Lancet

Chimiothérapie néo-adjuvante : une méta-analyse sur données individuelles.

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
février 2014

Traitement péri-opératoire

Plusieurs méta-analyses réalisées à partir des données publiées ont suggéré que la chimiothérapie néo-adjuvante augmente la survie. Il n’existait pas en revanche de méta-analyse réalisée sur cas individuels et cette publication à paraître dans le Lancet vient combler ce vide. 

Tous les essais randomisés, publiés ou non,  comparant une chimiothérapie néoadjuvante puis une chirurgie à une chirurgie exclusive, réalisés depuis 1965 dans les cancers bronchiques non à petites cellules, étaient éligibles pour cette étude.

L’objectif principal de celle-ci était de comparer la survie globale dans les 2 bras.  Les objectifs secondaires étaient de définir la survie sans récidive, le temps jusqu’à récidive locale et métastatique,  les taux de résection et la mortalité post-opératoire.

Dix-neuf essais randomisés ont été retenus pour l’analyse, 17 publiés et 2 non publiés. Les données issues de trois essais n’ont pu être obtenues et un essai avait seulement recruté deux patients. De ce fait, cette méta-analyse  est finalement basée sur 15 essais, ce qui représente en tout 2385 patients. Dix de ces essais comportaient une chimiothérapie préopératoire exclusive et 5 une chimiothérapie préopératoire et postopératoire chez les répondeurs. Tous les essais sauf un utilisaient une chimiothérapie à base de platine. Huit essais utilisaient une radiothérapie post-opératoire dans les deux bras.

Résultats

Survie

Le bénéfice obtenu par la chimiothérapie néoadjuvante est démontré avec un HR à 0,87 (95% CI : 0,78–0,96; p=0,007); ceci correspond à une réduction du risque de décès de 13% et à une augmentation de survie à 5 ans de 40% à 45%.

Par ailleurs, il n’y a aucun argument pour penser que l’effet de la chimiothérapie dépende :

-       de son mode d’administration (en totalité avant la chirurgie ou avant et après). Cependant, il y aurait un bénéfice supérieur sur la récidive métastatique chez les patients qui ont reçu une chimiothérapie pré et post opératoire (mais cela ne concernait que les patients chez les quels une réponse était observée).  

-       Du nombre de cycles.

-       Du type de chimiothérapie, notamment cisplatine vs carboplatine.

-       Du nombre de médicaments administrés.

-       De l’administration d’une radiothérapie adjuvante.

-       Du fait que l’essai ait été ou non interrompu précocement.

L’âge, le PS, le sexe ou l’histologie n’avaient pas d’influence significative sur les résultats. 

Il n’y avait pas non plus d’effet de la chimiothérapie préopératoire sur l’étendue de la résection.

Survie sans récidive

Les données concernant la survie sans récidive étaient disponibles pour 14 essais (2326 patients). Ici aussi le bénéfice de la chimiothérapie est démontré (HR 0,85, 95% CI : 0, 76–0,94, p=0,002). La survie sans récidive à 5 ans passe de 30 à 36 %.

Le temps jusqu’à récidive métastatique est significativement augmenté, il augmente de 10 % à 5 ans. Le temps jusqu’à la récidive locale n’est pas significativement augmenté. Il n’augmente que de 3 % à 5 ans. 


 

Les résultats de cette méta-analyse sur données individuelles, qui est la méthode de référence,  sont assez proches des résultats des méta-analyses, effectuées à partir des essais publiés, réalisées antérieurement. Ces résultats sont également voisins de ceux de la méta-analyse LACE, qui concernait les essais de chimiothérapie adjuvante,  réalisée également sur données individuelles, (Tableau ci-dessous).

Auteur

Année

N essais

N patients

HR

CI

Méta-analyses de CT néo-adjuvante réalisées à partir des essais

Berghmans[1]

2005

6

590

0,66

(O,48-0,93)

Burdett[2]

2006

7

988

0,82

(0,69-0,97)

Song[3]

2010

13

3224

0,84

(0,77-0,92)

Méta-analyse de CT néo-adjuvante sur données individuelles

NSCLC Meta-analysis Collaborative Group

2014

15

2385

0,87

0,78–0,96

Méta-analyse de CT adjuvante sur données individuelles

LACE[4]

2008

5

4584

0,89

0,82-0,96

 

Ceci confirme que la chimiothérapie néo-adjuvante, comme la chimiothérapie adjuvante, augmente significativement la survie et montre que ce bénéfice est du même ordre.

Ainsi, contrairement à ce qui a été longtemps pensé, il est maintenant complètement démontré que la chimiothérapie néo-adjuvante a une efficacité au moins égale à celle de la chimiothérapie adjuvante.

Il est vraisemblable que cette efficacité soit même supérieure à celle de la chimiothérapie adjuvante car plusieurs études ont montré que, dans la « vraie vie »  seulement une partie des patients qui devaient recevoir une chimiothérapie adjuvante la recevaient réellement (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17410008, http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/19745763).

Il est donc probable que, si un bénéfice identique s’applique à une population plus vaste, l’ensemble des malades opérables puissent avoir, grâce à  la chimiothérapie néo-adjuvante,  un bénéfice de survie supérieur.

Enfin, plusieurs études ont récemment démontré que la corrélation entre la réponse histologique observée sur la pièce opératoire et la survie est excellente (http://www.biblio.ifct.fr/ceritinib-une-etude-de-phase-i-japonaisehttp://www.biblio.ifct.fr/lexamen-rapide-sur-site-rose-en-ebus-aide-t-il-au-diagnostic-moleculaire). Ceci ouvre probablement une nouvelle voie pour la recherche clinique qui permettrait de raccourcir considérablement l’obtention des résultats des essais de chimiothérapie péri-opératoire (http://www.biblio.ifct.fr/?q=node/3511).

La chimiothérapie néo-adjuvante reste donc bien, et probablement pour longtemps encore,  l’un des standards de traitement des cancers bronchiques non à petites cellules et une voie de recherche intéressante.

Alain Depierre  était un des seuls à le penser y a plus de 20 ans et il n’a cessé de travailler avec acharnement à le démontrer durant ces 20 dernières années. Cette méta-analyse lui donne définitivement raison.

 

 

 

[1] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15949586

[2] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17409927

[3] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20107424

[4] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18506026

Reference

Preoperative chemotherapy for non-small cell lung cancer: a systematic review and meta-analysis of individual participant data

NSCLC Meta-analysis Collaborative Group

Lancet, Published Online February 25, 2014

116 lectures

Coup de ♥ du mois

Risque de cancer du poumon chez les mineurs exposés à de faible taux de radon

novembre 2015

Si les données concernant les expositions à de fortes concentrations de radon sont bien connues,...

Lire la suite
Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer