Annals of Oncology

Anticoagulants pour le traitement des patients atteints de cancer bronchique à petites cellules : l'étude de phase III RASTEN

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mars 2018

Cancers à petites cellules

Il y a 25 ans que le groupe français  « Petites cellules » de Bernard Lebeau publiait dans Cancer un essai randomisé multicentrique qui comparait,  chez 277 patients atteints d’un cancer bronchique à petites cellules localisés et disséminés,  chimiothérapie (et éventuellement radiothérapie dans un deuxième temps) seules ou associées à 5 semaines d’héparine sous cutanée (cliquer ici pour un accès gratuit).

La durée médiane de survie était significativement augmentée de 261 jours dans le bras contrôle à 317 jours dans le bras expérimental.  Cette différence,  dans une étude de sous-groupes des cancers localisés et disséminés,  n’atteignait la significativité que dans le sous-groupe des cancers disséminés. D’autres études ont exploré la place des anticoagulants dans le cancer du poumon  et une méta-analyse publiée en 2013 a confirmé un bénéfice dans les cancers bronchiques à petites cellules  (cliquer ici). Toutefois le groupe Cochrane n’a pas confirmé de bénéfice de survie dans une vaste population de patients atteints de différents types de cancers et traités en ambulatoire (cliquer ici).

Finalement beaucoup d’équipes ont considéré que cette question restait sans réponse définitive et cette pratique ne s’est jamais imposée partout.

Voici qu’un nouvel essai suédois académique de phase III conduit par le Swedish Lung Cancer Study Group pose à nouveau cette question en étudiant l’administration d’énoxaparine chez des patients atteins de cancers bronchiques à petites cellules de tos stades qui étaient randomisés entre un traitement standard par chimiothérapie et radiothérapie dans les formes localisées à ce même traitement associé à 1mg/kg/jour d’énoxaparine du J1 de la chimiothérapie jusqu’à 21 jours après la fin du dernier cycle de chimiothérapie. L'objectif principal était la mesure de la survie globale. Les objectifs secondaires étaient la survie sans progression et les événements secondaires hémorragiques.

Entre 2008 et 2016, 377/390 patients ont été inclus, 186 dans le bras expérimental et 191 dans le bras contrôle. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Il y avait 40% de stades limités et plus d’un quart des patients avaient à l’inclusion un PS à 2 ou 3.

La survie médiane était de 10,6 mois dans le bras expérimental et de 11,3 mois dans le bras contrôle et cette différence, à la défaveur du bras énoxaparine, n’était pas significative. La survie médiane était de 17,8 mois pour les formes limitées et de 8,6 mois pour les formes disséminés (p<0,001) et l’analyse des sous-groupes de localisés ou disséminés recevant ou non de l’énoxaparine ne montrait aucune différence. La survie sans progression n’était pas non plus influencée par l’énoxaparine.

L’incidence des thromboses veineuses était significativement plus élevée dans le bras contrôle (8,4% vs 2,7%). Des événements hémorragiques ont été rapportés chez 27 patients du bras énoxaparine mais la majorité étaient de grades 1 ou 2. Trois patients néanmoins ont eu des hémorragies fatales. Dans le groupe contrôle, ce sont 8 patients qui ont eu des événements hémorragiques dont 1 fatal. Les caractéristiques des autres événements secondaires des deux groupes étaient identiques.

Cette étude démontre avec des effectifs importants (c’est la plus vaste étude publiée sur une population de malades atteints de cancer bronchique à petites cellules) et une excellente méthodologie que l’adjonction d’ énoxaparine ne prolonge pas la survie des patients qu’il soient atteints de cancers bronchiques à petites cellules localisés ou disséminés. Pour tenter d’expliquer ces différences entre ces résultats et ceux d’autres études plus anciennes on peut suggérer :

  • Que dans les années 1980-90, période pendant laquelle ont été conduites les études antérieures et 2008 à 2016, période pendant laquelle a été conduite cette étude les comportements concernant l’hospitalisation des malades ont changé. Entre 1980 et 1990 les malades étaient plus fréquemment et plus longtemps hospitalisés.  Il est donc possible que les complications thrombo-emboliques aient été plus fréquentes et donc l’effet préventif des anticoagulants meilleur.
  • Que l’effet de la radiothérapie thoracique précoce dans les cancers localisés, encore démontré dans cette étude, soit assez important pour qu’une mauvaise répartition de la radiothérapie ou son administration trop tardive chez certains malades puissent expliquer ces résultats.

Cette étude, qui ne remet absolument pas en cause ni la prophylaxie primaire chez les patients qui ont un haut risque de maladie thrombo-embolique ni  la prophylaxie secondaire chez ceux qui ont eu un tel épisode et dont le cancer reste évolutif , ne plaide donc pas pour un usage systématique d’un traitement  thrombo-embolique chez tous les malades.

 

Reference

Randomized phase III trial of low-molecular-weight heparin enoxaparin in addition to standard treatment in small-cell lung cancer: the RASTEN trial.

Ek L, Gezelius E, Bergman B, Bendahl PO, Anderson H, Sundberg J, Wallberg M, Falkmer U, Verma S, Belting M; Swedish Lung Cancer Study Group (SLUSG).

Ann Oncol 2018; 29 : 398-404

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