Annals of Oncology

Cisplatine et Pemetrexed en adjuvant

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2013

Traitement péri-opératoire

Si, depuis les résultats des grandes études randomisées, l’association cisplatine et vinorelbine reste un standard pour le traitement adjuvant des cancers bronchiques non à petites cellules, cette association a une certaine toxicité. Cette toxicité, qui se traduit surtout par des neutropénies de grade 3 ou 4 et souvent des neutropénies fébriles, est souvent responsable de réduction de doses ou de retards d’administration.

Le but de cet essai randomisé multicentrique européen de phase II est d’explorer la faisabilité de l’association cisplatine et pemetrexed, a priori moins toxique, comparativement à l'association cisplatine et vinorelbine.

Méthodes

Cet essai a été conçu en 2005 avant que l’étude de Scagliotti (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18506025) ne démontre une efficacité supérieure de l’association cisplatine et pemetrexed dans les adénocarcinomes conduisant à une restriction d’AMM pour les cancers non épidermoïdes. De ce fait les cancers bronchiques non à petites cellules de tous types histologiques de stade IB, IIA, IIB ou T3N1 étaient éligibles s’ils étaient capables de recevoir une chimiothérapie 4 à 6 semaines après l’exérèse de leur cancer.

L’objectif primaire était la faisabilité définie par :

  • l’absence de décès de toutes causes,
  • pas d’arrêt prématuré demandé par le patient,
  • pas de toxicité limitante définie par une neutropénie de grade 4 de plus de 7 jours,  une neutropénie fébrile de grade 3 ou 4, une thrombopénie de grade 4 de plus de 7 jours, ou de n’importe quel grade associé à un saignement ou une toxicité non hématologique de la chimiothérapie de grade 3/4 à l’exception des nausées, vomissements ou alopécies.

Les objectifs secondaires concernaient l’efficacité et la quantité de traitement délivré.

Les patients étaient randomisés pour recevoir :

  • soit 4 cycles de cisplatine (75 mg/m2, J1) et pemetrexed (500 mg/m2, J1) avec apport vitaminique toutes les 3 semaines,
  • soit cisplatine (50 mg/m2, J1 et 8) et vinorelbine (25 mg/m2, J1, 8, 15, 22) toutes les 4 semaines selon le schéma de l’étude JBR 10 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15972865)

En 3 ans, 136 patients ont été randomisés.

Résultats

La faisabilité différait significativement entre les deux bras avec un taux de 95,5% pour le bras pemetrexed et 75,4% pour le bras vinorelbine.

A noter particulièrement dans le bras vinorelbine : 2 décès vs 1 décès[1], 4 retraits de consentement vs 0 et 10 toxicités limitantes vs 2, dont 5 neutropénies fébriles vs 1 et 4 neutropénies prolongées vs 0.

Dans le groupe pemetrexed, 90% des doses prévues ont été administrées pour le cisplatine comme pour le pemetrexed mais seulement 66% (cisplatine) et 64% (vinorelbine) pour le groupe vinorelbine  (P < 0.0001).

De même le nombre médian de cycles différait et respectivement 63% et 22% des patients terminaient précocement leur traitement dans le groupe vinorelbine et dans le groupe pemetrexed le plus souvent du fait d’une toxicité inacceptable.

Actuellement 1 récidive a été observée dans le bras pemetrexed et 3 dans le bras vinorelbine. Aucune différence de survie globale ou de PFS n’est observée.

 


[1] Ces décès n’étaient pas liés au traitement. 


 

 

Cette étude démontre parfaitement la faisabilité de l’association cisplatine et pemetrexed en adjuvant dans le cancer bronchique non à petites cellules. Elle démontre aussi que ce traitement a une bien moindre toxicité que l’association de référence cisplatine et vinorelbine.

Malheureusement aucune conclusion ne pourra être tirée de cet essai concernant l’efficacité compte tenu des effectifs réduits. Il est probable d’ailleurs qu’aucune autre étude ne tentera de résoudre cette question, tant un nouvel essai adjuvant de phase III, n’incluant que des épidermoïdes, serait difficile et longue à mener.

On pourrait penser que le fait de recevoir dans le bras expérimental 90% des doses théoriques de platine versus 66% dans le bras standard permet de s’attendre à une efficacité supérieure. On se souvient en effet que dans la méta-analyse du LACE (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18506026)  il avait été observé que les doses de platine supérieures à 300mg étaient associée à une meilleure survie que celles qui étaient <300 mg. Toutefois, cette différence n’était pas significative. Surtout, il faut bien  noter que les doses théoriques de platine ne sont pas les mêmes dans les deux bras : 300 mg dans le bras pemetrexed et 400 mg dans le bras vinorelbine. Donc, si le pourcentage de doses reçues est significativement à la faveur du bras expérimental, dans la mesure où les doses théoriques sont inférieures,  les doses finalement reçues sont voisines dans les deux bras (270 et 264 mg au total).

En attendant avec intérêt les résultats à long terme de cette intéressante étude, si en toute rigueur on ne peut donc annoncer une efficacité supérieure ou au moins identique au traitement standard, la faisabilité de cette association et sa moindre toxicité sont au moins démontrées.  Ceci, dans l’état actuel des choses, peut faire de cette bithérapie une bonne alternative  pour la chimiothérapie adjuvante des patients atteints de cancers non épidermoïdes et qui sont  inaptes à recevoir l’association de référence.

 

Reference

Randomized phase 2 trial on refinement of early-stage NSCLC adjuvant chemotherapy with cisplatin and pemetrexed versus cisplatin and vinorelbine: the TREAT study.

Kreuter M, Vansteenkiste J, Fischer JR, Eberhardt W, Zabeck H, Kollmeier J, Serke M, Frickhofen N, Reck M, Engel-Riedel W, Neumann S, Thomeer M, Schumann C, De Leyn P, Graeter T, Stamatis G, Zuna I, Griesinger F, Thomas M; TREAT investigators.

Ann Oncol 2013; 24 : 986-92. 

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
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