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Journal of Thoracic Oncology

Quelle est l’action de l’osimertinib sur les métastases cérébrales non traitées par radiothérapie ?

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janvier 2022

EGFR, Métastases cérébro-ménagées, Thérapeutique ciblée

La plupart des études évaluant l’efficacité des inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR n’incluent que des patients indemnes de métastases cérébrales ou qui, s’ils en sont atteints, ont été antérieurement traités par radiothérapie cérébrale de sorte que l’activité cérébrale propre aux inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR reste inconnue, et la plupart des études concernant l’osimertinib n’échappent pas à cette règle. Une étude  rétrospective multicentrique commentée sur ce site  (cliquer ici) a apporté des arguments en faveur de la séquence radiothérapie suivie par un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR plutôt que l’inverse.  Néanmoins cette étude est déjà ancienne puisque, publiée il y a 5 ans, elle porte sur des malades traités de 2008 à 2014 dans 98% des cas par l’erlotinib.  De ce fait l’action cérébrale réellement liée à l’osimertinib reste inconnue. 

L’étude japonaise OCEAN a pour but de répondre à cette question à partir de deux cohortes incluant 66 patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules avec métastases cérébrales non antérieurement traités par radiothérapie : une première cohorte de 40 patients présentant une mutation T790M et précédemment traités par un inhibiteur de la tyrosine kinase et une deuxième cohorte de 26 patients présentant une mutation usuelle et traités en première ligne. Ce sont les résultats de la cohorte des patients ayant une mutation T790M qui sont présentés ici. 

L'objectif principal de cette étude de phase II est d’évaluer l’efficacité de l’osimertinib à la dose de 80 mg/j sur les métastases cérébrales non traitées mesurant au moins 5 mm. Les auteurs nous indiquent que les réponses ont été évaluées par les « critères de PAREXEL » inspirés des critères RECIST 1.1 mais prenant en compte les lésions ≥5 mm. Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression, le taux de réponse et le taux de réponse cérébrale selon RECIST, le temps jusqu’à progression cérébrale  et la survie globale. 

Une évaluation de la concentration de l’osimertinib était prévue à J22 ainsi que dans le LCR chez les malades volontaires. 

L’étude était considérée comme positive si le taux de réponse était proche de celui de l’étude AURA à 61%. Pour cette comparaison, 60 patients étaient nécessaires avec une puissance de 0,9. L’effectif a été finalement ramené à 37 en acceptant, du fait d’une lenteur d’inclusion, une puissance de 0,8 et un intervalle de confiance de 90%.  

Au total 40 patients ont été enrôlés dans la cohorte T790M de 2016 à 2019. Parmi ces 40 patients : 

  • Un était inéligible car il avait reçu une radiothérapie préalable,
  • Et 19 avaient des lésions <1cm, dont 17 cérébrales. Ainsi 39 patients étaient évaluables selon les « critères PAREXEL » et seulement 20 selon les critères RECIST. 

L’âge médian de ces 40 patients était de 69 ans, il y avait 12 hommes, leur PS était à 0-1 chez 36 patients et à 2 chez 4. Les 3/4  des malades avaient plusieurs métastases cérébrales. 

Les taux de réponse cérébrale des 39 malades obéissant aux  « critères PAREXEL » et des 20 obéissant aux critère RECIST ainsi que les durées de survie sans progression et survie globale des 39 malades sont indiqués ci-dessous :

 

PAREXEL

RECIST

N

39

20

Réponses (%) (90%CI)

66,7 (54,3-79,1)

70 (49,9-90,1)

PFS médiane cérébrale  (mois) (95%) CI) 

25,2 (7-34)

PFS  cérébrale (%) à 1/2 ans 

61,9/52

Survie médiane (mois) (95%) CI) 

19,8 (10,9-34,5)

Survie   (%) à 1/2 ans 

64/42

Les survies sans progression cérébrales étaient nettement plus élevées chez les malades qui avaient une 19-DEL que chez ceux qui avaient une mutation 21-L858R (31,8 vs 8,3 mois). 

En ce qui concerne la toxicité, aucun nouveau signal de toxicité n’est signalé dans ce travail. Quatre pneumopathies dont 1 de grade 3/4 ont été observées. 

Les dosages sanguins effectués à J22 ou après montrent des taux élevés d’osimertinib et de son métabolite AZ5104 dans le sang et dans le LCR avec un taux de pénétration de ces substances respectivement  de 0,79 et 0,53% sans que ces valeurs ne soient corrélées à l’efficacité. 

Cette étude est la première étude prospective qui évalue l’efficacité de l’osimertinib  chez des patients porteurs de métastases cérébrales non traitées et il est intéressant de constater qu’elle est positive sur son objectif principal. On savait déjà que l’osimertinib était plus active que les inhibiteurs de la tyrosine kinase de première génération sur les métastases cérébrales. Cette étude nous permet de penser que cette action existe indépendamment de la radiothérapie cérébrale mais elle ne nous permet pas de définir dans quel ordre il faut administrer l’une et l’autre. Mais c’est sans doute un faut débat car du fait des délais de mise en œuvre de la radiothérapie beaucoup de patients reçoivent en premier l’osimertinib. 

Même si l’intérêt de cette étude est grand, gardons tout de même en mémoire qu’un certain nombre de facteurs fragilisent les résultats de cette étude notamment : le fait que les effectifs soient réduits, le fait que beaucoup de malades aient de très petites métastases cérébrales qu’on ne doit pas mesurer en RECIST et le fait de cette étude a été réalisée chez des malades japonais, qui n’ont pas les mêmes profils d’efficacité de l’osimertinib que les européens,  .  

 

Reference

A Phase II Study of Osimertinib for Radiotherapy-Naive Central Nervous System Metastasis From NSCLC: Results for the T790M Cohort of the OCEAN Study (LOGIK1603/WJOG9116L).

Yamaguchi H, Wakuda K, Fukuda M, Kenmotsu H, Mukae H, Ito K, Chibana K, Inoue K, Miura S, Tanaka K, Ebi N, Suetsugu T, Harada T, Kirita K, Yokoyama T, Nakatani Y, Yoshimura K, Nakagawa K, Yamamoto N, Sugio K.

J Thorac Oncol 2021; 16 : 2121-2132

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.