Vous êtes ici
Journal of the National Cancer Institute
Le dépistage du cancer du poumon influe-t-il sur le tabagisme ?
L’impact significatif du dépistage du cancer du poumon par scanner faiblement dosé a été démontré par l’essai NLST (/prev-em-onco/2164, /prev-em-onco/3326, /prev-em-onco/3409), qui a montré une diminution de 20 % de la mortalité spécifique ce qui a conduit à ce que celui-ci soit recommandé par de nombreuses sociétés savantes nord-américaines.
Les liens qui peuvent exister entre le dépistage et le tabagisme sont toujours très débattus. Certains affirment que le dépistage peut induire une fausse assurance : « parce que je n’ai pas de cancer, je peux en toute sécurité continuer à fumer », d’autres au contraire pensent que le dépistage est un moment favorable qui peut aider au sevrage tabagique. En tout cas, tous ceux qui ont réfléchi au problème pensent que la prévention et le dépistage ne sont en rien concurrents, puisque, même si tous les fumeurs arrêtaient de fumer aujourd’hui, nous continuerions à diagnostiquer encore des cancers du poumon pendant 20 ans.
Le très intéressant article que nous analysons ici se penche à nouveau sur ce problème.
L’étude rapportée a pour but d’évaluer l’impact des résultats du dépistage effectué dans le cadre de l’étude NLST sur la cessation du tabagisme.
Dans l’étude NLST, les radiologues classaient les résultats des examens en 4 groupes :
- Examen normal.
- Examen négatif pour le cancer mais montrant des anomalies mineures telles que des nodules à l’évidence bénins ou des nodules de moins de 4 mm.
- Examen négatif pour le cancer mais objectivant des anomalies ayant une signification clinique telles que par exemple des signes de bronchite chronique.
- Examen positif faisant suspecter un cancer.
Parmi les participants de cette étude, 16 265 (47 %) étaient fumeurs à l’inclusion dont 776 qui ont développé un cancer ultérieurement et qui ont été exclus de l’étude. Parmi ceux-ci, les données épidémiologiques complètes n’étaient disponibles que chez 14 621 sujets, c’est-à-dire 94,4% d’entre eux.
Les pourcentages de personnes qui répondaient oui à la question « avez vous fumé 20 cigarettes dans les 30 derniers jours ? », pour chaque groupe de résultats radiologiques sont indiqués dans le tableau ci-dessous :
Pourcentages de fumeurs | Scanner normal | Anomalie mineure non suspecte | Anomalie significative non suspecte | Suspicion de cancer (stable depuis dernière imagerie) | Suspicion de cancer (nouvelle ou augmentée depuis dernière imagerie) |
T1 vs T0 | 87,4 | 86,4 | 85 | NA | 81,7 |
T2 vs T1 | 83,1 | 82,2 | 80,5 | 79,2 | 78,4 |
T3 vs T2 | 78,3 | 76,3 | 73,3 | 73,9 | 71,9 |
T4 vs T2 | 73,6 | 71,8 | 68,4 | 69,9 | 68 |
T5 vs T2 | 68,1 | 67,4 | 64,5 | 65,4 | 63,6 |
T6 vs T2 | 64,5 | 63,7 | 60,3 | 60,8 | 58,1 |
T7 vs T2 | 61,8 | 60,7 | 60,9 | 58,1 | 56,7 |
Ce tableau fournit quatre informations importantes :
- chaque année le nombre de fumeurs diminue.
- Cette diminution est d’autant plus importante qu’une anomalie a été découverte.
- Au sein des patients qui ont une anomalie, la diminution est d’autant plus importante qu’il existe une anomalies significative et surtout une suspicion de cancer.
- Enfin ces modifications du tabagisme sont durables et persistent pendant les quatre années qui suivent les 3 scanners annuels de l’étude.
La plupart de ces différences, comme le montre le tableau ci-dessous qui concerne les résultats du scanner précédent, sont significatives.
Résultats du scanner précédent | Odds ratio (95%) CI | p |
Normal | Référence | 0,005 |
Anomalie mineure non suspecte | 0,914 (0,859 -0,974) | <0,001 |
Anomalie significative non suspecte | 0,811 (0,722 -0,912) | <0,001 |
Suspicion de cancer (stable depuis dernière imagerie) | 0,785 (0,706 -0,872) | <0,001 |
Suspicion de cancer (nouvelle ou augmentée depuis dernière imagerie) | 0,663 (0,607 -0,724) | <0,001 |
A la lecture de ces résultats, on voit que le dépistage n’a pas d’effet négatif sur le tabagisme, bien au contraire. Le tabagisme est diminué pendant et après une campagne de dépistage, et ce de façon durable.
Comme le soulignent les auteurs, les futurs programmes de dépistage devront prendre en compte ces faits, et même chercher à les amplifier en intégrant un programme efficace d’incitation à la cessation du tabac.
Ainsi on peut s'attendre à un effet doublement bénéfique des campagnes de dépistage du cancer du poumon, non seulement sur la mortalité par cancer broncho-pulmonaire elle-même, mais sur toutes les autres causes de mortalité liée au tabac.
Reference
Impact of lung cancer screening results on smoking cessation.
Tammemägi MC1, Berg CD2, Riley TL2, Cunningham CR2, Taylor KL2.
J Natl Cancer Inst 2014; 106 : Print 2014 Jun