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Annals of Oncology

Chimiothérapie adjuvante à la carte ou chimiothérapie standardisée : ITACA une importante étude de phase III

2.01
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janvier 2022

Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, Traitement péri-opératoire

Cet essai de phase III a été conçu il y a déjà longtemps puisque le premier malade inclus l’a été en 2008. Il explore le principe de chimiothérapie adjuvante  « à la carte » basé ici sur des concepts, issus d’études rétrospectives déjà anciennes : certains marqueurs seraient susceptibles de prévoir l’action de la chimiothérapie. Parmi ces potentiels marqueurs les auteurs de cette étude prospective en ont choisi deux : le premier était l’excision repair cross-complementation 1 (ERCC1) dont on a pensé à l’époque qu’un taux négatif était prédictif d’une réponse au platine (cliquer ici pour un accès gratuit). Cette notion a été considérée comme vraie jusqu’à ce qu’elle soit secondairement remise en question  (cliquer ici pour un accès gratuit). Le deuxième était la thymidilate synthse (TS) dont on a aussi pensé que la surexpression était corrélée avec une diminution d’activité du pemetrexed.  On consédérait alors que ceci pouvait expliquer les résultats de l’étude de Scagliotti et al montrant une diminution d’activité de l’association cisplatine pemetrexed  par comparaison à cisplatine gemcitabine dans les cancers épidermoïdes (la TS étant significativement plus élevée dans les épidermoïdes) (cliquer ici)

Dans l’étude académique que nous commentons ici et qui a été menée dans 3 pays européens étaient inclus des patients ayant bénéficié d’une résection complète de leur tumeur. Les expressions de ERCC1 et de TS étaient qualifiées de « élevées » ou « basses » selon qu’elles étaient au dessus ou au dessous d’une valeur médiane définie par l’examen à Turin de 50 tumeurs opérées issues d’un cancer bronchique non à petites cellules.  

Les patients éligibles étaient stratifiés par stade (II vs IIIA) et tabagisme (fumeur vs  non ou ancien fumeur et profil génomique. Ils étaient randomisés en bras expérimental et bras contrôle, chaque bras comprenant 4 groupes de patients définis par l’expression de ERCC1 et de TS (ERCC1 et TS élevés, ERCC1 élevé et TS bas, ERCC1 bas et TS élevé et ERCC1 et TS bas). 

Dans le bras contrôle les patients recevaient une chimiothérapie à base de platine au choix des investigateurs (cisplatine et vinorelbine, gemcitabine ou docetaxel). Dans le bras expérimental le traitement dépendait de ERCC1 et TS :

  • ERCC1 et TS élevés, ils recevaient 4 cycles de paclitaxel, 
  • ERCC1 élevé et TS bas, ils recevaient 4 cycles de pemetrexed, 
  • ERCC1 bas et TS élevé, ils recevaient 4 cycles de cisplatine et gemcitabine 
  • ERCC1 et TS bas ils recevaient 4 cycles de cisplatine et pemetrexed. 

L'objectif principal était la survie globale.  Les objectifs secondaires étaient la survie sans récidive (RFS), la toxicité et la compliance au traitement. 

A partir d’une survie estimée de 45% dans le bras contrôle, pour mettre en évidence une diminution du risque de décès de 30%, il était nécessaire d’observer 336 décès et donc d’inclure environ 700 patients. 

De décembre 2008 à août 2014, 773 patients ont été randomisés dans 31 centres, 389 dans le bras standard et 384 dans le bras expérimental. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. 

Analyse en intention de traiter 

Après un suivi médian de 45,9 mois, et alors que moins de la moitié des événements attendus étaient observés, les auteurs ont constaté que les survies attendues des groupes contrôle et expérimental estimées à 45% et 57 % étaient très sous-estimées.  En effet les taux de survie à 5 ans étaient en fait respectivement de 65,4% (58-71) et  72,9% (66-78). Pour cette raison les auteurs ont décidé d’effectuer l’analyse prévue : Le HR de décès estimé du bras expérimental comparé au bras standard était de 0,77 (95% CI : 0,56-1,06, p = 0,109). Cette valeur n’atteignant pas la significativité, l’étude n’atteignait pas son objectif principal 

Deux autres populations ont été définies : 

  • Intention de traiter modifiée excluant les patients refusant le traitement après la randomisation, inéligibles par un critère majeur ou pour les quels les données de toxicité n’étaient pas connues.
  • Et analyse per protocole incluant les patients en Intention de traiter modifiée ayant reçu au moins une dose de traitement. 

Chez les patients en intention de traiter modifiée les médianes de survie dans les 2 bras n’étaient pas atteintes et en analyse per protocole, les taux de survie à 5 ans étaient respectivement dans les bras expérimental et contrôle de 65,3% et 73,3% sans que cette différence n’atteigne la significativité. 

En tout 252 patients ont récidivé, 129 dans le bras contrôle et 123 dans le bras expérimental. 

En intention de traiter modifiée, la RFS médiane était de 40,4 (29,2-55,9) mois dans le bras contrôle et de 64,4 (39,8-89,7) mois dans le bras expérimental. Cette différence n’était pas significative (HR = 0,89 (95% CI : 0,69 – 1,14; p = 0.34).  

Les effets adverses étaient plus nombreux dans le bras standard que dans le bras expérimental. Notamment les effets de  grade 3 à 5 ont été observés chez 45,9% des patients du bras contrôle et chez 32,6% de ceux du bras expérimental. 

Cette étude prospective de phase III permet avec des effectifs importants d’affirmer que le fait de choisir une chimiothérapie adjuvante « à la carte » guidée  par ERCC1 et TS ne permet pas d’améliorer les résultats de cette chimiothérapie. Même si la recherche clinique est plus orientée actuellement sur les thérapeutiques ciblées, l’immunothérapie et l’immunochimiothérapie péri-opératoires cette étude est importante car elle répond définitivement à une question qui restait jusqu’à maintenant non résolue.  

 

Reference

International Tailored Chemotherapy Adjuvant (ITACA) trial, a phase III multicenter randomized trial comparing adjuvant pharmacogenomic-driven chemotherapy versus standard adjuvant chemotherapy in completely resected stage II-IIIA non-small-cell lung cancer.

Novello S, Torri V, Grohe C, Kurz S, Serke M, Wehler T, Meyer A, Ladage D, Geissler M, Colantonio I, Cauchi C, Stoelben E, Ceribelli A, Kropf-Sanchen C, Valmadre G, Borra G, Schena M, Morabito A, Santo A, Gregorc V, Chiari R, Reck M, Schmid-Bindert G, Folprecht G, Griesinger F, Follador A, Pedrazzoli P, Bearz A, Caffo O, Dickgreber NJ, Irtelli L, Wiest G, Monica V, Porcu L, Manegold C, Scagliotti GV.

Ann Oncol 2022; 33 : 57-66

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.