JAMA Oncology

Après un événement secondaire immunologique causé par l’immunothérapie peut-on reprendre ce traitement ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
septembre 2019

Immunothérapie, Effets secondaires des médicaments

L’immunothérapie est en général bien tolérée et la plupart des événements secondaires immunologiques causés par celle-ci régressent sous corticoïdes et avec l’arrêt du traitement. On peut discuter alors la reprise du traitement en fonction des risques liés aux  effets secondaires observés, de l’efficacité du traitement à l’origine de ces effets et des autres traitements qui sont disponibles. 

Il y a assez peu de données sur la réintroduction (rechallenge) de ces traitements après qu’ait été observée une toxicité initiale de grade ≥2. Ceci justifie cette étude rétrospective menée à Gustave Roussy de 2015 à 2017 sur les données de 159 patients présentées à l’ImmunoTOX board. Parmi ceux-ci, 93 patients ayant eu un effet adverse immunologique de grade ≥2 sous anti PD-1 (n=46), un anti PD-L1  (n=9), un anti CTLA-4 (5) ou une association d’un anti PD-1 ou PD-L1  et d’une autre immunothérapie ont été inclus dans cette étude. Ils étaient traités pour un mélanome (n=31), un cancer broncho-pulmonaire (n=16), un lymphome (n=8), un cancer du rein (n=6)  et divers autres cancers. 

Les événements secondaires rapportés au traitement qui étaient observés étaient une hépatite (n= 17), une toxicité cutanée (n=14), une pneumopathie (n=13), un colite (n=11), des arthralgies (n=7), une élévation de la lipase (n=6), et aussi des événements hématologiques, endocriniens, musculaires, neurologiques, oculaires, rénaux et cardiaques.   

Plus de la moitié de ces événements ont été traitée par corticoïdes et 7 par d’autres immunosuppresseurs.

Le traitement a été repris chez 40 (43%) de ces patients après un arrêt de traitement dont la durée médiane était de 3,8 semaines. Chez les 53 autres le traitement n’a pas été repris du fait d’une progression (n=16), de la sévérité de l’épisode initial (n=16) ou de la décision prise par le clinicien (n=21). Aucune différence significative d’âge, de sexe, de durée de traitement, de grade de la toxicité ou de mise en œuvre d’une corticothérapie n’existait entre les patients qui avaient ou non repris le traitement. 

Sur les 40 patients qui ont repris le traitement :

  • 18 n’ont pas eu de nouvel effet immunologique,
  • 17 ont eu une récidive de la même toxicité, 
  • Et 5 ont eu un effet immunologique différent.

Les grades de ce second effet étaient à 2 (38%), à 3 (48%) ou à 4 (14%). Aucune toxicité de grade 5 n’a été observée.  La sévérité du deuxième épisode n’était pas plus grande que celle du premier. 

La sévérité de l’épisode initial n’était pas significativement prévisible de la récidive et plus généralement aucun facteur ne l’était à l’exception de l’intervalle entre le début du traitement et le premier effet immunologique qui était significativement plus court chez les malades qui ont eu un deuxième effet. 

La survie sans progression médiane des malades chez lesquels le traitement a été repris ne différait pas significativement de celle des patients chez lesquels le traitement n’avait pas été repris et la durée médiane de survie n’était pas atteinte dans aucun des 2 groupes. Enfin parmi les patients qui ont repris le traitement 9 présentaient une réponse partielle et 17 une stabilité.   La durée médiane de survie sans progression des réponses était de 21,5 mois. 

On retiendra de cette très intéressante étude beaucoup d’informations susceptibles de motiver nos décisions par des données précises et d’informer nos patients :

  1. La reprise du traitement est possible même après une toxicité immunologique de grade 2 à 4.
  2. La survenue d’un second événement secondaire immunologique est fréquente mais n’est pas obligatoire puisqu’elle ne s’observe que chez 55% des patients. 
  3. La sévérité du deuxième épisode n’est pas plus grande que celle du premier. 
  4. Aucun décès lié à la reprise du traitement après un événement immunologique de grade 2 à 4 n’a été observé.
  5. Il n’est pas démontré que la reprise du traitement donne au malade  qui a eu un effet immunologique de grade 2 à 4 le maximum de chances de longue survie puisque la survie sans progression médiane des malades chez lesquels le traitement a été repris (19,1 mois) ne différait pas dans cette étude significativement de celle des patients chez lesquels le traitement n’avait pas été repris 23,6 mois).
  6. Ces conclusions doivent être interprétées avec prudence d’abord du fait du caractère rétrospectif de cette étude et aussi parce que, dans cette cohorte, les patients ont été traité dans un grand centre avec beaucoup de rigueur et en suivant l’avis d’experts de plusieurs disciplines lors de discussions mutidisciplinaires. Il ne faut pas s’attendre à reproduire ces résultats sans la même rigueur et la même organisation. 
  7. N’oublions pas enfin que les myocardites et les toxicités neurologiques restent des contre-indications absolues à la reprise du traitement. 

 

Reference

Evaluation of Readministration of Immune Checkpoint Inhibitors After Immune-Related AdverseEvents in Patients With Cancer.

Simonaggio A, Michot JM, Voisin AL, Le Pavec J, Collins M, Lallart A, Cengizalp G, Vozy A, Laparra A, Varga A, Hollebecque A, Champiat S, Marabelle A, Massard C, Lambotte O.

JAMA Oncol 2019. [Epub ahead of print]

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