Journal of Clinical Oncology

SELECT : un nouvel essai de phase II explorant l’administration d’un traitement adjuvant par erlotinib chez les patients présentant une mutation activatrice de l'EGFR

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2018

Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire, EGFR, Chirurgie

Le traitement adjuvant des malades opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules présentant une mutation activatrice de l'EGFR est toujours l’objet d’une active recherche clinique : après  les résultats de l’étude de phase III RADIANT (cliquer ici) qui avait démontré dans une étude de sous groupe menée chez 161 patients une importante augmentation de la survie sans maladie avec un HR à 0,60 (95% CI : 0,36-0,97), résultat cependant négatif du fait du choix initial d’utiliser une méthode séquentielle hiérarchique, nous avons commenté deux études prospectives menées en Chine exclusivement chez des malades présentant une mutation activatrice de l'EGFR  :

  • Une étude randomisée de phase III , comparant une chimiothérapie adjuvante par cisplatine et vinorelbine au gefitinib, l’essai  ADJUVANT/CTONG1104 (cliquer ici) qui  montrait une augmentation significative de la survie sans maladie sous gefitinib mais les 2/3 des patients  présentaient un cancer de stade IIIA  et dans une  analyse de sous-groupes,  le bénéfice n’était significatif que pour les N2. 
  • Et une étude randomisée de phase II, l’étude EVAN comparant, chez des patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIA cette même chimiothérapie à l’erlotinib. Le taux de survie sans maladie à 2 ans était significativement plus élevé dans le bras erlotinib à 81,4% vs 44,6% (cliquer ici).

Voici maintenant une troisième étude adjuvante réservée  aux patients qui ont une mutation de l’EGFR qui est cette fois conduite aux Etats-Unis.

Il s’agit d’une étude de phase II dont le but est de déterminer l’efficacité et la tolérance de l’erlotinib administré en adjuvant de façon prolongée chez des patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IA à IIIA (7e TNM) et présentant une mutation activatrice de l'EGFR. Malheureusement cette étude ne comporte pas de bras comparateur. 

Pour être éligibles, les patients devaient avoir un cancer totalement réséqué (R0) et un PS de 0 à 2. Le délai autorisé était particulièrement long, puisqu’il pouvait, aller jusqu’à 9 mois si les patients avaient reçu une chimiothérapie et une radiothérapie adjuvantes et jusqu’à 6 mois s’il avaient reçu une chimiothérapie adjuvante.

Les patients recevaient 150 mg d’erlotinib de façon continue jusqu’à deux ans (ou, du fait d’interprétations différentes du protocole, 24 cycles de 28 jours, c'est à dire 22 mois) 

L'objectif principal était la survie sans maladie (DFS) à 2 ans dont on espérait qu’elle dépasserait d’au moins 10% celle d’une série historique, c'est à dire qu’elle passerait de 76 à 86%.  Les objectifs secondaires étaient la toxicité, la tolérance et la survie globale. 

Résultats

Cent patients ont été inclus en 4 ans dans 7 centres. L’âge médian était de 63 ans, plus des ¾ étaient des femmes et 59 étaient non-fumeurs. Quarante-cinq patients ont été opérés d’un cancer de stade I, 27 de stade II et 28 de stade IIIA. 

La durée médiane de traitement était de 23 mois et 69% des patients ont reçu au moins 22 mois de traitement. Une réduction de doses à 100 mg a été nécessaire chez 40% des patients et à 50 mg chez 16%. La toxicité était celle qui était attendue avec notamment 74% de rash dont 13% de grade 3 , 71% de diarrhées dont 3% de grade 3, 48% de sécheresses cutanées de grade 1 ou 2, et 46% de fatigue dont 2% de grade 3. Aucune toxicité de grade 4 ou 5 n’a été observée. Notons enfin une toxicité pulmonaire de grade 1. 

Avec un suivi médian de 5,2 ans, tous les patients étaient évaluables pour leur objectif principal : Celui-ci était atteint puisque le taux de survie sans maladie  à 2 ans était de 88% : 96% pour le stades I, 78% pour les stades II et 91% pour les stades IIIA. Le taux de DFS à 5 ans était de 56% et le taux de survie à 5 ans était de 86%. La durée médiane jusqu’à la récidive après l’arrêt de l’erlotinib était de 25,4 mois et les 40 patients qui ont eu une récidive avait reçu significativement moins longtemps ce traitement adjuvant. Parmi 24 patients qui ont été biopsiés à la récidive, le statut EGFR a pu être déterminé dans 20 cas : tous gardaient leur statut mutationnel  initial et seulement un avait acquis une mutation de résistance T790M. Parmi ces 40 patients qui récidivaient, 26 ont été retraité pas erlotinib  pendant une durée médiane de 13,1 mois. 

Cet essai ouvert de phase II n’a pas le pouvoir bien sûr de démontrer qu’un traitement adjuvant par erlotinib est susceptible de prolonger significativement la survie sans maladie car la comparaison à des données historiques n’est absolument pas fiable. Rappelons par exemple que le taux de survie à 5 ans  des malades du bras contrôle de l’étude MAGRIT, opérés d’un cancer de stade IB à IIIA, était de 59% alors que celle des malades de l’étude IALT qui pourtant avaient les mêmes caractéristiques était de 50% (cliquer ici).

Néanmoins, un certain nombre de points intéressants sont à signaler : 

  • La compliance des patients dans cet essai est extrêmement élevée, puisque presque tous les malades ont pu recevoir un traitement d’au moins 22 mois, ce qui est dfférent de l’essai RADIANT (11,9 mois), mais proche de l’essai ADJUVANT/CTONG1104 (21,9 mois) et de l’essai EVAN (23,9 mois). Administrer pendant 2 ans un traitement adjuvant est donc tout à fait faisable et ceci est maintenant démontré par deux essais chinois et un essai américain.
  • On entend souvent objecter que la mise d’un traitement adjuvant par inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR pourrait favoriser l’émergence de résistances compromettant le traitement des récidives. On retiendra contre cette hypothèse qu’un seul patient  avait acquis lors de la récidive une mutation de résistance T790M et que les récidives étaient sensibles à la reprise de l’erlotinib.
  • Enfin, une des singularités de cette étude est d’avoir autorisé des inclusions jusqu’à 9 mois après la chirurgie.  L’élimination des décès ou récidives précoces n’est peut-être pas étrangère à cette longue survie sans maladie.   

Rappelons que deux autres études sont en cours avec un inhibiteur de la tyrosine kinase de première génération, l’étude ALCHEMIST-EGFR qui compare chez 450 patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules de stades IB à IIIA  (et traités par chimiothérapie adjuvante si indication) erlotinib à placebo. L'objectif principal est la survie. Cette étude a débuté en 2014 et le recueil des données finales pour l’objectif principal (primary completion date) est attendu pour fin 2020. (cliquer ici)  et l’étude WJOG6410L menée au Japon qui inclue des patients de stades II et III et qui compare vinorelbine et cisplatine à gefitinib  (cliquer ici)

Une troisième étude de phase III est en cours, l’étude ADAURA avec l’osimertinib. La fin des inclusions des 700 participants est prévue pour 2021 (cliquer ici)

 

Reference

SELECT: A Phase II Trial of Adjuvant Erlotinib in Patients With Resected Epidermal GrowthFactor Receptor-Mutant Non-Small-Cell Lung Cancer.

Pennell NA, Neal JW, Chaft JE, Azzoli CG, Jänne PA, Govindan R, Evans TL, Costa DB, Wakelee HA, Heist RS, Shapiro MA, Muzikansky A, Murthy S, Lanuti M, Rusch VW, Kris MG, Sequist LV.

J Clin Oncol. 2018:. [Epub ahead of print]

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