New England Journal of Medicine

Pneumopathies graves et usage de la cigarette électronique.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
septembre 2019

Épidémiologie, Prévention, Effets secondaires des médicaments

Voici une nouvelle publication, largement relayée par la grande presse, qui apporte d’importantes réserves sur l’usage de la cigarette électronique pour l’aide au sevrage tabagique. Déjà le niveau de preuve de l’aide au sevrage tabagique est faible, puisque l’étude la plus favorable montre que l’efficacité est comparable voire un peu supérieure à celle des patchs (cliquer ici) et surtout il semble bien que l’usage de la cigarette électronique chez l’adolescent augmente la probabilité de rester fumeur (cliquer ici) même si certaines études ne le montrent pas (cliquer ici). Surtout un certain nombre de risques ont été décrits dès les premières années d’usage de la cigarette électronique sans que ces observations, dont plusieurs ont été commentées ici, ne suffisent à persuader les utilisateurs et même certains médecins des dangers potentiels de ces dispositifs. 

Voici un nouvel article qui devrait faire évoluer les choses … 

Tout est parti de la déclaration le 10 juillet 2019 par un hôpital du Wisconsin au Wisconsin Department of Health Services (WDHS) de la survenue en 1 mois  de 5 cas de dyspnée, fatigue et hypoxie chez des adolescents qui jusque là étaient en bonne santé. Deux d’entre eux ont été intubés et ventilés et le scanner de 4 d’entre eux objectivait des opacités bilatérales en verre dépoli prédominant dans les lobes inférieurs. Aucune étiologie n’était retrouvée mais ces patients rapportaient avoir utilisé des cigarettes électroniques dans les jours ou semaine qui précédaient le début de ces pneumopathies. Une alerte décrivant ces tableaux cliniques est alors immédiatement lancée par le WDHS qui est rapidement contacté par  des cliniciens de l’Illinois qui avaient observé des cas similaires de sorte qu’une démarche de santé publique commune destinée à identifier de nouveaux cas a été initiée la 1er août. Au 27 août 82 cas étaient rapportés dans ces deux états et une classification des cas a été proposée dès le 30 août :

  • Les cas étaient considérés comme confirmés lorsqu’is avaient les caractéristiques suivantes :
    • Utilisation de la cigarette électronique dans les 90 jours précédant le début des symptômes,
    • Infiltrats pulmonaires en verre dépoli,
    • Absence de tout agent infectieux (la liste très complète des agents possiblement en cause est précisée). 
    • Pas d’argument pour un diagnostic alternatif (cardiaque, rhumatologique ou néoplasique). 
  • Les cas étaient considérés comme possibles lorsqu’is avaient les caractéristiques suivantes :
    • Utilisation de la cigarette électronique dans les 90 jours précédant le début des symptômes,
    • Infiltrats pulmonaires en verre dépoli,
    • Présence de d’agent infectieux identifiés par cultures ou PCR mais qui n’apparaissent pas à l’équipe prenant en charge le patient comme la seule cause possible de la pneumopathie. 
    • Pas d’argument pour un diagnostic alternatif (cardiaque, rhumatologique ou néoplasique). 

Parmi les 82 cas rapportés, 2 ont été exclus après révision de leur dossier et 27 n’ont pas été inclus dans l’analyse présentée ici car les données cliniques ont été jugées incomplètes. Cette étude porte donc sur 53 cas, jugés comme confirmés (n=28) ou probables (n=25) selon les critères cités plus haut. 

Ces patient étaient jeunes puisque leur âge médian était de 19 ans (16-53 ans)  et que 32 % d’entre eux avaient moins de 18 ans. La majorité étaient des hommes et la plupart n’avaient pas d’antécédents (hormis un asthme dans 30% des cas). 

Ces patients présentent 3 types de symptômes survenus dans la semaine précédant l’arrivée à l’hôpital :

  • Des symptômes respiratoires chez 98% des patients (dyspnée (87%), toux, douleurs), 
  • Des symptômes digestifs (nausées (70%), vomissements ou diarrhée).  
  • Et des symptômes généraux, surtout une fièvre dans 81% des cas. 

Il n’existait pas de symptômes ORL. Il existait une tachycardie dans 64 % des cas et une polypnée dans 43 % des cas. Lors de la présentation initiale, 38 % des patients avaient une saturation en air ambiant entre 89 et 94% et 29% une fièvre documentée.

Tous les patients ont reçu des antibiotiques avant leur arrivée et ces traitements n’ont pas empêché la progression de leurs symptômes. Une hyperleucocytose (>11 000) à polynucléaires neutrophiles était observée chez 87% des patients.

Un LBA  a été effectué chez 24 patients qui avaient reçu au préalable des antibiotiques des corticoïdes ou les deux. Seulement 14 avaient un compte cellulaire avec des valeurs médianes suivantes  : éosinophiles 0%, neutrophiles 65%, lymphocytes 7% et macrophages 21% qui dans 7 cas étaient chargés de lipides. 

Cinq patients ont une biopsie pulmonaire soit par voie transbronchique soit par chirurgie. L’examen anatomopathologique montrait des signes inflammatoires, des signes de dommage alvéolaire diffus, des macrophages spumeux, des signes de granulmatose interstitielle et péri-bronchiolaire et aucun signe infectieux. 

Tous les scanner étaient anormaux et tous ont montré des opacités bilatérales en verre dépoli le plus souvent dans les espaces sous pleuraux. Quelques cas d’épanchements aériens ou pleuraux ont été notés. 

Cinquante des 53 patients ont été hospitalisés dont 58% dans un service de soins intensifs  et la durée médiane du séjour était de 6 jours. Trente-deux % de l’ensemble des patients ont été intubés et ventilés. Neuf patients avaient les critères d’ARDS et 2 patients ont reçu une oxygénation extra-corporelle et un est décédé. 

La plupart des patients (92%) ont reçu une corticothérapie pendant au moins 7 jours.

Tous les patients avaient utilisé une cigarette électronique durant les 90 jours qui précédaient le début des symptômes et la plupart de façon quotidienne. 

Sur les 41 patients qui ont été interrogés de façon complète :

  • 61% utilisaient des produits à base de nicotine, et 17% les utilisaient exclusivement
  • 80% des produits à base de THC (tetrahydrocannabinol), et 37% exclusivement
  • 44% utilisaient simultanémentdes produits à base de nicotine et de THC 
  • et 7% des produits à base de CBD (cannabidiol).

Les patients ont utilisés 13 marques de produits à base de nicotine et 14 de produits à base de THC. 

Toutes ces pneumopathies sévères associées à un usage récent et répété de la cigarette électronique sont survenues chez des sujets jeunes et sans antécédents et d’autres cas ont été à ce jour rapportés dans 25 états. Il est pour l’instant impossible de dire quel est ou quels sont les agents en cause, on ne peut en tout cas pas dire que seuls les produits à base de THC sont incriminés puisque 7 (17) % patients n’ont utilisé que des produits à base de nicotine. Les auteurs pensent qu’ils ne disposent pas de suffisamment  de données pour établir des recommandations et que de nombreux produits peuvent être en cause. Ils concluent néanmoins qu’il ne faut pas utiliser la cigarette électronique chez les adolescents et jeunes adultes, les femmes enceintes et plus généralement chez les personnes qui ne sont pas fumeurs actifs. 

 

 

  

  

 

 

Reference

Pulmonary Illness Related to E-Cigarette Use in Illinois and Wisconsin - Preliminary Report.

Layden JE, Ghinai I, Pray I, Kimball A, Layer M, Tenforde M, Navon L, Hoots B, Salvatore PP, Elderbrook M, Haupt T, Kanne J, Patel MT, Saathoff-Huber L, King BA, Schier JG, Mikosz CA, Meiman J.

N Engl J Med 2019 Sep 6.. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer