Journal of Thoracic Oncology

Immunothérapie néoadjuvante : Actualisation à 3 ans d’une étude avec le Sintilimab

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juillet 2022

Immunothérapie, Traitement péri-opératoire, Chirurgie

Les inhibiteurs de point de contrôle immunitaires administrés en contexte periopératoire pour les stades précoces de CBNPC ont fait l’objet de nombreux essais publiés ou présentés en congrès cette année. Le bénéfice de cette stratégie ne semble plus discutable mais la sélection des patients reste un sujet débattu. Le rôle prédictif de l’expression de PDL1 dans cette situation notamment reste discuté. Dans l’essai IMPower 010 évaluant l’atezolizumab en adjuvant, seuls les patients exprimant PDL1 à plus de 50% semblaient tirer un bénéfice de l’immunothérapie adjuvante alors que dans l’essai Keynote 091 évaluant le pembrolizumab dans cette même situation, le bénéfice en survie sans événement ne concernait justement pas ces patients fortement expresseurs.  En néoadjuvant le rôle prédictif de PDL1 semble également difficile à démontrer. L’évaluation de l’efficacité des schémas incluant un traitement néoadjuvant est basée sur le taux de réponse pathologique majeure (c’est à dire la proportion de patients qui présentent moins de 10% de cellules tumorales viables sur la pièce opératoire).  Ce marqueur de substitution a confirmé son intérêt compte tenu de sa corrélation avec la survie sans événement dans l’essai IFCT IONESCO d’abord (avec le durvalumab) et plus récemment dans l’essai CheckMate 816.   

L’étude présentée ici est l’actualisation à 3 ans d’une étude de phase 1 évaluant l’efficacité du sintilimab, testé chez 40 patients (82.5% de carcinomes épidermoïdes) de stades IA à IIIB réséquables (8 patients avaient un stade IIIB), sans traitement préalable, de PS0. Les premiers résultats ont déjà été commentés sur ce site (cliquer ici). L’objectif principal était la tolérance à 90 jours de la dernière administration de l’IO et 30 jours après la chirurgie. Les objectifs secondaires étaient le taux de réponse pathologique majeur, les taux de réponse objective (évalués par scanner), la PFS, les taux de survie sans progression à 1 an et 2 ans et le taux de survie globale à 2 ans. Le traitement était administré en deux perfusions de 200 mg IV à 3 semaines d’intervalle et la chirurgie était planifiée entre J29 et J43.

En termes de tolérance, 32 patients (80.0%) ont présenté des toxicités dont 21 patients (52.5%) chez lesquels elles étaient considérées comme liées au traitement. Les toxicités principales étaient l’asthénie (n = 7; 17.5%), l’hypothyroïdie (n =7; 17.5%), et la fièvre (n=6; 15.0%). La plupart étaient de grade 1 ou 2. Quatre patients (10.0%) ont présenté un effet de grade 3 ou plus (la plus fréquente étant la pneumopathie (n=2; 5.0%).  Deux patients ont dû décaler la chirurgie, notamment pour des élévations de transaminases de grade 2. Au total 4 patients sont décédés, 2 peu de temps après la chirurgie en rapport avec un événement indésirable grave, 1 a présenté des troubles de la conscience 8 jours après la chirurgie, et 1 d’une pneumopathie immune. Aucune nouvelle toxicité n’a été relevée après la nouvelle période de suivi.

En termes d’efficacité, huit patients avaient présenté une réponse radiologique soit un taux de réponse de 20.0% (95% [CI]: 9.1%–35.6%) et 28 patients (70.0%) ont présenté une stabilité, réalisant un taux de contrôle de la maladie de 90% (95% CI: 76.3%–97.2%), Quatre patients (10.0%) ont progressé avant la chirurgie. Trente-sept patients ont pu être opérés de façon radicale. Parmi les 37 patients opérés, 15 (40.5%, 95% CI: 24.8%–57.9%) ont présenté une réponse pathologique majeure, tous ayant un carcinome épidermoïde, réalisant un taux chez les épidermoïdes de 48.4% (95% CI: 30.2%– 66.9%). Six des 37 patients (16.2%, 95% CI: 6.2%–32.0%) avaient présenté une réponse pathologique complète au niveau de la tumeur, là encore uniquement des épidermoïdes. 

Durant ce suivi actualisé de 37.8 mois, on note 8 reprises évolutives de la maladie (1 patient uniquement localement et 7 patients sous forme métastatique, pulmonaires pour 3, cérébrales pour 3 et osseuses pour 1). La rechute est survenue au cours de la première année pour un seul patient, tous les autres ont rechuté au cours de la 2eme année de suivi. Au total, sur les 36 patients évaluables pour la survie à 3 ans, on retrouve un taux de survie globale de 88.5% (95% CI: 78.5–99.8), et un taux de survie sans récidive à 3 ans de 75.0% (95% CI: 62.1–90.6). La publication des résultats actualisés est l’occasion de comparer les patient PDL1>1% (n=22) versus les patients n’exprimant pas PDL1 (n= 10). Chez les patients PDL1 positifs, un patient est décédé et on note 3 rechutes, la médiane d’OS à 3 ans est de 95.5% (95% CI: 87.1–100), et de survie sans rechute de 81.8% (95% CI: 67.2–99.6). La probabilité de survie est significativement meilleure en cas de positivité de PDL1 (HR = 0.275 [95% CI: 0.078–0.976]; p = 0.0325). En revanche il n’y a pas de différence parmi les patients positifs, que le cut off soit à 10% ou 50%. 

On notait initialement une importante corrélation entre la réponse et le niveau de fixation (SUV) au pet scanner pré opératoire (coefficient=0.86, p < 0.00001). Une charge mutationnelle élevée semble associée à une meilleure survie sans évènement à 3 ans (HR =0.164 ,95% CI: 0.019–1.414). 

Il s’agit donc de l’actualisation d’une étude qui confirme le probable intérêt d’une immunothérapie en traitement préopératoire des CBNPC de stades précoces. Il s’agit d’une étude de phase I avec de petits effectifs qui semble toutefois confirmer également l’intérêt de la réponse pathologique comme objectif principal d’évaluation, même si les différences de survies sans rechute à 3 ans n’apparaissent pas significativement différents, probablement par manque de puissance. PDL1 apparait en revanche assez discriminant, le bénéfice semblant majeur chez les patients PDL1 positifs (à noter toutefois qu’un patient PDL1 fortement positif est décédé d’une pneumopathie immune). Néanmoins, les données de survies à 3 ans chez les patients PDL1 négatifs restent séduisantes et n’incitent pas à exclure ces patients des schémas d’immunothérapie néoadjuvante.  

Reference

Three-Year Follow-Up of Neoadjuvant Programmed Cell Death Protein-1 Inhibitor (Sintilimab) in NSCLC. 

Zhang F, Guo W, Zhou B, Wang S, Li N, Qiu B, Lv F, Zhao L, Li J, Shao K, Xue Q, Gao S, He J. 

J Thorac Oncol 2022; 17 : 909-920

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