 ont été observées sous l’association docetaxel et ramucirumab et une sous gemcitabine 

Reference

Phase II Randomized Study of Ramucirumab and Pembrolizumab Versus Standard of Care in Advanced Non-Small-Cell Lung Cancer Previously Treated With Immunotherapy-Lung-MAP S1800A.

Reckamp KL, Redman MW, Dragnev KH, Minichiello K, Villaruz LC, Faller B, Al Baghdadi T, Hines S, Everhart L, Highleyman L, Papadimitrakopoulou V, Gandara DR, Kelly K, Herbst RS.

J Clin Oncol 2022. Online ahead of print.

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.