European Respiratory Journal

L’essai IFCT 0504 : un essai randomisé de phase II mené dans les anciens bronchioloalvéolaires

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2015

Traitement des stades IV, Tumeurs rares

Pour comprendre cette étude, il faut bien réaliser qu’elle a été conçue il y a plus de 10 ans, c’est à dire :

  • avant les modifications de la classification des adénocarcinomes dans laquelle le terme de cancer bronchioloalvéolaire a été abandonné. Ce terme qui désignait bien une entité clinique assez précise regroupait en fait  plusieurs types d’adénocarcinomes, mucineux ou non, plus ou moins invasifs.   Ces adénocarcinomes correspondaient souvent à ce qu’on a alors appelé « de type lépidique » parce qu’ils  tapissaient la surface des alvéoles en en respectant toutefois la paroi (http://www.biblio.ifct.fr/?q=node/2040).
  • Juste au moment où on décrivait les mutations EGFR, c’est à dire à une période où la recherche de celles-ci n’était pas encore rentrée dans la routine.

A cette époque, on disposait des premiers résultats de l’étude IFCT-0401 dans laquelle une certaine activité du gefitinib semblait probable dans ce qu’on appelait alors les cancers bronchioloalvéolaires.  Les résultats définitifs de cette étude ont été connus plus tard : le taux de réponse était à 13% et le taux de contrôle de la maladie à 30%, ce qui semblait effectivement intéressant dans cette tumeur réputé très résistantes à la chimiothérapie. Les non mucineux, souvent sensibles au gefitinib, avaient de plus longues survie sans progression et survie globale (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19574932), alors que les mucineux ne l’étaient pas, mais il semblait qu’ils pouvaient être « rattrapés » par une chimiothérapie associant carboplatine et paclitaxel ou par le pemetrexed.

Cet essai a donc été conçu pour comparer, dans un essai de phase II randomisé un inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR, cette fois l’erlotinib, à l’association carboplatine et paclitaxel sur un mode hebdomadaire. Un cross-over était recommandé.

Ces traitements étaient poursuivis jusqu’à progression et la troisième ligne par pemetrexed était fixée.

L’objectif principal était le taux de contrôle de la maladie à 16 semaines dont les auteurs espéraient qu’il atteigne 50% au lieu de 30%.

De 2006 à 2009,133 patients ont été inclus et randomisés dont 130 ont été éligibles. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient réparties de façon identique.

Parmi ces patients, une analyse moléculaire centralisée a été possible chez 96 d’entre entre (73,8 %).

Chez 120 patients le type histologique a pu être défini : il y avait 67 non mucineux et 53 mucineux.

Le taux de contrôle de la maladie des patients traités par carboplatine et paclitaxel sur un mode hebdomadaire était de 53% et de 39% dans le bras erlotinib. Cette différence n’était pas significative.

Avec un long suivi médian supérieur à 5 ans, la survie sans progression  médiane et la survie globale médiane étaient respectivement à 3,6 et 20,1 mois. Ces patient avait de particulièrement longues survies avec par exemple à trois ans un taux de survie à 30,8 %.

La toxicité décrite n’appelle pas de commentaire : elle est comparable aux données de la littérature.

Dans les cancers mucineux, en prenant l’association carboplatine et paclitaxel sur un mode hebdomadaire comme référence, le risque de progression était significativement très augmenté lorsque les patients étaient traités par erlotinib (HR 3,4. 95% CI 1,70–6,50; p<0,001).

Seulement cinq patients (5,6%), tous non mucineux, avaient une mutations EGFR et 24 (27,3%) avaient une mutations KRAS, dont 19 étaient mucineux. Le taux de contrôle de la maladie des 5 patients mutés EGFR était à 100%. Il était à 46,4% chez les sauvages. De même la survie sans progression était significativement  augmentée (18,5 versus 3,5 mois, p=0,08),  mais ces chiffres sont à interpréter avec prudence compte tenu des effectifs réduits.

Cette étude démontre que, contrairement aux espoirs initiaux concernant les inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR dans ce que nous appelions les cancers bronchioloalvéolaires, ces tumeurs doivent être traitées par chimiothérapie en première ligne, à moins bien sûr qu’une mutations EGFR ne soit découverte. Les malades atteints de cancers métastatiques inclus dans cette étude ont de longues survies, ce qui est probablement du au maintien de la  pression thérapeutique (dans cet essai les patients étaient traités jusqu’à progression) dont l’utilité a été montrée dans  les essais thérapeutiques récents sur les traitements de maintenance. 

 

  

Reference

Erlotinib versus carboplatin and paclitaxel in advanced lepidic adenocarcinoma: IFCT-0504.

Cadranel J, Gervais R, Merle P, Moro-Sibilot D, Westeel V, Bigay-Game L, Quoix E, Friard S, Barlesi F, Lethrosne C, Moreau L, Monnet I, Salaun M, Oliviero G, Souquet PJ, Antoine M, Langlais A, Morin F, Wislez M, Zalcman G; Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT).

Eur Respir J 2015; 46 : 1440-50

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