Lancet oncology

Lorlatinib chez les patients présentant un réarrangement ALK ou ROS1 : une étude de phase I.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
novembre 2017

Thérapeutique ciblée, Traitement des stades IV, Biomarqueurs / Facteurs pronostiques et/ou prédictifs, ROS, ALK, Métastases cérébro-ménagées

Les données de la littérature concernant le traitement des patients dont la tumeur présente un réarrangement ALK ou ROS1sont maintenant extrêmement riches. Le crizotinib est le premier traitement dont la supériorité sur la chimiothérapie  a été démontrée chez les sujets présentant une translocation ALK-EML4 d’abord en deuxième ligne dans l’étude PROFILE 1007 (cliquer ici) puis en première ligne dans l’étude de phase III PROFILE 14 (cliquer ici). Un peu plus tard son action était aussi démontrée chez les sujets dont la tumeur présente un réarrangement ROS1 (cliquer ici).

Plus récemment des anti ALK de nouvelle génération ont été développé : le ceritinib démontrait aussi sur activité comparativement à la chimiothérapie chez les patients présentant un réarrangement ALK-EML4 dans l’étude de phase III ASCEND-4 (cliquer ici) puis apparaissait comme un un traitement de deuxième ligne efficace après échec du crizotinib dans l’étude de phase III ASCEND 5 (cliquer ici). Il en était de même du brigatinib (cliquer ici) et de l’alectinib (cliquer ici).

L’activité du ceritinib était aussi démontrée chez les malades dont la tumeur présente un réarrangement ROS1 (cliquer ici)

Enfin, comparé au crizotinib en première ligne chez les patients présentant un réarrangement ALK-EML4 , l’alectinib permettait d’obtenir une meilleure survie sans progression avec une toxicité moindre et une activité nettement plus importante chez les malades présentant des métastases cérébrales dans les études J-ALEX (cliquer ici) et ALEX (cliquer ici).

Voici maintenant de nouveaux résultats particulièrement intéressants que nous apporte une étude de phase I réalisée avec le lorlatinib, un anti-ALK de troisième génération qui cible ALK et ROS1. Ce médicament a une grande capacité à pénétrer la barrière cérébro-méningée et à agir sur les mutations de résistance connues.

Les particularités très prometteuses du lorlatinib expliquent que les critères d’inclusion dans cette étude aient été plus étendus que ceux des études antérieures concernant les anti-ALK développés jusqu’alors. En effet les patients devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules métastatique ou localement avancé avec réarrangement ALK ou ROS1 mais ils restaient éligibles :

  • S’ils avaient reçu plusieurs lignes d’inhibiteurs de la tyrosine kinase ciblant ALK ou ROS1.
  • S’ils avaient des métastases cérébrales asymptomatiques qu’elles aient été ou non traitées.
  • S’ils avaient des signes radiologiques de métastases méningées (à condition que l’examen cytologique du LCR soit négatif).

Ces patients recevaient par paliers de 3 patients des doses croissantes de lorlatinib allant de 10 à 400 mg/jour.

L'objectif principal était la toxicité dose-limitante survenant au cycle 1 appréciée par l’investigateur. Les objectifs secondaires étaient extrêmement nombreux : effets adverses cliniques et biologiques, recherche d’anomalies de la fraction d’éjection ventriculaire, signes vitaux (rythme cardiaque et TA), MMS, symptômes rapportés par les patients, qualité de vie, allongement de l’intervalle QT, effet de l’alimentation sur l’absorption du médicament et la réponse.  

Caractéristiques des patients inclus

Au total 55 patients ont été inclus entre janvier 2014 et juillet 2015 et 54 ont reçu au moins une dose de lorlatinib.  Parmi ces patients, 41 avaient une tumeur ALK positive et 12 ROS-1 positive. Chez l’un d’entre eux le statut moléculaire n’a pas été confirmé. L’âge médian était de 52 ans. Il y avait 94% d’adénocarcinomes.  Près des trois quarts des patients (72%) avaient des métastases cérébrales. La majorité des malades (52%) avaient reçu deux ou plus lignes d’un inhibiteur de la tyrosine kinase anti ALK ou ROS, 20 (37%) n’en avaient reçu qu’une ligne et 6 (11%) aucune.

Toxicité

Une toxicité dose limitante est survenue au palier de 200 mg : il s’agissait d’une toxicité neurologique de grade 2 associant un ralentissement et des difficultés à la parole. La dose recommandée en phase II a été de 100 mg/jour.

La plupart des événements secondaires rapportés au traitement qui ont été observés étaient de grades 1 et 2 :  hypercholestérolémie (59%), hypertriglycéridémie (33%), œdèmes et neuropathie périphériques (39%), effet cognitifs (33%) ou difficultés à la parole (19%), troubles de l’humeur (15%), acouphènes ou troubles de la vision (13%) etc …

La plupart des effets de grade 3 observés étaient biologiques (augmentation du cholestérol, des triglycérides, de la lipase ou des transaminases).  Des effets cognitifs et une prise de poids ont été observées respectivement chez 1 et 3 patients.  

Les effets cognitifs ainsi que ceux sur la parole ou sur humeur étaient le plus souvent transitoires est réversibles.

Efficacité

Les principaux résultats sont résumés sur le tableau ci-dessous :

 

Translocation ALK-EML4 ALK

Translocation ROS1

N

41

12

Réponse complète (%)

3 (7%)

 

Réponse partielle (%)

16 (39)

6 (50)

Stabilité (%)

8 (20)

2 (17)

Temps médian d’obtention de la réponse (mois)

1,3

1,4

Durée médiane de réponse (mois)

12,4

12

On retiendra aussi que ces réponses ont été observées y compris chez des patients lourdement prétraités, par exemple 11 (58%) des 19 réponses observées chez les patients ALK+ concernaient des malades qui avaient reçu antérieurement 2 lignes ou plus d’inhibiteurs de la tyrosine kinase. De nombreuses réponses cérébrales ont été observées :  8/19 (42%) chez les ALK+ présentant des lésions cibles cérébrales mesurables et 3/5 chez les ROS1+.

On retiendra enfin qu’avec un suivi médian de 17,4 mois et plus d’un tiers de patients censurés, la survie sans progression médiane était de 9,6 mois pour l’ensemble de la cohorte.

Même si ces résultats sont préliminaires et si les données de survie ne sont pas encore disponibles, on peut déjà affirmer à ce stade qu’ils sont particulièrement intéressants parce que cette population présente un très fort contingent de malade lourdement prétraités et atteints de métastases cérébrales.  Le lorlatinib fait actuellement l’objet de plusieurs autres études et notamment déjà d’une étude le comparant au crizotinib en phase III chez les patients dont la tumeur est ALK positive (cliquer ici).

 

 

 

Reference

Lorlatinib in non-small-cell lung cancer with ALK or ROS1 rearrangement: an international, multicentre, open-label, single-arm first-in-man phase 1 trial.

Shaw AT, Felip E, Bauer TM, Besse B, Navarro A, Postel-Vinay S, Gainor JF, Johnson M, Dietrich J, James LP, Clancy JS, Chen J, Martini JF, Abbattista A, Solomon BJ.

Lancet Oncol. 2017 Oct 23. [Epub ahead of print]

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