Lancet Respiratory Medicine

Traitement adjuvant par Erlotinib des cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIA-N2 : l’étude de phase II EVAN.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2018

Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire, Traitement des stades III, EGFR, Chirurgie

Il y a 3 ans nous analysions les résultats de l’étude internationale de phase III RADIANT qui n’était pas parvenue à démontrer un bénéfice significatif de survie sans maladie ou de survie globale  d’un traitement adjuvant par erlotinib  chez près de mille  patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules (cliquer ici). Il n’y avait dans cette étude que 161 patients qui présentaient une mutation activatrice de l'EGFR. Chez ces patients la DFS était très augmentée avec un HR à 0,60 (95% CI : 0,36-0,97) mais ce résultat était négatif du fait du choix initial d’utiliser une méthode séquentielle hiérarchique  

Il y a un an, nous commentions  les résultats d’une étude prospective de phase III n’incluant que des patients EGFR-mutés, l’étude ADJUVANT/CTONG1104 (cliquer ici). Cette étude menée en Chine comparait chez 222 patients une chimiothérapie par cisplatine et vinorelbine à un traitement adjuvant par gefitinib mené pendant 2 ans. La survie sans maladie était significativement plus élevée dans le bras expérimental mais les données de survie n’étaient pas matures au moment de la publication. Nous notions que cet essai avait  inclus 2/3 de patients présentant un cancer de stade IIIA, ce qui est très supérieur aux grands essais historiques de chimiothérapie adjuvante et, qu’en analyse de sous-groupes,  le bénéfice n’était significatif que pour les N2. 

Voici maintenant les résultats d’une étude randomisée de phase II,  également menée en Chine, l’étude EVAN qui compare,  chez des patients mutés EGFR (délétion 19 ou mutation 21), opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIA et  dont la résection a été complète (R0) :

  • Quatre cycles de vinorelbine à 25 mg/m2 à J1 et J8 et  cisplatine à 75 mg/m2 à J1.
  • Et Erlotinib, 150 mg par jour pendant 2 ans. 

L'objectif principal était le taux de survie sans maladie à 2 ans. Les objectifs secondaires étaient la survie sans maladie médiane, la survie globale et la toxicité. 

Résultats

Au total 102 patients ont été inclus, 51 dans le bras erlotinib et 51 dans le bras chimiothérapie. Tous ont été analysés en intention de traiter. Un patient du bras erlotinib et 8 du bras chimiothérapie n’ont pas reçu le traitement prévu et 15 déviations protocolaires majeures, dont 11 dans le bras chimiothérapie, ont été observées. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient également réparties.  Les deux tiers des patients étaient des femmes, l’âge médian était de 58 ans, 91 patients avaient un adénocarcinome, la majorité avait une délétion de l’exon19 et presque tous les patients (n=99) ont eu une lobectomie. La durée médiane de suivi était de 33 mois. 

À la date de point, 16 patients du groupe erlotinib et 22 du groupe chimiothérapie étaient en progression. L’objectif principal était atteint puisque la différence de survie sans maladie à 2 ans était significativement très supérieure dans le bras expérimental comme le montre le tableau ci-dessous :

 

Erlotinib

Chimiothérapie

p

Survie sans maladie (DFS) à 2 ans : % (95%CI)

81,4 (69,6-93,1)

44,6 (26,9-62,4)

 

RR de DFS à 2 ans 95%CI)

1,82 (1,19-2,7)

0,0054

DFS à 3 ans :   % (95%CI)

54,2 (35,1-73,4)

19,8 (1,5-38,1)

 

RR de DFS à 3 ans 95%CI)

2,73 (1,01-7,34)

0,046

DFS médiane

42,4 (31,7-NA)

31 (12,3-32,4)

 

HR de DFS (95%CI)

0,26 (0,13-0,53)

<0,0001

Dans une analyse de sous-groupes prévue, la survie sans maladie restait significativement supérieure dans le groupe erlotinib pour les adénocarcinomes, les mutations de l’exon 19 et les non-fumeurs et ne l’était pas pour les non-adénocarcinomes, les mutations de l’exon 21 et les fumeurs.

Les médianes de survie ne sont pas atteintes mais la courbe de survie des patients traités par erlotinib est pour l’instant très supérieure à celle des patients traités par chimiothérapie. 

La fréquence des événements secondaires de tous grades était moins élevée chez les patients traités par erlotinib (58 vs 65%) de même que la fréquence des événements secondaires de grade ≥3 (12 vs 26%). Aucun décès rapporté au traitement n’a été observé. 

Cette étude de phase II n’a malheureusement pas la puissance qu’aurait pu avoir une étude de phase III randomisée incluant plusieurs centaines de malades et le bénéfice significatif de survie sans maladie qu’elle démontre est observé après une durée médiane de suivi qui n’atteint pas 3 ans. De plus on observe des problèmes méthodologiques concernant le nombre de déviations au protocole et notamment de malades non traités.  

Néanmoins les résultats de cette étude rejoignent ceux de l’étude ADJUVANT/CTONG1104 (cliquer ici) qui avait inclus 143 malades de stade IIIA-N2 et dans laquelle le HR de survie sans maladie était significativement en faveur du bras gefitinib à  0,52 (0,34–0,80).  

Deux autres études sont en cours :

-      L’étude ALCHEMIST-EGFR qui compare chez 450 patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stades IB à IIIA  (et traités par chimiothérapie adjuvante si indication) erlotinib à placebo. L'objectif principal est la survie. Cette étude a débuté en 2014 et le recueil des données finales pour l’objectif principal (primary completion date) est attendu pour fin 2020. (cliquer ici).

-      Et l’étude WJOG6410L menée au Japon qui inclue des patients de stades II et III et  qui compare vinorelbine et cisplatine à gefitinib (cliquer ici)

A notre connaissance, nous disposons donc pour l’instant seulement de cette seule étude qui soit menée dans les cancers bronchiques non à petites cellules de stade IIIA-N2. 

Ces résultats sont bien entendu insuffisants pour modifier nos référentiels, d’autant que la plupart des patients présentant un cancer N2 sont, conformément aux référentiels américains (cliquer ici) et européens (cliquer ici), traités soit par radiochimiothérapie, soit par chirurgie précédée d’un traitement néoadjuvant et nous ne disposons, et disposerons dans un avenir proche, d’aucune étude pour ces malades. 

 

 

 

 

 

Reference

Erlotinib versus vinorelbine plus cisplatin as adjuvant therapy in Chinese patientswith stage IIIA EGFR mutation-positive non-small-cell lung cancer (EVAN): a randomised, open-label, phase 2 trial.

Yue D, Xu S, Wang Q, Li X, Shen Y, Zhao H, Chen C, Mao W, Liu W, Liu J, Zhang L, Ma H, Li Q, Yang Y, Liu Y, Chen H, Wang C.

Lancet Respir Med2018; 6 : 863-73

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