Lancet oncology

Le bénéfice de l’immunothérapie dépend-t-il du sexe ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juin 2018

Épidémiologie, Immunothérapie

Les femmes auraient  en général une immunité innée et adaptative supérieure à celles des hommes.  Ceci expliquerait  la moindre fréquence et la moindre gravité de certaines infections, la meilleure réponse aux vaccinations et la plus grande fréquence des maladies auto-immunes qui surviennent dans 80% des cas chez les femmes. Ceci expliquerait aussi que les hommes aient une mortalité par cancer plus élevée. 

Tout ceci a conduit les auteurs de cet article  à comparer l’activité de l’immunothérapie chez les femmes et les hommes en supposant que ce traitement  pourrait être plus actif chez les hommes. Dans ce but, ils ont effectué une méta-analyse des essais randomisés d’immunothérapie de phase 2 ou 3 comprenant un anti PD-1 ou CTLA-4 ou une combinaison des deux pour lesquels on disposait de l’information concernant le HR de décès selon le sexe. 

A partir de plus de 7000 publications, 129 articles potentiellement intéressants ont été sélectionnés et 20 études randomisées ont été retenus : 8 avec le nivolumab, 5 avec le pembrolizumab, 4 avec l’ipilimumab, 2 avec le tremelimumab et 1 avec ipilimumab et nivolumab en combinaison. Sept essais étaient menés dans le mélanome, 6 dans le cancer bronchique non à petites cellules 1 dans le cancer bronchique à petites cellules, 1 dans le mésothéliome et les 5 autres dans diverses tumeurs. Huit étaient réalisés en première ligne et les 12 autres en deuxième ligne ou plus. 

Ces essais ont inclus au total 11 351 patients dont 7646 (67%) hommes et 3705 femmes. 

Seulement 2 des 6 essais portant sur des malades atteints de cancer bronchique non à petites cellules autorisaient l’inclusion de patients présentant une mutation activatrice de l'EGFR ou une translocation ALK-EML4 et 94% des patients ne présentaient ni mutation activatrice de l'EGFR ni translocation ALK-EML4. Quant au statut BRAF pour les mélanomes, il n’était connu que chez 50% des malades et le quart de ces derniers était positif. 

La réduction du risque de décès sous immunothérapie était de :

  • HR = 0,72 (95%CI 0,65-0,79) chez les hommes et
  • HR = 0,86 (95%CI 0,79-0,93) chez les femmes. 

Cette différence d’efficacité est significative (p=0,0019). 

Les auteurs concluent que l’amplitude du bénéfice de l’immunothérapie est largement sexe dépendante. Les résultats de cette étude justifient effectivement cette conclusion. 

Toutefois il nous paraitrait hasardeux de tenir compte dès maintenant de ces résultats pour influencer nos discussions du bénéfice-risque  dans nos RCP, et ce  pour différentes raisons :

  • Les essais analysés ici portent sur des tumeur extrêmement différentes et dont les causes sont différentes. Six seulement portent sur des malades atteints de cancers bronchiques non à petites cellules. De plus, les résultats de ces 6 études sont extrêmement hétérogènes : par exemple, dans l’étude KEYNOTE-024 qui compare le pembrolizumab à la chimiothérapie en première ligne (cliquer ici), il est effectivement frappant de constater que le HR est à 0,54 chez les hommes et 0,96 chez les femmes, mais dans d’autres essais les HR sont au contraire très proches. 
  • De plus, ne peut-on pas se demander si la proportion de non-fumeurs n’est pas dans ces études supérieure chez les femmes ce qui pourrait expliquer ces résultats dans la mesure où l’activité de l’immunothérapie est moindre chez les non-fumeurs ?  On peut même se demander si le tabagisme cumulé des hommes et des femmes ne diffère pas et si cela ne pourrait pas constituer un biais ? 
  • On peut aussi se demander si, dans la mesure ou l’âge, qui est  possiblement lié à l’efficacité de l’immunothérapie,  n’est pas différent chez les hommes et les femmes dans certaines études ? Ceci pourrait également constituer un biais s’il y avait plus de femmes âgés que d’hommes âgés dans ces études.   

Quoiqu’il en soit, cette publication a le mérite d’attirer l’attention sur cette problématique de l’action différente selon le sexe de l’immunothérapie. Elle ne doit pas modifier nos pratiques mais devrait conduire à ce qu’à partir de maintenant les résultats des études d’immunothérapie soient systématiquement présentés de façon globale mais également de façon distincte pour les hommes et les femmes. 

 

 

Reference

Cancer immunotherapy efficacy and patients' sex: a systematic review and meta-analysis.

Conforti F, Pala L, Bagnardi V, De Pas T, Martinetti M, Viale G, Gelber RD, Goldhirsch A.

Lancet Oncol2018 May 16. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer