Il y a 5 ans que l’étude PROFILE 1007 démontrait chez les patients traités en deuxième ligne et dont la tumeur présentait une translocation ALK-EML4 que la survie sans progression observée sous crizotinib était plus du double de cette observée sous chimiothérapie (cliquer ici) et il y a 4 ans que l’étude PROFILE 14 démontrait qu’en première ligne la survie sans progression observée sous crizotinib était également aussi plus longue que celle observée sous chimiothérapie (10,9 vs 7 mois) (cliquer ici).
Depuis la recherche clinique qui concerne les patients dont la tumeur présente une translocation ALK-EML4 est extrêmement active du fait du développement de plusieurs nouveaux médicaments.
Le brigatinib, un nouvel anti ALK prometteur (cliquer ici) est l’un d’entre eux et son efficacité a été démontrée par l’étude ALTA chez les patients prétraités par le crizotinib (cliquer ici).
Voici maintenant publiés les premiers résultats de l ‘étude ALTA 1L, une étude internationale de phase III randomisés qui compare en première ligne le brigatinib au crizotinib.
Pour être éligibles, les patients devaient avoir au moins 18 ans, un cancer bronchique non à petites cellules avancé ou métastatique avec au moins une lésion mesurable et ne devaient pas avoir reçu antérieurement de traitement anti ALK. Ils pouvaient être inclus même s’ils présentaient des métastases cérébrales non traitées et asymptomatiques.
Cette étude a été conduite dans 124 centre répartis dans 20 pays. Les patients étaient stratifiés selon qu’ils avaient reçu ou non une chimiothérapie et qu’ils avaient ou non des métastases cérébrales.
Ils étaient randomisés sur un mode 1/1 pour recevoir :
- Soir 90 mg une fois par jour de brigatinib pendant 7 jours puis 180 mg,
- Soit 250 mg 2 fois par jour de crizotinib.
Dans le bras crizotinib, le cross over vers le brigatinib était autorisé en cas de progression confirmée par un comité indépendant.
L'objectif principal était la survie sans progression. Pour que l’essai soit positif, il fallait obtenir une augmentation de survie sans progression : la PFS attendue dans le bras standard était de 10 mois et il fallait obtenir une PFS augmentée d’au moins 6 mois (HR=0,625) : 198 événements étaient nécessaires pour le démontrer.
Résultats
Les résultats publiés ici sont ceux de la première analyse intermédiaire prévue.
Au total, 275 patients ont été randomisés entre avril 2016 et août 2017 et les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Dans les deux groupes le taux de métastases cérébrales à l’inclusion étaient identiques 29 et 30%).
En février 2019, 69% des patients du groupe brigatinib et 43% du groupe crizotinib continuaient à recevoir le traitement initial et les temps médians de suivi étaient de 11 et 9,3 mois.
Lors de la première analyse intermédiaire, 99 événements (progression ou décès) étaient observés chez 26% des patients du bras brigatinib et 46% de ceux du du bras crizotinib.
La durée médiane de survie sans progression est comme prévu de 9,8 mois dans le bras crizotinib et n’est pas atteinte dans le bras brigatinib.
Le taux de survie sans progression à 12 mois, apprécié par un comité indépendant, était de 67% dans le groupe expérimental et de 43% dans le groupe standard. Le HR de progression ou décès était largement inférieur à ce qu’il devait être pour que l’essai soit positif puisqu’il était à 0,49 (95% CI : O,33-0,74). Cette différence était significative (p<0,001). La survie sans progression appréciée par les investigateurs était comparable.
Les taux de réponses objectives confirmées, également appréciés par un comité indépendant, étaient de 71 et 60%. Et ceux de réponses non confirmées étaient de 76 et 73%. Les taux de durée de réponse confirmées à un an étaient respectivement de 78 et 48% dans le groupe brigatinib et dans le groupe crizotinib.
Les taux de réponse cérébrales confirmées chez les 39 patients qui avaient des métastases cérébrales mesurables étaient respectivement de 78 et 29% dans le groupe brigatinib et dans le groupe crizotinib. Le taux de progressions cérébrales était inférieur chez les patients qui recevaient du brigatinib (9 vs 19%). Enfin, à un an, les taux estimés de survie sans progression cérébrale étaient de 78% dans le bras brigatinib et de 61% dans bras crizotinib.
La durée médiane de survie n’est pas atteinte et les taux de survie à un an sont de 85 et 86%.
Les événements secondaires sont décrits dans un tableau extrêmement détaillé : les symptômes gastro-intestinaux, dominés par les diarrhées, sont les plus fréquents.
L’augmentation de la créatine kinase, la toux, l’HTA et l’augmentation de la lipase sont plus fréquents avec le brigatinib. Les nausées, la diarrhée, la constipation, les œdèmes périphériques, les vomissements, une augmentation des transaminases, une anorexie, la photopsie, la dysgueusie, et les troubles visuels étaient plus fréquents sous crizotinib.
Sept patients dans chaque groupe sont décédés et aucun de ces décès n’a été attribué au traitement. On retiendra enfin que des pneumopathies interstitielles diffuses de grade 3 et 4 sont survenues chez 3% des patients du bras brigatinib et 0,7% du bras crizotinib.
Cette importante étude de phase III à promotion industrielle qui compare en première ligne le brigatinib au crizotinib montre donc une augmentation importante et significative de la survie sans progression sous brigatinib sans excès de toxicité attribuable à ce traitement. On va disposer ainsi d’un quatrième traitement pour ces patients qui présentent une translocation ALK-EML4, puisque le brigatinib vient s’ajouter au crizotinib, au ceritinib et à l’alectinib.
On retiendra que, comme pour l’alectinib qui donne aussi une survie sans progression supérieure à celle obtenue par le crizotinib (cliquer ici), l’efficacité de ce traitement est particulièrement intéressante chez les patients qui présentent des métastases cérébrales.
Il est difficile de prédire quels seront dans l’avenir les standards de traitement de ces patients : ils dépendront probablement des durées de survie prolongée observés avec ces nouveaux médicaments et d’une meilleure connaissance des mécanismes de résistance qui ne sont probablement pas les mêmes.
Reference
Brigatinib versus Crizotinib in ALK-Positive Non–Small-Cell Lung Cancer
Camidge DR, Kim HR, Ahn MJ, Yang JCH, Han JY, Lee JS, Hochmair MJ, Li JYC, Chang GC, Lee KH, Gridelli C, Delmonte A, Garcia Campelo, Kim DW, Bearz A, Griesinger F, Morabito A, Felip E, Califano R, Ghosh S, Spira A, Gettinger SN, Tiseo M, Gupta N, Haney J, Kerstein D, Popat S.
N Eng J Med 2018 september 25 in press