Journal of Clinical Oncology

Les mutations de résistance de ALK sont-elles corrélées à l’efficacité du Lorlatinib ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2019

Thérapeutique ciblée, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, ALK

Le lorlatinib est un anti-ALK de troisième génération qui inhibe directement les oncogènes ALK et ROS et qui agit sur les principaux mécanismes de résistance aux anti-ALK de première et deuxième génération. Nous avions commenté ici en novembre 2017 les résultats d’une étude de phase I (cliquer ici) puis en décembre 2018 ceux d’une étude de phase II (cliquer ici). Les résultats de ces études sont particulièrement intéressants et ont  conduit à une procédure d’enregistrement accéléré aux USA et à une ATU en France pour les malades atteints de  cancer broncho-pulmonaire non à petites cellules avancé présentant un réarrangement ALK ou ROS-1 et  prétraités par crizotinib. 

Dans  l’étude de phase II dont les résultats ont été commentés ici en décembre des analyses moléculaires réalisées sur la tumeur et sur l’ADN circulant ont été effectuées dans le but d’évaluer la corrélation entre le profil moléculaire et l’efficacité du lorlatinib.  

Cette étude de phase II portait sur 228 patients répartis en 5 cohortes définies par le traitement reçu. De ces cohortes, seule la cohorte EXP1, constituée de 30 patients naïfs de tout traitement a été retirée. Parmi les 198 patients des cohortes EXP2 à EXP5,

  • 189 ont peu avoir une analyse de l’ADN plasmatique, dont 40 (21%) n’avaient pas d’ADN circulant tumoral détectable. Quarante-cinq (24%) avaient une ou plusieurs mutations de ALK.  
  • Et 191 avaient des échantillons tumoraux obtenus de novo ou archivés dont 164 ont pu avoir un NGS. Quarante (24%) avaient une ou plusieurs mutations de ALK.  Sur les 28 specimens effectués de novo, 76 (78%) ont pu avoir un NGS dont 36 (47%) avaient une ou plusieurs mutations de ALK.  

Plusieurs différentes mutations de ALK ont été détectées dont la plus fréquente était G1202R/del trouvée respectivement dans 42% et 40% dans le plasma et la tumeur. La découverte d’autres mutations de résistance était moins fréquente qu’il s’agisse de  L1196M, F1174X, G1269A, ou  I1171X qui toutes sont in vivo sensibles au lorlatinib. Toutefois  le profil des mutations détectées différait selon les anti-ALK reçus :

  • Dans les cohortes 2 et 3A où les patients n’avaient reçu que du crizotinib, les mutations les plus fréquentes étaient G1269A, F1174X, and L1196M. 
  • Au contraire, dans les cohortes 3B à 5 où les patients avaient reçu des anti-ALK de deuxième génération la mutation la plus fréquente était G1202R/del trouvée dans plus de 50% des cas. 

L’efficacité des traitements (présentée maintenant avec un suivi médian de 16,6 mois) était différente selon les cohortes :

  • Parmi les patients des cohortes 2 et 3A dans lesquelles  les patients n’avaient reçu que du crizotinib, le taux de réponse était de 73% et la survie sans progression était de 11,1 mois. L’efficacité ne différait pas selon le statut mutationnel. 
  • Parmi les patients des cohortes 3B à 5 où les patients avaient reçu des anti-ALK de deuxième génération, le taux de réponse était de 40% et la survie sans progression était de 6,9 mois. Le taux de réponse était au contraire différent selon le statut mutationnel :
    • Dans le plasma 62% de réponses étaient observées chez les mutés vs 32% chez les non mutés.
    • Dans le tissu tumoral 69% de réponses étaient observées chez les mutés vs 27% chez les non mutés.
    • En restreignant l’analyse aux seules mutations observées de novo les taux de réponse étaient comparables.

Les durées de survie sans progression ne différaient pas significativement selon que la recherche de mutation était positive ou négative lorsque cette recherche était effectuée dans l ‘ADN plasmatique (7,3 vs 5,5 mois selon qu’elle était positive ou négative).  Il en était de même de la durée de réponse. A l’inverse, les durées de survie sans progression différaient significativement selon que la recherche de  mutation était positive ou négative lorsque cette recherche était effectuée sur le tissu tumoral  (11 vs 5,4 mois selon qu’elle était positive ou négative).  Il en était de même de la durée de réponse (24,4 vs 4,3 mois). Ces différences étaient encore plus prononcées pour les biopsies effectuées de novo. 

Ce travail montre que chez les patients qui ont reçu un ou plusieurs anti-ALK de deuxième génération, le lorlatinib est particulièrement actif lorsqu’existe une mutation de résistance de sorte que la présence d’une telle mutation de résistance peut être considérée comme un marqueur prédictif d’efficacité du lorlatinib . Néanmoins, même si cette étude porte sur 200 patients, les situations cliniques résultant des différents traitements reçus sont nombreuses de sorte que les effectifs sur lesquels porte cette étude sont limités, - et ce d’autant plus que beaucoup de malades n’ont pas pu avoir un séquençage à partir de leur plasma ou de leur tumeur. Attendons donc les résultats d’autres études pour confirmer ou infirmer ces résultats. 

 

 

 

Reference

ALK Resistance Mutations and Efficacy of Lorlatinib in Advanced Anaplastic Lymphoma Kinase-Positive Non-Small-Cell Lung Cancer.

Shaw AT, Solomon BJ, Besse B, Bauer TM, Lin CC, Soo RA, Riely GJ, Ou SI, Clancy JS, Li S, Abbattista A, Thurm H, Satouchi M, Camidge DR, Kao S, Chiari R, Gadgeel SM, Felip E, Martini JF.

J Clin Oncol  2019 Mar 20. [Epub ahead of print

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