La chimiothérapie utilisée dans la plupart des grands essais randomisés de phase III publiés en 2005 et 2006 et méta-analysés en 2009 (cliquer ici) ont utilisé l’association cisplatine-vinorelbine qui est devenue et est encore aujourd’hui pour beaucoup d’équipes la chimiothérapie adjuvante de référence des cancers bronchiques non à petites cellules. Mais est-ce légitime de rester figé sur cette attitude alors que depuis 15 ans d’autres chimiothérapies qui ont été explorées dans les stades étendus ont été démontrées comme aussi efficaces mais moins toxiques. C’est notamment le cas de l’association de pemetrexed et de cisplatine qui est ici comparée à l’association de référence cisplatine et vinorelbine.
Cette étude académique est une étude randomisée de phase III qui a été conduite dans 50 centres japonais pour comparer ces 2 associations chez des patients opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde de stade II-IIIA.
Pour être éligibles, ces patients devaient avoir de 20 à 75 ans, avoir un PS à 0 ou 1, avoir eu une résection complète, un statut EGFR connu et un cancer de stade II ou IIIA dans la septième classification TNM. Ils étaient inéligibles s’ils avaient eu de complications respiratoires sévères, s’ils avaient reçu une chimiothérapie néoadjuvante et ils ne devaient pas avoir de traitement prévu par inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGFR.
Avec une stratification prenant en compte le sexe, l’âge (<70 ans vs ≥70 ans), le stade (II vs IIIA) et le statut EGFR, les patients éligibles ont été randomisés pour recevoir 4 cycles (J1=J22) de :
- Soit pemetrexed (500 mg/m2) et cisplatine (75 mg/m2) à J1
- Soit vinorelbine (25 mg/m2) à J1 et J8 et cisplatine (80 mg/m2) à J1.
En l’absence de récidive, l’administration d’une radiothérapie ou d’une autre chimiothérapie n’était pas autorisée.
L'objectif principal a été modifié au cours de l’essai : initialement c’était la survie globale avec l’objectif de démontrer une augmentation de 8% de la survie à 5 ans. Cette démonstration nécessitait l’inclusion de 777 patients et l’observation de 426 événements. Secondairement un amendement choisit la survie sans récidive avec l’objectif de démontrer une augmentation de 8% de celle-ci à 3 ans, ce qui nécessitait d’observer environ 420 événements.
Au total 804 (deux groupes de 402) patients ont été inclus de 2012 à 2016. Les caractéristiques des patients des deux groupes étaient bien réparties. Leur âge médian était de 65 et 64 ans. Il y avait un peu plus de 40% de femmes et plus des 3/4 avaient un PS à 0. Il y avait 410 (52%) cas de stades IIIA, un quart des patients présentaient une mutation activatrice de l'EGFR et 98% des patients ont eu une lobectomie.
Seize patients n’ont pas reçu le traitement qu’ils auraient du recevoir mais ont été comme il se doit analysés dans le bras prévu. Vingt patients étaient inéligibles, notamment dans 10 cas du fait de l’histologie.
Parmi les patients du bras standard, 73% ont reçu les 4 cycles prévus et c’était aussi le cas de 88% des patients du bras expérimental. Le temps de suivi médian était de 45 mois.
Comme le montre le tableau ci-dessous la survie sans récidive des patients des deux bras ne différait pas significativement :
| Cisplatine/Vinorelbine | Cisplatine/Pemetrexed | p |
RFS médiane (mois) | 37,3 | 38,9 | |
HR de RFS (95%CI) | 0,98 (0,81-1,20) | 0,47 |
RFS à 3 ans (%) | 50,2 | 51,1 | |
Survie médiane (mois) | NA | NA | |
Survie à 3 ans (%) | 83,5 | 83,8 | |
Quant à la survie, même si les données ne sont pas matures, on peut prévoir qu’elle sera la même dans les 2 bras. Dans une analyse de sous-groupes, seul le statut EGFR influençait la survie sans récidive : la RFS tendait à être meilleure sous vinorelbine chez les mutés EGFR (30 vs 24 mois) et tendait à être meilleure sous pemetrexed chez les non mutés (65 vs 40 mois). Toutefois ces différences n’étaient pas significatives.
En revanche l’analyse de la toxicité conduite chez les 788 patients qui ont reçu au moins une dose de traitement était très en faveur du bras pemetrexed en ce qui concerne les neutropénies comme le montre le tableau ci-dessous :
| Cisplatine/Vinorelbine | Cisplatine/Pemetrexed |
N | 396 | 392 |
Effets adverses (tous grades/grades 3-5) | 100/89 | 100/47 |
Neutropénies fébriles (grades 3/4) (%) | 46 (11,6) | 1 (0,3) |
Neutropénies de grades 3 (%) | 97 (24,5) | 76 (19,4) |
Neutropénies de grades 4 (%) | 224 (56,6) | 13 (3,3) |
Anémie de grade 3/4 (%) | 37 (9,3) | 11 (2,8) |
Un décès rapporté au traitement a été rapporté dans chaque bras.
Ces résultats peuvent être jugés comme sans intérêt à l’heure où la recherche clinique concernant les traitements périopératoires explore surtout l’immunothérapie et les thérapeutiques ciblées. Nous pensons au contraire que cette étude est la première depuis 15 ans qui suggère que l’association cisplatine et vinorelbine n’est plus le standard pour le traitement adjuvant des patients qui viennent d’être opérés d’un cancer bronchique non à petites cellules non épidermoïde. Certes l’efficacité est la même, mais la toxicité est très différente. Cette importante différence, démontrée dans une étude de phase III dont la méthodologie n’est pas critiquable, justifie l’utilisation en routine de l’association cisplatine-pemetrexed chez les malades qui ont un cancer non épidermoïde et qui ne peuvent pas rentrer dans un essai thérapeutique. Ces résultats justifient aussi l’utilisation de cette chimiothérapie dans les études futures associant à la chimiothérapie d’autres traitements explorés en adjuvants.
Reference
Randomized Phase III Study of Pemetrexed Plus Cisplatin Versus Vinorelbine Plus Cisplatin for Completely Resected Stage II to IIIA Nonsquamous Non-Small-Cell Lung Cancer.
Kenmotsu H, Yamamoto N, Yamanaka T, Yoshiya K, Takahashi T, Ueno T, Goto K, Daga H, Ikeda N, Sugio K, Seto T, Toyooka S, Date H, Mitsudomi T, Okamoto I, Yokoi K, Saka H, Okamoto H, Takiguchi Y, Tsuboi M.
J Clin Oncol. 2020 May 14. Online ahead of print.