Lancet Respiratory Medicine

EVIDENCE : un nouvel essai de phase III sur le traitement adjuvant des CBNPC mutés EGFR

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
août 2021

Thérapeutique ciblée, Traitement péri-opératoire, EGFR, Chirurgie

Nous avons à plusieurs reprises commenté sur ce site les résultats d’études évaluant un traitement adjuvant par un  inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR chez les patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules muté EGFR. Il s’agissait d’études de phase II telles que l‘étude SELECT (cliquer ici) ou EVAN (cliquer ici) ou de phase III comme l’étude ADJUVANT/CTONG11104 dans laquelle des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stades pII ou PIIIA étaient randomisés entre gefitinib ou chimiothérapie (cliquer ici) et l’étude ADAURA dans laquelle des patients de stades pIB, II ou IIIA opérés et ayant éventuellement reçu une chimiothérapie adjuvante étaient randomisés entre osimertinib et placebo (cliquer ici). Voici maintenant publiés les premiers résultats d’une autre étude de phase III, l’étude EVIDENCE menée avec l’Icotinib, un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR de première génération. 

EVIDENCE est une étude randomisée de phase 3 à promotion industrielle qui a été menée dans 29 hôpitaux chinois. Pour être éligibles, les patients devaient avoir de 18 à 70 ans, un cancer bronchique non à petites cellules présentant une mutation activatrice de l'EGFR,  de stade II ou IIIA (7e classification) opérés et R0 moins de 8 semaines avant, un PS à 0 ou 1. Ils ne devaient pas avoir d’antécédents cancéreux dans les 5 ans ni avoir reçu préalablement d’autres traitements anticancéreux. 

Les patients éligibles étaient randomisés sur un mode 1/1 pour recevoir :

  • Soit de l’icotinib à 125 mg/j pendant deux ans,
  • Soit 4 cycles de cisplatine et vinorelbine aux doses usuelles dans cette indication. 
  • Ils étaient stratifiés selon le type de mutation (délétion de l’exon 19 vs mutation Leu858Arg), le stade (II vs IIIA) et le type de chirurgie (lobectomie vs pneumonectomie). 

L'objectif principal était la survie sans maladie. Les objectifs secondaires étaient le taux de survie sans maladie à 3 ans, la survie globale et la toxicité. 

Une analyse intermédiaire était prévue lorsque au moins 50 % des événements de survie sans maladie seraient survenus.

De 2015 à 2019, 365 patients ont été screenés et 322 ont été randomisés, 161 dans le bras icotinib et 161 dans le bras chimiothérapie, ce qui constitue la population en intention de traiter . Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. L’âge médian des patients était de 59 ans, il y avait un peu plus de femmes 53 %, presque tous  avaient un adénocarcinome, il y avait 64 % de stades III A, 31 % de stades IIA et 5% de stades IIB), enfin 69% des malades étaient non-fumeurs et 99% ont eu une lobrctomie. 

Les auteurs indiquent successivement les résultats de la population qu’ils appellent « full analysis set » (ceux qui ont reçu au moins un traitement et qui n’avaient pas de critère d’exclusion c'est à dire 151 patients du bras icotinib et 132 du bras chimiothérapie) et de la population en intention de traiter. 

Les survies sans maladie qui sont résumées sur le tableau ci-dessous sont très supérieures dans le bras icotinib et très proches dans les deux populations : 

 

« full analysis set »

intention de traiter

p

N

283

322

 

Durée médiane de suivi (mois)

24,9

 

 

 

Bras de randomisation

Icotinib

Chimio 

Icotinib

Chimio 

 

DFS médiane (mois)

47

22,1

47

22,1

 

HR de DFS (95%CI)

0,36 (0,24-0,55)

0,37 (0,24-0,55)

<0,0001[1]

Taux de DFS à 3 ans (%)

63,9

32,5

63,6

31,7

 

Les données de survie ne sont pas matures et il n’y a pas de différence significative actuellement (0,91 (0,42-1,94).

Les effet adverse sévères rapportés au traitement sont plus fréquents dans le bras chimiothérapie (14 vs 1%) sans qu’aucun décès rapporté au traitement ni aucune pneumopathie interstitielle diffuse n’ait été observé. 

Même si le schéma de cette étude est différent de celui de l’étude ADAURA (qui comparait, après chirurgie et éventuellement chimiothérapie adjuvante, osimertinib  versus placebo, alors qu’ici la chimiothérapie est comparée au traitement expérimental), les résultats récents de ces deux études de phase III vont dans le même sens en montrant une importante augmentation de survie sans maladie sous inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR. Certains insisteront sur le fait que pour l’instant seule la survie sans maladie est augmentée et que la survie globale ne l’est pas. C’est vrai, mais ici encore les données de survie ne sont pas matures. Et même si les différences de survie n’étaient pas significatives n’est-ce pas déjà un bénéfice considérable, justifiant à lui seul la pris en charge  de ces traitements en adjuvant, que de retarder de 2 ans la progression ? 

 

[1] Pour les deux populations

Reference

Icotinib versus chemotherapy as adjuvant treatment for stage II-IIIA EGFR-mutant non-small-cell lung cancer (EVIDENCE): a randomised, open-label, phase 3 trial.

He J, Su C, Liang W, Xu S, Wu L, Fu X, Zhang X, Ge D, Chen Q, Mao W, Xu L, Chen C, Hu B, Shao G, Hu J, Zhao J, Liu X, Liu Z, Wang Z, Xiao Z, Gong T, Lin W, Li X, Ye F, Liu Y, Ma H, Huang Y, Zhou J, Wang Z, Fu J, Ding L, Mao L, Zhou C.

Lancet Respir Med 2021 Jul 16 : Online ahead of print.

111 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer