Il y a peu de données disponibles dans la littérature qui permettent de savoir s’il faut opérer les carcinomes neuroendocrines à grandes cellules comme les cancers bronchiques non à petites cellules ou s’il faut, comme pour la majorité des cancers bronchiques à petites cellules, ne pas les opérer. En effet, cette question a fait l’objet de peu d’études qui sont souvent rétrospectives et monocentriques.
Cette étude qui a pour but d’évaluer la chirurgie des carcinomes neuroendocrines à grandes cellules a été conduite à partir de la National Cancer Data Base américaine qui recueille les données d’environ 80% des patients atteints de cancers aux USA. Elle résulte du travail de 1500 centres qui ont prospectivement collecté les données. Elle porte sur la période de 2004 à 2015, pendant laquelle, plus de 1 800 000 patients présentant un cancer broncho-pulmonaire ont été recensés. Les carcinomes neuroendocrines à grandes cellules représentent 3,3% de la cohorte dans laquelle, outre ce type histologique, ont été identifiés. Les résultats sont présentés indépendamment pour chaque stade de la huitième classification des cancers bronchiques non à petites cellules.
Stade I
Un total de 3371 patients avaient un carcinome neuroendocrine à grandes cellules de stade clinique I. Parmi ceux-ci :
- 149 ont été traités par radiothérapie stéréotaxique
- Et 3222 (96%) ont été opérés principalement par lobectomie (68%) ou résection en coin (wedge). Les patients opérés étaient significativement plus jeunes, avaient un score de morbidité paradoxalement plus élevé et avaient plus fréquemment une assurance privée.
- 19% des patients ont reçu une chimiothérapie adjuvante.
- 10% d’entre eux avaient un stade pTNM supérieur.
Comme le montre le tableau ci-dessous la survie des patients traités par la chirurgie était significativement à la faveur de la chirurgie, y compris en analyse multivariée. La lobectomie, comparativement à la résection limitée, était associée à une meilleure survie.
Stades II
Un total de 1150 patients avaient un carcinome neuroendocrine à grandes cellules de stade clinique II. Parmi ceux-ci :
- 66 ont reçu une radiochimiothérapie
- Et 1084 (94%) ont été opérés, le plus souvent par lobectomie (75%). Ils étaient significativement plus jeunes.
- 45% des patients ont reçu une chimiothérapie adjuvante.
Comme le montre le tableau ci-dessous la survie des patients traités par la chirurgie était significativement à la faveur de la chirurgie, y compris en analyse multivariée. Chez les patients qui présentaient un stade pIIA en analyse multivariée la survie n’était pas significativement améliorée par la chimiothérapie adjuvante mais l’était chez les pIIB.
Stades IIIA
Un total de 1437 patients avaient un carcinome neuroendocrine à grandes cellules de stade clinique IIIA. Parmi ceux-ci :
- 366 ont reçu une radiochimiothérapie
- Et 1071 (75%) ont été opérés, le plus souvent par lobectomie (58%). Ils avaient significativement moins de comorbidités, avaient une meilleure assurance et étaient plus fréquemment traités dans un centre académique.
- 45% des patients ont reçu une chimiothérapie adjuvante et 14% un traitement néoajuvant.
La survie des patients traités par la chirurgie était significativement à la faveur de la chirurgie, y compris en analyse multivariée comparativement à la radiochimiothérapie. En analyse multivariée la chimiothérapie adjuvante était associée à une meilleure survie que l’absence de chimiothérapie adjuvante (tableau ci-dessous).
N2
Un total de 736 patients avaient un carcinome neuroendocrine à grandes cellules classé de cT1N2M0 à cT3N2M0. Parmi ceux-ci :
- 278 ont reçu une radiochimiothérapie
- Et 458 (62%) ont été opérés. Ils étaient significativement plus jeunes, avaient plus de comorbidités et étaient plus fréquemment traités dans un centre académique. Le taux de résection complète était de 87%
- 48% des patients ont reçu une chimiothérapie adjuvante et 19% une chimiothérapie néoajuvante.
Ici aussi, comme le montre le tableau ci-dessous, la survie des patients traités par la chirurgie était significativement à la faveur de la chirurgie, y compris en analyse multivariée comparativement à la radiochimiothérapie.
Le fait de recevoir une chimiothérapie péri-opératoire était significativement associé à une meilleure survie (HR=0,64 (0,51–0,81), p < 0,001). En revanche la radiothérapie ne l’était pas (HR=0,85 (0,68– 1,06), p=0,14).
Stades | Intervention | Survie médiane (mois) | Survie à 5 ans (%) | HR (95%CI) ajusté |
I | Radiothérapie stéréotaxique | 35 | 27 | Ref |
Chirurgie | 60 | 50 | 0,70 (0,57-0,90) |
II | Radiochimiothérapie | 16 | 12 | Ref |
Chirurgie | 46 | 45 | 0,47 (0,35-0,63) |
IIIA | Radiochimiothérapie | 20 | 25 | Ref |
Chirurgie | 31 | 36 | 0,69 (0,60-0,81) |
N2 | Radiochimiothérapie | 18 | 22 | ref |
Chirurgie | 28 | 32 | 0,68 (0,56-0,82) |
Enfin, lorsqu’on compare la survie des patients atteints de carcinome neuroendocrine à grandes cellules à celle des patients atteints d’autres types histologiques et faisant partie de cette cohorte pendant la même période, on voit qu’elle est selon les stades inférieure ou similaire à celle des patients atteints d’adénocarcinomes et constamment supérieure à celle des patients atteints de cancers bronchiques à petites cellules.
Le niveau de preuve de cette étude n’atteint pas celui qu’aurait une étude prospective randomisée mais il est probable que jamais une telle étude prospective ne sera menée sur ce sujet. Il nous semble donc que la qualité méthodologique de ce travail, qui porte sur de grands effectifs d’une tumeur assez rare, soit suffisante pour recommander la chirurgie chaque fois qu’elle est possible dans les carcinomes neuroendocrines à grandes cellules de stades I à IIIA.
Reference
Outcomes for Surgery in Large Cell Lung Neuroendocrine Cancer.
Raman V, Jawitz OK, Yang CJ, Voigt SL, Tong BC, D'Amico TA, Harpole DH.
J Thorac Oncol 2019; 14 : 2143-2151