Lancet oncology

Chimioradiothérapie chez les patients âgés atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stade III : un nouveau standard ?

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
juin 2012

Radiothérapie / Radiofréquence, Traitement des stades III, Cancers du sujet âgé

Alors qu’il a été démontré dans ces 10 dernières années, grâce à une recherche clinique très active, que la chimioradiothérapie séquentielle des cancers bronchiques non à petites cellules de stade III faisait mieux que la radiothérapie exclusive puis que la chimioradiothérapie concomitante était supérieure à la séquentielle, très peu de données sont disponibles sur la chimioradiothérapie concomitante du sujet âgé.   

Voilà une très intéressante étude prospective de phase III du Japan Clinical Oncology Group (JCOG) qui répond à cette question.

Cet essai multicentrique concerne des patients âgés de plus de 70 ans, avec un PS ≤2 présentant un cancer bronchique non à petites cellules de stade III non résécable, non T3N1M0. Ils étaient randomisés entre :

  • un bras chimioradiothérapie dont la chimiothérapie n’est pas habituelle puisqu’ils recevaient 30 mg/m2 de carboplatine une heure avant les 20 premières fractions de chimiothérapie associée à une radiothérapie de 60 Gy en 30 fractions et 6 semaines,
  • et un bras radiothérapie exclusive avec la même radiothérapie.

L’objectif principal était la survie globale (augmentation de la médiane de survie globale de 10 à 15 mois), les objectifs secondaires la toxicité et la PFS.

En 7 ans 200 patients provenant de 27 institutions ont été inclus (100 dans chaque groupe). Ils étaient parfaitement représentatifs d’une population âgée puisque comme dans l’étude IFCT0501 leur âge moyen était de 77ans. Il y avait en comparaison avec les études japonaises habituelles une répartition par sexe (82% d’hommes) histologie (près de 50% d’épidermoïdes) et tabagisme (90% de fumeurs) très proche des études européennes et américaines. Les comorbidités étaient fréquentes (HTA 40%, diabète 10%, cardio-vasculaires plus de 20%).

Les résultats sont résumés dans le tableau ci dessous. Ils démontrent un important bénéfice de survie dans le bras expérimental au prix d’une toxicité acceptable et sans excès de mortalité iatrogène :

 

Chimioradiothérapie

Radiothérapie

p

Survie globale

(médiane en mois)

22,4

16,9

0,0179

Survie à 1 an (%)

70,8

62,5

 

Survie à 2 ans (%)

46,3

35,1

 

PFS médiane

8,9

6,8

0,009

Réponses (%)

51,5

44,9

0,39

Neutropénies grade 3-4 (%)

63,5

0

 

Neutropénies fébriles (%)

2,1

0

 

Pneumopathies radiques grade 3-4 (%)

3,2

5,3

 

Décès attribués au traitement

3

4

 

Cet essai est le premier essai portant spécifiquement sur des patients de plus de 70 ans peu sélectionnés (inclusion de PS 2, nombre élevé de comorbidités) qui démontre la supériorité de l’association chimioradiothérapie dans cette population. Comme l’an dernier pour la chimiothérapie des stades IV (/prev-em-onco/2219), le standard du traitement des patients de plus de 70 ans atteints de cancer bronchique non à petites cellules de stade III non résécables, devrait donc changer. 


  

 

L'article publié par S Atagi et al.(1) est le deuxième article consacré à l'étude de l'intérêt d'une chimioradiothérapie concomitante spécifiquement dédié aux personnes âgées. Le premier publié par le même groupe avait été arrêté au bout de 46  inclusions en raison d'une toxicité excessive (2).

L'analyse rétrospective de cet essai négatif avait permis de voir qu'il y avait des problèmes importants de qualité dans l'application de la radiothérapie. L'essai actuel qui reprend le même schéma s'accompagne de critères stricts de qualité en ce qui concerne l'irradiation.

Si on se réfère aux essais précédents ayant utilisé un sel de platine à dose radiosensibilisante, le seul essai positif est celui de l'EORTC mené par C. Shaake-Köning (3)avec une supériorité de résultats dans le bras comportant du cisplatine quotidien à la dose de 6 mg/m² de façon quotidienne. Celui de Clamon et al.(4)  qui après une chimiothérapie  (CT) d'induction selon le schéma de Dillman (5)comparait une radiothérapie classique à l'adjonction à cette dernière de carboplatine hebdomadaire à 100mg/m² concomitante à la radiothérapie (RT) ne montrait aucun bénéfice à cette dernière tant en terme de contrôle local que de survie.

La méta-analyse d'A. Aupérin publiée en  2006 (6)comparait une RT seule à une CT-RT concomitante à base de sels de platine. Elle incluait 9 essais randomisés, 1764 patients dont  9% avaient 71 ans ou plus. Il y avait un bénéfice en faveur de la CT-RT de 4% à 2 ans et 2,2% à 5 ans en ce qui concerne la survie globale la survie passant à 2 ans de 21,4% à 25,4% et de 6 à 8,2% à 5 ans. Cependant, le bénéfice imputable à une CT comportant un sel de platine seul était significativement inférieur à celui obtenu par une combinaison avec de l'étoposide. En revanche, un bénéfice de survie s'observait également chez les patients âgés de 71 ans qui pourrait être expliqué par un biais de sélection.

En résumé, les résultats de l'étude japonaise, dont l'intérêt majeur est d'être le premier essai d'envergure, de phase III dédié aux personnes âgées ayant une forme localement avancée irradiable de CBNPC, sont un peu surprenants de par l'intensité du bénéfice lié à l'adjonction de carboplatine quotidien à dose faible, de l'absence d'effets secondaires oesophagiens de grade 3 ou 4 dans les deux bras ce qui va à l'encontre de toutes les études préalablement publiées (7). Il faut cependant noter que dans les deux études où le sel de platine était donné seul concomitamment à la radiothérapie il n'y avait également pas d'excédent d'oesophagite de grade 3 ou 4 ni de pneumonie post-radique (3)(4). Ces deux études n'étaient pas dédiées aux personnes âgées. Une analyse rétrospective de 6 essais de phase II ou III du RTOG, comportant  979 patients dont 144 âgés de 71 à 85 ans montre que la meilleure qualité de vie pour les patients âgés de 70 ans et plus était donnée par la radiothérapie seule (8)

Il faudra probablement d'autres essais spécifiquement dédiés aux personnes âgées avant de pouvoir conclure définitivement au bénéfice de survie grâce à une chimiothérapie concomitante de la RT dans les formes localement avancées dans cette population particulière.

 

 

Références

1.                   Atagi S, Kawahara M, Yokoyama A, Okamoto H, Yamamoto N, Ohe Y, et al. Thoracic radiotherapy with or without daily low-dose carboplatin in elderly patients with non-small-cell lung cancer: a randomised, controlled, phase 3 trial by the Japan Clinical Oncology Group (JCOG0301). http://www.biblio.ifct.fr/?q=node/3016

2.                   Atagi S, Kawahara M, Tamura T, Noda K, Watanabe K, Yokoyama A, et al. Standard thoracic radiotherapy with or without concurrent daily low-dose carboplatin in elderly patients with locally advanced non-small cell lung cancer: a phase III trial of the Japan Clinical Oncology Group (JCOG9812). Jpn. J. Clin. Oncol. 2005 ; 35 : 195-201.

3.                   Schaake-Koning C, van den Bogaert W, Dalesio O, Festen J, Hoogenhout J, van Houtte P, et al. Effects of concomitant cisplatin and radiotherapy on inoperable non-small-cell lung cancer. N. Engl. J. Med. 1992; 326 : 524-30.

4.                   Clamon G, Herndon J, Cooper R, Chang AY, Rosenman J, Green MR. Radiosensitization with carboplatin for patients with unresectable stage III non-small-cell lung cancer: a phase III trial of the Cancer and Leukemia Group B and the Eastern Cooperative Oncology Group. J. Clin. Oncol. 1999; 17 : 4-11.

5.                   Dillman RO, Seagren SL, Propert KJ, Guerra J, Eaton WL, Perry MC, et al. A randomized trial of induction chemotherapy plus high-dose radiation versus radiation alone in stage III non-small-cell lung cancer. N. Engl. J. Med. 1990; 323 : 940-5.

6.    Aupérin A, Le Péchoux C, Pignon JP, Koning C, Jeremic B, Clamon G, et al. Concomitant radio-chemotherapy based on platin compounds in patients with locally advanced non-small cell lung cancer (NSCLC): a meta-analysis of individual data from 1764 patients. Ann. Oncol. 2006; 17 : 473-83.

7.                   Rowell NP, O’rourke NP. Concurrent chemoradiotherapy in non-small cell lung cancer. Cochrane Database Syst Rev. 2004;(4):CD002140.

8.                   Movsas B, Scott C, Sause W, Byhardt R, Komaki R, Cox J, et al. The benefit of treatment intensification is age and histology-dependent in patients with locally advanced non-small cell lung cancer (NSCLC): a quality-adjusted survival analysis of radiation therapy oncology group (RTOG) chemoradiation studies. Int. J. Radiat. Oncol. Biol. Phys. 1999;45 : 1143-9. 

Reference

Thoracic radiotherapy with or without daily low-dose carboplatin in elderly patients with non-small-cell lung cancer: a randomised, controlled, phase 3 trial by the Japan Clinical Oncology Group (JCOG0301).

Atagi S, Kawahara M, Yokoyama A, Okamoto H, Yamamoto N, Ohe Y, Sawa T, Ishikura S, Shibata T, Fukuda H, Saijo N, Tamura T; on behalf of the Japan Clinical Oncology Group Lung Cancer Study Group.

Lancet Oncol. 2012 May 21. [Epub ahead of print]

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