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Lancet oncology

Radiothérapie post-opératoire des CBNPC N2 : résultats de l’étude de phase III IFCT 05-03-LungART.

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janvier 2022

Radiothérapie, Traitement des stades III

Plusieurs études randomisées conduites dans les années 1980-90 ont évalué la place de la radiothérapie adjuvante après l’exérèse complète des cancers bronchiques non à petites cellules comportant une extension ganglionnaire N2 et la méta-analyse de ces études réalisée en 1998 avaient permis d’affirmer le caractère délétère de la radiothérapie pour les cancers pN0 et pN1 sans pouvoir répondre à la question pour les N2 (cliquer ici). Cette question restait donc d’actualité, d’autant que la radiothérapie avait fait après les études méta-analysées d’importants progrès liés au développement de la radiothérapie conformationnelle guidée par la TEP-FDG.  De ce fait, les résultats de l’étude de de phase III IFCT 05-03-LungART initiée en 2005 étaient attendus avec impatience.

Cette étude académique européenne de phase III a été conduite dans 64 hôpitaux de 5 pays européens avec la participation de l’IFCT qui a elle seule a inclus 85% des patients et également du National Cancer Research Networks anglais qui en a inclus 10%. Les 5% de patients restant ont été inclus en Allemagne, en Suisse et en Belgique. 

Les patients éligibles à cette étude devaient avoir plus de 18 ans, un cancer bronchique non à petites cellules histologiquement prouvé, avoir subi une résection complète avec une exploration ganglionnaire médiastinale. Ils devaient avoir une atteinte ganglionnaire N2 histologiquement prouvée et pouvaient avoir reçu une chimiothérapie néoadjuvante ou adjuvante. Les patients étaient randomisés sur le mode 1/1 entre radiothérapie adjuvante ou non. La dose de radiothérapie était de 54 Gy en 27 fractions de 2 Gy ou 30 fractions de 1,8 Gy, en 5 jours consécutifs pendant  5,5 semaines. La réalisation d’une radiothérapie conformationnelle  en 3D était exigée, et la modulation d’intensité (IMRT) était autorisée pour les centres qui en avaient l’expertise.  

L'objectif principal était la survie sans maladie évaluée par les investigateurs. Les objectifs secondaires étaient notamment la survie, les effets adverses, les taux de contrôle local et de récidive.

Résultats

De 2007 à 2018, 501 patients ont été randomisés, 252 dans le bras radiothérapie et 249 dans le bras contrôle et les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Il y avait 34% de femmes. L’âge médian était de 68 ans, 99 et 98% des malades avaient un PS à 0 ou 1. Les 3/4 des patients avaient un cancer non épidermoïde et ont reçu une chimiothérapie adjuvante, le dernier quart ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante exclusive ou associée à une chimiothérapie adjuvante. Seulement 4% des patients des deux bras n’ont pas reçu de chimiothérapie. Les deux tiers des patients n’avaient qu’une chaine envahie. Douze et 10% seulement ont  été opérés par pneumonectomie et plus de 99% des patients ont eu une résection complète R0 (chiffre non confirmé par un comité chirurgical qui a trouvé des chiffres extrêmement différent du fait notamment de la présence d’une extension ganglionnaire extracapsulaire dans 30% des cas).  Presque tous les patients (96%) ont reçu entre 51 et 57 Gy. 

Lors de la date d’analyse, le 31 mai 2019, la durée médiane de suivi était de 4,8 ans. 

A cette date, 144 (57%) des patients du bras radiothérapie et 152 (61%) des patients du bras contrôle étaient décédés ou avaient récidivé. Les principaux résultats qui rendent cette étude négative sont résumés sur le tableau ci-dessous : 

 

Radiothérapie

Contrôle

p

DFS médiane (mois) (95%CI)

30,5 (24-48,5)

22,8 (17-36,5)

 

HR de DFS (95%CI)

0,86 (0,68-1,08)

0,18

Taux DFS à 3 ans (%)

47

44

 

Parmi les malades qui sont décédés ou ont récidivé, le taux de récidive médiastinale est inférieur dans le bras radiothérapie (25 vs 46%).  En revanche, le taux de récidives cérébrales est plus élevé dans le bras radiothérapie (34 vs 18%) et celui de récidives à distance en dehors du cerveau est inchangé (49 vs 47%). 

En ce qui concerne la survie globale, 201 patients étaient décédés, 102 (42%) dans le bras contrôle et 99 (41%) dans le bras radiothérapie. Chez davantage de patients du bras contrôle ce décès a été attribué à une récidive (85 vs 69%). En revanche plus de patients du bras expérimental sont décédés d’une cause cardiopulmonaire 16 vs 2%). Pour l’instant il n’existe pas de différence de survie entre les deux bras (HR = 0,97; 95% CI 0,73–1,28). 

Des évènements secondaires de tous grades ont été rapportés chez 92% des patients du bras radiothérapie et 81% de ceux du bras contrôle et de grade 3-5 chez 25 et 15%. Des pneumopathies de grade 3-4 ont été observées chez 13 (6%) patients du bras radiothérapie et chez 1 du bras contrôle. 

Cette étude est à connaissance la seule étude de phase III explorant, avec une radiothérapie moderne, la radiothérapie adjuvante des cancers bronchique non à petites cellules N2 totalement réséqués qui soit publiée. Ses résultats ne permettent plus de faire des association chirurgie et radiothérapie adjuvante ou chirurgie et  chimiothérapie et radiothérapie adjuvantes un standard de traitement. 

Reference

Postoperative radiotherapy versus no postoperative radiotherapy in patients with completely resected non-small-cell lung cancer and proven mediastinal N2 involvement (Lung ART): an open-label, randomised, phase 3 trial.

Le Pechoux C, Pourel N, Barlesi F, Lerouge D, Antoni D, Lamezec B, Nestle U, Boisselier P, Dansin E, Paumier A, Peignaux K, Thillays F, Zalcman G, Madelaine J, Pichon E, Larrouy A, Lavole A, Argo-Leignel D, Derollez M, Faivre-Finn C, Hatton MQ, Riesterer O, Bouvier-Morel E, Dunant A, Edwards JG, Thomas PA, Mercier O, Bardet A.

Lancet Oncol 2022; 23 : 104-114

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.