Un an après la communication orale en session plénière à l’ASCO, les résultats définitifs de l’étude IFCT-0501 concernant les sujets âgés, coordonnée par Élisabeth Quoix, ont été publiés hier en ligne dans le Lancet.
Pourquoi cette étude ?
La problématique du traitement du cancer chez le sujet âgé est complexe et la pratique d’études cliniques incluant des sujets âgés à côté de sujets non âgés ne peut suffire car ceux-ci ont très fréquemment des antécédents ou des comorbidité qui les rendent inéligibles à ces études « générales », de sorte que seuls des patients très sélectionnés sont inclus, ce qui conduit à des résultats qui ne sont absolument pas applicables à l’ensemble des sujets âgés.
On disposait, lorsque cette étude a commencé, de peu d’essais de phase III incluant spécifiquement des sujets âgés : l’essai ELVIS avait comparé vinorelbine à traitement de confort et avait démontré la supériorité de la chimiothérapie (médiane de survie 28 vs 21 semaines). Plus tard l’essai de phase II de Frasci avait suggéré un gain de survie avec l’association vinorelbine-gemcitabine, que n’avait pas confirmé un essai de phase III mené par Gridelli (qui avait démontré par ailleurs que vinorelbine et gemcitabine avaient une activité équivalente). Ces essais avaient conduit les sociétés européennes et américaines à élaborer des recommandations proposant la monothérapie comme un standard (ASCO 2003, EORTC 2010).
Pourtant un certain nombre d’arguments, issus d’études de phase II, d’études de phase III incluant des sujets âgés, ou de registres laissaient entrevoir la possibilité qu’une bithérapie, et notamment, - comme l’avait montré un étude française de phase II coordonnée par JL Pujol, - une bithérapie associant carboplatine et taxol, ce dernier étant administré sur un mode hebdomadaire, était susceptible d’obtenir de meilleurs taux de réponse et de survie que les monothérapies.
Quelle a été la méthode utilisée pour cette étude ?
Il s’agit d’une étude prospective multicentrique de phase III qui a été menée de 2006 à 2009, incluant 61 centres dont 15 CHU, 4 centres de lutte contre le cancer et 42 centres hospitaliers généraux.
Les patients atteints d’un cancer bronchique non à petites cellules de stade IV ou III non résécables et non irradiables devaient être âgés de 70 à 89 ans. Leur PS devait être ≤2. Ils pouvaient avoir des métastases cérébrales si elles étaient asymptomatiques. Ils devaient avoir une fonction hématologique, hépatique et rénale compatible avec la chimiothérapie qu’ils recevraient.
Le traitement comportait pour le bras expérimental du carboplatine AUC 6 à J1 et 90 mg/m2 de paclitaxel à J1, 8, and 15. Pour le bras standard, ils recevaient soit 25 mg/m2 de vinorelbine à J1 et 8 soit 1150 mg/m2 de gemcitabine à J1 et 8 (choix fait par chaque centre au début de l’étude). Les cycles étaient répétés toutes les 4 semaines pour le doublet, et toutes les 3 semaines pour la monothérapie. Le nombre de cycles était respectivement de 4 et 5 de sorte que la durée totale de traitement de première ligne était globalement identique. Le traitement de deuxième ligne était à base d’erlotinib dans les deux bras.
L’objectif principal était la survie globale et pour détecter une augmentation de celle-ci de 10% à un an, il était nécessaire d’inclure 520 patients.
Quels résultats ?
Lors d’une deuxième analyse planifiée, le comité de surveillance indépendant, recommanda de stopper les inclusions car le nombre de patients inclus lui paraissait suffisant pour conclure : 451 patients étaient alors inclus, dont l’ âge médian était particulièrement élevé et donc bien représentatif d’une population de sujets âgés : il était de 77 ans (à titre de comparaison il était de 74 ans dans les études italiennes consacrées aux sujets âgés et de 62 à 64 ans dans les études menées sur des populations générales et incluant des sujets âgés).
La médiane de survie était significativement augmentée pour le bras expérimental avec une réduction significative du risque de décès de 36%, et une médiane de survie de 10,3 mois, versus 6,2 pour le bras contrôle et enfin un taux de survie à un an presque doublé (44,5 vs 24,4%) (p<0,0001).
Les taux de réponse et la survie jusqu'à progression (PFS) étaient également significativement supérieurs pour le traitement expérimental.
La toxicité était supérieure dans le bras expérimental avec notamment plus de décès toxiques (4,4 versus 1,3 %).
Enfin, dans une analyse exploratoire, aucun facteur gériatrique à l’exception du MMS >23 n’était prédictif d’un non bénéfice de la bithérapie.
Karen L Reckamp a écrit dans ce même numéro un éditorial qui souligne qu’avec un âge médian de 77 ans et l’inclusion de 27% de patients dans chaque bras avec un PS 2, cette chimiothérapie peut être proposée à une large population pourvu que l’absence de perturbations des fonctions rénales et hépatiques soient vérifiée.
L’association carboplatine et paclitaxel administré sur un mode hebdomadaire devient donc un standard pour une grande partie des sujets âgés que nous sommes amenés à traiter.
La publication de cette étude dans le Lancet est une grande joie pour l’IFCT. Qu’Elisabeth Quoix, les membres de l’équipe temps plein, les membres du Comité de surveillance, tous ceux qui se sont impliqués dans l’écriture de cet article et surtout tous les investigateurs sans les quels cette étude n’aurait pas pu être menée en soient très vivement remerciés.
Reference
Carboplatin and weekly paclitaxel doublet chemotherapy compared with monotherapy in elderly patients with advanced non-small-cell lung cancer: IFCT-0501 randomised, phase 3 trial
Quoix E, Zalcman G, Oster JP, Westeel V, Pichon E, Lavolé A, Dauba J, Debieuvre D, Souquet PJ, Bigay-Game L, Dansin E, Poudenx M, Molinier O, Vaylet F, Moro-Sibilot D, Herman D, Bennouna J, Tredaniel J, Ducoloné A, Lebitasy MP, Baudrin L, Laporte S, Milleron B,
On Line first August 09 2011