Journal of Thoracic Oncology

Caractéristiques des pneumopathies observées sous osimertinib : une importante étude japonaise

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
décembre 2020

Thérapeutique ciblée, EGFR, Effets secondaires des médicaments

Une étude de « vie réelle » a été menée au Japon après l’enregistrement de l’osimertinib en première ligne et deuxième ligne essentiellement dans le but de préciser la toxicité de ce traitement. Ce sont les données concernant les pneumopathies interstitielles diffuses (PID) qui sont rapportées ici.  C’est une étude importante puisqu’elle a été conduite dans 718 hôpitaux japonais de 2016 à 2018 chez tous les patients qui recevaient 80 mg d’osimertinib.

Etaient concernés tous les événements qui étaient déclarés sous les termes suivants : alveolite, fibrose pulmonaire idiopathique, pneumopathie interstitielle diffuse, atteinte pulmonaire, pneumopathie inflammatoire, fibrose interstitielle diffuse, dommage alvéolaire diffus, toxicité pulmonaire, pneumopathie interstitielle aigue, ARDS, pneumopathie organisée et lésion pulmonaire aigue. 

A partir de ces déclarations des questions étaient adressées à des experts des pneumopathie interstitielle diffuse qui disposaient des données cliniques, radiologiques et éventuellement histologiques. Ils devaient alors classer ces lésions selon une échelle de 5 points : 0= non évaluable, 1= diagnostic de PID non retenu de façon définitive, 2= diagnostic de PID improbable, 3 diagnostics de PID possible, 4 = diagnostic de PID probable et 5 diagnostics de PID certain. Les experts ont considéré que les événements côtés de 3 à 5 correspondaient à des PID. Ensuite les images scanographiques retenues comme PID étaient revues par 2 radiologues pour une recherche de consensus et une classification.

Sur la population éligible pour l’étude composées de 3578 patients, 252 événements ont été observés chez 245 malades  (6,8%). Leur grade CTCAE était <3 chez 141 patients et ≥3  chez 104.  L’avenir de ces événements a été défini comme régressif chez  75 patients (30.6%), s’améliorant chez 116 patients (47.3%), toujours présent chez  17 patients (6.9%),  laissant en place des séquelles chez 3 patients (1.2%), conduisant au décès chez 29 patients (11.8%), et inconnu chez 5 patients (2.0%). L’intervalle médian entre le premier symptôme de pneumopathie et le début du traitement par osimertinib était de 63 jours. 

Conformément aux référentiels japonais, il était possible de reprendre l’osimertinib, ce qui a été fait chez 39 patients dont 8 avaient une pneumopathie interstitielle diffuse de grade ≥3. Sept de ces 39 patients ont eu un nouvel épisode de pneumopathie interstitielle diffuse qui chez 4 patients était de grade <3.   

Parmi les 231 patients dont les images ont été revues par des experts, 238 événements étaient cotés de 3 à 5  et correspondaient donc à des pneumopathie interstitielle diffuse possibles ou certaines. Deux facteurs étaient potentiellement liés à la survenue de pneumopathie diffuses :

  • Des antécédents de pneumopathie interstitielle diffuse ou la constatation d’une pneumopathie interstitielle diffuse concomitante (OR = 2,84 (1,98-4,07))
  • Un traitement antérieur par nivolumab (OR = 3,51 (2,10-5,87)). La fréquence de ces pneumopathies était plus élevé lorsque le délai entre la dernière injection de nivolumab et la première prise d’osimertinib était inférieur à 1 mois que lorsqu’il était supérieur à 1 mois.  

Lors de la révision de ces 238 événements observés chez 231 malades par des experts de pathologie interstitielle, 221 événements chez 214 malades ont été finalement retenus. Ces images ont été classées le plus souvent comme de légers infiltrats (38,3%), une pneumopathie organisée (41,1%) ou des images de dommage alvéolaire diffus (11,7%). Ce sont chez ces patients que 14 des 22[1] décès ont été observés.   

Cette étude fournit une analyse précise et détaillée des pneumopathies interstitielles diffuses telles qu’elles sont observées au Japon. Les chiffres de 6,8% de pneumopathies observées et de 22 décès, c'est à dire près de 10% des pneumopathies observées sont très différents de ceux habituellement décrits dans la littérature et ce pour 3 raisons :

  • L’incidence des pneumopathies interstitielles diffuses attribuées aux inhibiteurs de la tyrosine kinase de l’EGFR de première et deuxième génération est beaucoup élevée au Japon qu’en Amérique ou en Europe. Elle est dans une importante méta-analyse incluant 24% d’études japonaises de 1,12% pour les pneumopathies de tous grades (cliquer ici). Dans cette étude l’incidence est dans les études  japonaises multipliée par 5.
  • La quasi-totalité de ces patients ont déjà reçu du gefitinib, de l’erlotinib ou de l’afatinib ce qui augmente leur risque de pneumopathie. 
  • Enfin 8% des patients ont reçu antérieurement du nivolumab qui augmente de façon importante l’incidence et la gravité de ces pneumopathies

 

 

 

 

[1] Ce chiffre de décès est différent de celui qui est cité plus haut car il ne concerne que les patients dont le dossier a été revu par le comité d’experts. 

Reference

Real-World Evaluation of Factors for Interstitial Lung Disease Incidence and Radiologic Characteristics in Patients With EGFR T790M-positive NSCLC Treated With Osimertinib in Japan.

Gemma A, Kusumoto M, Sakai F, Endo M, Kato T, Saito Y, Baba T, Sata M, Yamaguchi O, Yabuki Y, Nogi Y, Jinushi M, Sakamoto K, Sugeno M, Tamura R, Tokimoto T, Ohe Y.

J Thorac Oncol 2020; 15 : 1893-1906

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