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Lancet oncology

Gefitinib en adjuvant chez les mutés : résultats de l’étude ADJUVANT/CTONG1104

2.01
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décembre 2017

Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, EGFR, Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire

Il y a 2 ans nous analysions les résultats de l’étude internationale de phase III RADIANT qui n’était pas parvenue à démontrer un bénéfice significatif de survie sans récidive ou de survie d’un traitement adjuvant par erlotinib  chez 973 patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules. La survie sans récidive était de 50,5 mois dans le bras erlotinib et de 48,2 mois dans le bras placebo. Malheureusement, il n’y avait dans cette étude que 161 patients qui présentaient une mutation activatrice de l'EGFR. Chez ces patients la DFS était très augmentée avec un HR à 0,60 (95% CI : 0,36-0,97) mais ce résultat a été considéré comme négatif du fait du choix initial d’utiliser une méthode séquentielle hiérarchique (cliquer ici). De même, sur les 503 patients inclus dans l’étude BR19, seulement 15 patients présentaient une mutation activatrice de l'EGFR de sorte qu’aucun bénéfice ne pouvait être démontré pour ce tout petit nombre de malades. Tout le monde attendait donc avec impatience les résultats d’une étude prospective de phase III n’incluant que des patients EGFR-mutés et voici publiés ceux de l’étude ADJUVANT/CTONG1104) qui avaient été présentés au dernier congrès de l’ASCO.

Méthodes

Il s’agit d’une étude randomisée de phase III qui a été conduite dans 27 centres chinois. Pour être inclus les patients devaient :

  • avoir un cancer bronchique non à petites cellules de stade pII ou pIIIA (pN1 ou pN2) totalement réséqué (R0).
  • Ils devaient avoir une mutation usuelle, délétion de l’exon 19 ou mutation de l’exon 21.
  • Ils devaient avoir bénéficié d’une lobectomie ou d’une pneumonectomie et d’un curage ganglionnaire dont les modalités étaient parfaitement précisées.
  • Ils devaient avoir un PS à 0 ou 1.
  • Ils ne devaient avoir reçu aucune thérapeutique ciblée ni chimiothérapie.

Ils étaient stratifiés selon leur statut ganglionnaire (N1 vs N2) et leur statut mutationnel (19 vs 21).

Ils étaient randomisés entre :

  • soit gefitinib à 250 mg/jour pendant 2 ans,
  • soit 4 cycles de cisplatine à 75 mg/m2 (J1-J22) et vinorelbine 25 mg/m2 (J1,J8, J22).

L'objectif principal était la survie sans maladie appréciée par les investigateurs. Les objectifs secondaires étaient la survie globale, la tolérance et la qualité de vie. Pour mettre en évidence une augmentation de la survie sans maladie de 40% et en prévoyant une survie sans maladie de 31 mois dans le bras standard, il fallait 220 patients.

Résultats

En 3 ans, 222 patients ont été randomisés, 111 dans le bras chimiothérapie et 111 dans le bras gefitinib (population en intention de traiter).

Dans le bras chimiothérapie 24 patients n’ont pas reçu de traitement (dont seulement 1 était inéligible) et 5 dans le bras gefitinib. Les 87 et 106 restant ont  été appelés « population en intention de traiter modifiée ».

Les caractéristiques des patients des deux groupes ont été considérées comme bien réparties par les auteurs. On remarquera toutefois qu’l existait des différences notables de PS (33% de PS0 dans le bras gefitinib vs 18% dans le bras chimiothérapie dans la population en intention de traiter modifiée). On retiendra de ces données que les deux tiers des patients présentaient des cancers de stade IIIA-N2

 

La survie sans maladie était significativement plus élevée dans le bras gefitinib qu’il s’agisse de la population en intention de traiter ou en population en intention de traiter modifiée comme le montre le tableau ci-dessous :

Population

Durée médiane de survie sans maladie (mois)

HR (95%CI)

p

 

Gefitinib

Chimiothérapie

Intention de traiter

28,7

18

0,60 (0,42-0,87)

0,0054

Intention de traiter modifiée

28,7

19,3

0,70 (0,49-0,99)

0,044

Les données de survie ne sont matures.

Les différentes toxicités observées étaient les toxicité attendues, on retiendra néanmoins l’absence de pneumopathies interstitielles diffuses dans le bras gefitinib et l’absence de décès lié au traitement dans les 2 bras. 

La qualité de vie était significativement meilleure dans le bras gefitinib.

Ces résultats sont particulièrement intéressants car c’est le premier essai clinique prospectif qui démontre une augmentation significative de la survie sans maladie chez les mutés. Les données de survie ne sont pas encore matures mais lorsqu’elles le seront il faudra se souvenir que les effectifs de cet essai n’ont pas été calculés pour la survie et qu’il y aura certainement, comme dans les essais menés dans les stades IV, un cross over fréquent chez les patients du bras standard qui logiquement recevront un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR à la récidive.

On retiendra enfin que cet essai a inclus 2/3 de patients présentant un stade IIIA (ce qui est très supérieur aux grands essais historiques de chimiothérapie adjuvante) et qu’en analyse de sous-groupes le bénéfice n’est significatif que pour les N2. Il semble donc qu’il est un peu tôt pour s’appuyer sur cette étude pour changer globalement les pratiques et faire du gefitinib un standard de traitement adjuvant des stades II et III opérés, mais cette étude nous permet de mieux réfléchir au cas par cas dans nos RCP, notamment pour les N2.

 

 

 

Reference

Gefitinib versus vinorelbine plus cisplatin as adjuvant treatment for stage II-IIIA (N1-N2) EGFR-mutant NSCLC (ADJUVANT/CTONG1104): a randomised, open-label, phase 3 study.

Zhong WZ, Wang Q, Mao WM, Xu ST, Wu L, Shen Y, Liu YY, Chen C, Cheng Y, Xu L, Wang J, Fei K, Li XF, Li J, Huang C, Liu ZD, Xu S, Chen KN, Xu SD, Liu LX, Yu P, Wang BH, Ma HT, Yan HH, Yang XN, Zhou Q, Wu YL; ADJUVANT investigators.

Lancet Oncol 2017 Nov 21 [Epub ahead of print]

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.