La chimiothérapie périopératoire pour les stades II à IIIA ne se discute plus depuis les résultats des méta analyses démontrant un bénéfice en survie d’environ 5% à 5 ans. Ce bénéfice est comparable que la chimiothérapie soit administrée avant (néo adjuvante) ou après la chirurgie (adjuvante), et pourtant les débats sur la supériorité d’un schéma par rapport à l’autre ne sont toujours pas clos. Il en est de même avec l’arrivée de l’immunothérapie dans les stades précoces de cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) opérables. La publication commentée ici fait partie d’une controverse et défend le bien-fondé d’une administration avant la chirurgie.
Plusieurs publications ou communications en congrès ces derniers mois ont concerné la place de l’immunothérapie en péri opératoire. L’étude IMPower010 a été la première à démontrer le bénéfice de l’administration d’un inhibiteur de point de contrôle (atézolizumab) chez des patients correctement opérés et ayant reçu une chimiothérapie adjuvante. Néanmoins ce bénéfice n’est actuellement confirmé qu’en survie sans rechute et ne semble concerner que les patients dont la tumeur exprime PDL1 (et réellement drivé par les patients ayant une expression à plus de 50%). Le traitement est administré pendant un an, chez des patients potentiellement guéris par la chirurgie, avec un risque de toxicité classique avec les immunothérapies (même si aucun signal nouveau n’a été mis en évidence en situation adjuvante). Plus récemment, les résultats de l’essai KeyNote 091 rapportés en début d’année avec le pembrolizumab dans la même indication montrent également un bénéfice mais cette fois, au contraire, qui ne concerne pas les patients exprimant PDL1 à plus de 50%. Le rôle de PDL1 pour sélectionner les patients tirant un bénéfice en adjuvant semble donc tout à fait discutable et il semble difficile de valider une stratégie qui affiche des résultats aussi contradictoires.
Il existe en revanche un fort rationnel pour privilégier l’administration de l’immunothérapie en néoadjuvant. Sur modèle murin, la comparaison néo adjuvant/adjuvant d’une administration d’immunothérapie favorisait clairement le néo adjuvant. Sur le plan immunitaire, la présence de la tumeur (et de ses néo antigènes) constitue probablement une stimulation plus efficace que lorsque la tumeur a été extirpée. Le système immunitaire est plus efficace avant une chirurgie dont on sait qu’elle représente une source de stress considérable.
Chez l’homme, des données d’IO seule administrée en monothérapie ou en association d’inhibiteurs de check points, ont montré que ces schémas étaient faisables et associés à des profils de tolérance acceptables. L’association ipilimumab+Nivolumab permettait d’avoir un taux de chirurgie de 89% (dont 100% de R0) avec des effets secondaires de grade >3 chez 10% des patients sous double immunothérapie contre 13% des patients sous nivolumab seul. Là aussi, ces résultats paradoxaux montrent qu’il est nécessaire de mieux identifier les patients qui tirent bénéfice d’une immunothérapie seule en néoadjuvant.
C’est l’association chimiothérapie+immunothérapie qui semble actuellement la plus prometteuse à en croire les résultats des dernières études. Cette stratégie permet d’améliorer les taux de réponses et permet de s’affranchir de la sélection des patients potentiellement répondeurs à l’immunothérapie. L’efficacité est confirmée par les taux de réponse pathologique majeure voire complète après quelques cycles. Là encore, le rationnel biologique est basé sur ce qui est constaté en stades métastatiques et considère que la chimiothérapie induit une mort cellulaire plus ou moins immunogène et donc un relargage de néo antigènes qui stimulent les lymphocytes, augmentant ainsi les taux de réponses pathologiques. Actuellement les résultats disponibles ne permettent pas de préciser si la stratégie néoadjuvante profite plus aux stades très précoces ou au contraire aux stades IIIA car les patients inclus dans les essais étaient très hétérogènes. Le marqueur d’efficacité choisi dans ces essai (le taux de réponse pathologique) est considéré comme un marqueur de substitution clairement validé pour la chimiothérapie. Cela semble également le cas avec l’immunothérapie, dans l’essai IONESCO, chaque tranche de 10% de cellules tumorales viables en moins était corrélé avec une meilleure PFS et OS.
Comme avec la chimiothérapie, l‘administration de l’immunothérapie a fait craindre une complexification de la chirurgie et une augmentation des complications post opératoires. Les données récemment publiées de l’essai CheckMate 816 qui évaluait une administration de chimiothérapie avec ou sans Nivolumab en pré opératoire, semblent tout à fait rassurantes. Le temps opératoire n’est pas rallongé par l’administration de Nivolumab, le curage ganglionnaire n’est pas plus compliqué ni moins complet, le taux de conversion entre vidéothoracoscopie et thoracotomie est identique et la durée de séjour hospitalier est identique voire inférieure dans le bras ayant reçu le Nivolumab. On notera toutefois que cette stratégie nécessite un apprentissage, notamment pour ne pas exclure de la chirurgie des patients dont les ganglions médiastinaux auraient grossi sous traitement d’induction. Il existe en effet un flare ganglionnaire maintenant bien connu qui ne constitue pas une progression.
L’ensemble des données actuellement disponibles, sur modèle murin mais également chez l’homme, valident l’administration de l’immunothérapie en néo adjuvant dans les CBNPC de stades précoces, tant au niveau de l’efficacité qu’au niveau de la tolérance. Il s’agit la plupart du temps de schéma courts impliquant 3 ou 4 cycles de traitement, qui sont administrés chez des patients souvent plus en forme qu’en post opératoire où des schémas d’un an de traitement sont étudiés dans les stratégies adjuvantes.