Lancet oncology

Nivolumab, Ipilimumab et 2 cycles de chimiothérapie vs chimiothérapie : premiers résultats de l’étude de phase III CheckMate 9LA.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
janvier 2021

Immunothérapie, Traitement des stades IV

L’hypothèse qui est à l’origine de cette étude est que pour le traitement de première ligne des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques une double immunothérapie associée à une courte chimiothérapie pourrait entrainer une longue survie tout en réduisant la toxicité de la chimiothérapie par rapport au traitement habituel de 4 cycles de chimiothérapie. 

CheckMate 9LA est une étude internationale randomisée de phase III à promotion industrielle qui compare chez des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatique un traitement standard par 4 cycles de chimiothérapie à un traitement expérimental associant une double immunothérapie à seulement 2 cycles de chimiothérapie. 

Pour être inclus les patients devaient être agés de plus de 18 ans, avoir un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde ou épidermoïde, un PS à 0 ou 1, et ne devaient pas avoir reçu de traitement systémique pour ce cancer métastatiques (ils pouvaient avoir été traités antérieurement pour ce cancer par chimiothérapie péri-opératoire ou radiochimiothérapie à condition que ces traitements aient été interrompus il y a plus de 6 mois). L’inclusion de patients présentant des métastases cérébrales antérieurement traitées et non évolutives étaient autorisées à condition que ces malades ne reçoivent pas plus de 10 mg de prednisone ou équivalent.   Ils ne devaient pas avoir de mutation de l'EGFR ni de translocation ALK-EML4 (ou même de statut indéterminé s’ils avaient un cancer non épidermoïde). Ils ne devaient pas avoir de maladie auto-immune, de méningite carcinomateuse, de pneumopathie interstitielle diffuse, d’antécédents HIV ou cancéreux. 

Les patients   étaient randomisés,  avec une stratification sur l’histologie, le sexe et l’expression positive ou négative de PD-L1, pour recevoir :

  • Dans le bras standard :
    • Pour les épidermoïdes : 4 cycles de carboplatine (AUC 6) et paclitaxel (200 mg/m2),
    • Pour les non épidermoïdes : 4 cycles de  carboplatine (AUC 5 ou 6) ou cisplatine (75 mg/m2) et pemetrexed (500 mg/m2). Le pemetrexed pouvait être utilisé en maintenance uniquement dans ce bras. 
  • Dans le bras expérimental
    • Deux cycles de cette même chimiothérapie (la maintenance n’était pas autorisée dans ce bras).  
    • Et une immunothérapie jusqu’à progression, importante toxicité  ou pendant 2 ans associant :
      • Nivolumab (360 mg IV) toutes les 3 semaines en premier suivi de
      • Ipilimumab (1mg/kg IV) toutes les 6 semaines

Le crossover entre les deux bras n’était pas autorisé mais les patients du bras standard pouvaient recevoir une immunothérapie. 

L'objectif principal était la survie. Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression, et la réponse globalement et la survie, la survie sans progression et la réponse selon l’expression de PD-L1. Il fallait randomiser 700 patients et observer 402 décès pour détecter un HR de 0,75 et une analyse intermédiaire était prévue à 351 décès. 

En 3 ans, 1150 patients ont été enrôlés et 719 patients ont été jugés éligibles et randomisés. : 361 dans le bras expérimental et 358 dans le bras standard standard. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. L’âge médian était de 65 ans, 10 et 9 % des patients avaient plus de 75 ans. Il y avait 70 % d’hommes, la majorité avait un PS à 1. La majorité était fumeur ou ancien fumeur, le tiers avait un cancer épidermoïde, 18 et 16 % avaient des métastases cérébrales. Le statut PD-L1  était négatif chez 40% des malades. 

Lors de l’analyse intermédiaire qui était planifiée le suivi médian était de 9,7 mois et le suivi minimum était de 8,1 mois et le comité indépendant considéra que les données étaient suffisantes pour considérer que l’étude était positive (tableau ci-dessous). 

 

Groupe expérimental

Groupe contrôle

p

N

361,

358,

 

N (%) de décès

156 (43)

195 (54)

 

Survie médiane (mois) (95%CI)

14,1 (13,2-16,2)

10,7 (9,5-12,4)

 

HR (96,7%CI)

0,69 (0,55-0,87)

0,00065

PFS médiane (mois) (95%CI)

6,8 (5,6-7,7)

5 (4,3-5,6)

 

HR (94,4%CI)

0,79 (0,57-0,86)

0,00012

Taux de réponse (%) 

37,7

25,1

0,0003

Avec un suivi additionnel de 4,6 mois les différences de survie étaient encore plus importantes avec des survies médianes de 15,6 et 10,9 mois et un HR à 0,66 (O,55-0,80). Les taux de survie à 1 an  étaient de 63 et 47%. Il en était de même de la survie sans progression, du taux de réponse et de la durée de réponse. 

Les différences persistaient dans tous les groupe définis au début de l’étude notamment selon le type histologique et le statut PD-L1 (y compris chez les PD-L1  négatifs (HR = 0,62  (0,45-0,85).

Un traitement ultérieur a été administré chez 31% des patients du bras expérimental 5%  et 53% de ceux du bras chimiothérapie. On notera enfin que si seulement 5% des patients du bras expérimental ont reçu ensuite une immunothérapie c’était le cas de 30% des patients du groupe contrôle.

Des évènements secondaires rapportés au traitement de grade 3 et 4 sont survenus chez 47% des patients du bras expérimental et 38% de ceux du bras contrôle (neutropénie, anémie et diarrhée étaient les plus fréquents). Des effets adverses sévères de tous grades ont été observés chez 30 et 18% de patients du groupe expérimental et du groupe contrôle. Sept et 6 décès ont été observés  respectivement chez les patients du groupe expérimental et du groupe contrôle et un de chaque a été rapporté au traitement. 

Cette importante étude de phase III dont la méthodologie est excellente démontre, avec un niveau de preuve élevé, qu’une double immunothérapie par nivolumab et ipilimumab associée à une courte chimiothérapie entraine, chez les patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatique,  une survie significativement plus longue qu’une chimiothérapie. On remarquera que, - comme pour les études précédentes associant chimiothérapie et immunothérapie, et à l’inverse des études d’immunothérapie exclusive -,  les courbes ne se croisent pas dans leur portion initiale ce qui démontre que l’hyperprogression est bien contrôlée par cette association. 

En septembre dernier l’Agence Européenne des médicaments (EMA) a rendu un avis positif pour l’utilisation de ce traitement en première ligne chez les malades atteints de cancer bronchique non à petites cellules métastatiques qui n’ont ni mutation EGFR ni translocation ALK-EML4.  

 

 

Reference

First-line nivolumab plus ipilimumab combined with two cycles of chemotherapy in patients with non-small-cell lung cancer (CheckMate 9LA): an international, randomised, open-label, phase 3 trial.

Paz-Ares L, Ciuleanu TE, Cobo M, Schenker M, Zurawski B, Menezes J, Richardet E, Bennouna J, Felip E, Juan-Vidal O, Alexandru A, Sakai H, Lingua A, Salman P, Souquet PJ, De Marchi P, Martin C, Pérol M, Scherpereel A, Lu S, John T, Carbone DP, Meadows-Shropshire S, Agrawal S, Oukessou A, Yan J, Reck M.

Lancet Oncol 2021. Online ahead of print.

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