Lancet

Un inhibiteur de l’interleukine 1β, le Canakinumab, réduit l’incidence et la mortalité des cancers broncho-pulmonaires dans les suites d’un infarctus.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
septembre 2017

Épidémiologie

Le canakinumab est un inhibiteur de l’interleukine 1β qui est enregistré en France pour le traitement des syndromes de fièvres périodiques, pour celui de la maladie de Still et pour celui des patients qui présentent des crises fréquentes d’arthrite goutteuse.

Cet anticorps a été aussi étudié dans le cadre de l’essai CANTOS, un essai à promotion industrielle, pour savoir s’il pouvait prévenir la récidive d’accidents vasculaires après un infarctus du myocarde chez des patients qui gardaient un syndrome inflammatoire important. Parce que cet essai portait sur plus de 10 000 patients et s’adressait en majorité à des fumeurs ou anciens fumeurs, et parce que l’inflammation joue probablement un rôle important dans le développement de certains cancers, il est apparu logique de s’intéresser à l’incidence des cancers dans cette étude qui randomisait les patients en 4 bras : placebo, canakinumab à 50mg, 150 mg et 300 mg en sous-cutané toutes les 3 semaines.

Les résultats concernant les taux d’incidence des cancers en général et des cancers broncho-pulmonaires et les données de mortalité sont résumés sur le tableau ci-dessous :

 

Placebo

Canakinumab

(toutes doses)

p

Tous cancers

Taux d’incidence

1,88

1,75

0,31

HR (95% CI)

1

0,93 (0,79-1,09

 

Taux d’incidence de cancers entrainant le décès 

0,64

0,045

0,0007

HR (95% CI)

1

0,71 (0,53-0,94)

 

Cancers broncho-pulmonaires

Taux d’incidence

0,49

0,27

<0,0001

HR (95% CI)

1

0,55 (0,39-0,78)

 

Taux d’incidence de cancers entrainant le décès 

0,30

0,15

0,0002

HR (95% CI)

1

0,51 (0,33-0,80)

 

Avec une durée médiane de suivi de 3,7 ans, le taux de mortalité par cancer a été significativement inférieur chez les malades traités par canakinumab. Le taux de mortalité par cancer pour 100 personnes-années était de O,64 dans le groupe placebo et diminuait avec l’augmentation des doses de canakinumab.

Le cancer broncho-pulmonaire représentait 26% de tous les cancers et 47% des décès par cancer dans le bras placebo et seulement 16% des cancers et 34% des décès par cancer dans les bras expérimentaux. L’incidence et la mortalité par cancer broncho-pulmonaire diminuait également avec l’augmentation des doses de canakinumab comme le montre le tableau ci-dessous :

 

Placebo

Canakinumab

p

 

 

50

150

300

 

Incidence de cancer broncho-pulmonaire par 100 personnes-année :

0,49

0,35

0,30

0,16

<0,0001

Incidence de mortalité par cancer broncho-pulmonaire par 100 personnes-année :

0,30

0,20

0,19

0,007

0,0002

L’effet du canakinumab est significativement plus important chez les fumeurs que chez les anciens fumeurs.

Enfin deux données importantes sont à retenir : 1) la prise de canakinumab n’était pas associée avec une réduction de l’incidence des autres cancers 2) la prise de canakinumab s’accompagnait d’un taux plus élevé d’infections et notamment d’infections fatales.

Ces données suggèrent donc que l’inhibition d’interleukine 1β par le canakinumab chez des patients qui sont atteints d’athérosclérose et ont un taux de CRP élevé diminue, avec un effet dose dépendant, l’incidence des cancers broncho-pulmonaires  et leur mortalité. Les auteurs suggèrent que cette réduction est liée à l’effet anti-inflammatoire du canakinumab.

Les conclusions de cette étude dont le niveau de preuve est élevé, puisqu’il s’agit d’une étude randomisée avec des effectifs importants, sont intéressantes. Elles sont néanmoins surprenantes quand on sait qu’il s’écoule un temps prolongé entre le début d’un cancer et l’apparition des premiers symptômes puis le décès. Ici le suivi médian des patients n’a été que de 3,7 ans ce qui rend difficile de comprendre comment cette action sur l’incidence des cancers broncho-pulmonaires a pu s’exercer en un temps aussi court. Il est en revanche plus facile d’imaginer que la réduction de l’inflammation ait pu réduire l’évolution et donc la mortalité des cancers broncho-pulmonaires. Il est en tout cas certain que ces données doivent être vérifiées de façon prospective et approfondies ; il serait intéressant (mais probablement irréalisable) de le faire dans le cadre d’une étude prospective sur le dépistage qui offrirait à tous les patients la même surveillance scanographique. 

Dans l’immédiat l’augmentation du risque infectieux et le coût extrêmement élevé de ce traitement interdisent totalement de rêver au développement d’une utilisation préventive de cet anticorps.  Peut-on tenter de démontrer un effet thérapeutique pour certains cas de cancers broncho-pulmonaires très inflammatoires ? 

 

 

 

  

Reference

Effect of interleukin-1β inhibition with canakinumab on incident lung cancer in patients with atherosclerosis: exploratory results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial.

Ridker PM, MacFadyen JG, Thuren T, Everett BM, Libby P, Glynn RJ; CANTOS Trial Group.

Lancet. 2017 Aug 25. [Epub ahead of print]

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer