Journal of Thoracic Oncology

Ceritinib et Nivolumab chez les patients qui présentent un réarrangement de ALK

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
mars 2020

Immunothérapie, ALK

La place des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires chez les patients présentant un réarrangement de ALK est difficile à définir. Dans la cohorte IMMUNOTARGET (cliquer ici), les IO données en monothérapie au-delà de la première ligne obtiennent des taux de réponses faibles et le bénéfice ne semble pas évident. En association avec la chimiothérapie et un antiangiogène, l’atezolizumab semblait efficace dans une analyse en sous-groupe non planifiée chez les patients ALK+ de l’essai IMPower 150. 

Pourtant, il est tentant d’utiliser les IO chez ces patients qui expriment volontiers des taux importants de PDL1 en IHC. Cette expression pourrait néanmoins être uniquement constitutive en ne jouer aucun rôle dans l’échappement immunitaire. De nombreux essais d’associations entre TKI (anti ALK ou EGFR) et IO (anti PD1 ou anti PDL1) ont déjà été publiés, avec des résultats d’efficacité difficile à interpréter, mais surtout des problèmes de tolérance des traitements combinés.

La publication rapportée ici est une phase IB d’escalade de doses visant à déterminer la dose maximale tolérée (puis la dose recommandée pour la phase d’expansion) de l’association ceritinib et nivolumab (https://www.jto.org/article/S1556-0864(19)33564-6/fulltext). Elle a concerné 36 patients inclus dans 9 centres de 8 pays. Au total 14 patients ont reçu le ceritinib à 450 mg/j avec de la nourriture + nivolumab à 3 mg/kg tous les 14 jours, et 22 patients ont reçu le ceritinib à 300 mg/j avec de la nourriture et nivolumab à 3 mg/kg tous les 14 jours.  

La durée médiane de traitement a été de 47.0 semaines (range 1.0–116.0) dans le groupe traité à 450mg et 37.3 semaines (range 4.4–91.3) dans le groupe 300mg. Parmi les 14 patients traités à 450mg, 12 étaient évaluables pour la DMT. Deux patients de chaque groupe n’étaient pas évaluables car traités pendant moins de 28 jours (critère minimal prédéfini). Parmi les 14 patients de la cohorte 450 mg, quatre ont atteint la DMT: 2 pancréatites (une de grade 2 et l’autre de grade 3), 1 hépatite auto-immune (grade 3), et un patient a présenté à la fois une élévation de lipase (grade 4) et des transaminases (grade 3). Parmi les 22 patients de la cohorte 300 mg, 20 étaient évaluables et 2 ont présenté une toxicité limitante sous forme d’élévation des transaminases, de grade 3. 

Pour l’ensemble des 36 patients, 12 patients (33%) ont dû diminuer la posologie de ceritinib pour effets indésirables, et 29 patients (81%) ont dû avoir des interruptions de traitement (d’une ou des deux molécules). Les rashs cutanés ont été particulièrement fréquents, dans les deux cohortes de doses, et notamment chez les patients asiatiques (93% contre 46% chez les non asiatiques).

Les résultats en termes d’efficacité (taux de réponse et surtout durée de réponse) semblent intéressants mais compte tenu de la taille des effectifs, sont à prendre avec beaucoup de réserve. On note, sur des analyses rétrospectives non planifiées, que le niveau d’expression de PDL1 pourrait être discriminant, même si encore une fois compte tenu des tailles d’effectifs, les intervalles de confiance se chevauchent. Si l’on prend un cut off à 1% d’expression de PDL1 par exemple, 64% des patients (95% CI: 35.1–87.2) ont présenté une réponse partielle confirmée versus 31% (95% CI: 11.0–58.7) des patients PDL1 négatifs.

Il est difficile de conclure au vu de ces résultats. La toxicité de la combinaison, surtout en initiation de traitements (rashs cutanés sévères et très fréquents) a conduit à proposer une autre façon de combiner les deux traitements. Une étude est en cours testant une instauration de ceritinib en monothérapie pendant deux mois puis l’association avec le nivolumab jusqu’à progression. Le statut PDL1 pourrait être un élément intéressant mais probablement pas unique, pour tenter d’identifier les patients qui tirent réellement un bénéfice de cette association.

Ces combinaisons TKI et IO, si elles sont séduisantes sur le plan du concept, laissent tout de même perplexes quant à leur intérêt réel et leur tolérance. Elles font l’objet d’un éditorial (cliquer ici)  qui accompagne l’article rapporté. Les TKI seuls permettent d’obtenir des taux de réponses déjà très élevés chez les patients ayant un driver oncogénique et cet objectif principal dans les essais n’est donc certainement pas le meilleur pour évaluer l’efficacité (qui devrait être mesurée en durée de réponse ou survie sans progression voire globale). L’ajout d’un traitement IV et de toxicités supplémentaires chez ces patients mutés ou réarrangés, devra faire également l’objet d’une évaluation de la qualité de vie. 

Reference

Ceritinib plus Nivolumab in Patients with Advanced ALK-Rearranged Non-Small Cell Lung Cancer: Results of an Open-Label, Multicenter, Phase 1BStudy.

Felip E, de Braud FG, Maur M, Loong HH, Shaw AT, Vansteenkiste JF, John T, Liu G, Lolkema MP, Selvaggi G, Giannone V, Cazorla P, Baum J, Balbin OA, Wang LV, Lau YY, Scott JW, Tan DS.

J Thorac Oncol 2020; 15 : 392-403

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