European Journal of Cancer

Cisplatine ou carboplatine ? Des éléments pour une réponse définitive

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
septembre 2017

Traitement des stades IV

L’European Journal of Cancer publie dans ce numéro de septembre une étude qui a été menée entre 2005 et 2009 pour comparer 3 modalités de bithérapie par un sel de platine et gemcitabine.

On peut être tenté de penser que la question posée est totalement démodée, les méta-analyses comparant cisplatine à carboplatine ayant définitivement réglé le problème. Il est vrai que par exemple la méta-analyse de 8 essais incluant près de 3000 patients avait montré il y a 13 ans que l’association de cisplatine et de ce qu’on appelait en 2004 les «nouveaux agents» a montré un bénéfice de survie de 11%, significatif en faveur du cisplatine (HR = 1,106; 95% CI, 1,005-1,218; p = 0,039) (cliquer ici).

Toutefois les conclusions de cette méta-analyse n’ont pas convaincu beaucoup d’équipes :

  • certains continuent à penser qu’il n’est pas possible d’administrer  le cisplatine en ambulatoire alors que d’autres le font de façon habituelle depuis plus de 20 ans (cliquer ici).
  • D’autres considèrent, souvent à juste titre, que l’encombrement de leur hôpital de jour est incompatible avec l’administration de cisplatine en ambulatoire,
  • d’autres considèrent que les associations à base de carboplatine sont nettement moins toxiques,
  • d’autres comme de nombreuses équipes anglaises administrent des doses de cisplatine très inférieures à celles qui sont utilisées en Amérique du Nord ou dans le reste de l’Europe.

Il n’était donc pas inutile de se pencher sur ce problème qui concerne encore la majorité des patients traités en première ligne pour cancer bronchique non à petites cellules métastatique.

Cette étude anglaise académique financée par l’université de Birmingham a été conduite par 72 hôpitaux anglais et irlandais. Elle avait pour objectif de comparer dans le cadre d’un vaste essai prospectif de phase III, chez des patients présentant un cancer bronchique non à petites cellules de stade IIIB/IV, de toutes histologies,  et indemnes de métastase cérébrales au max 4 cycles de chimiothérapie associant à la gemcitabine à 1250 mg/m2 à J1 et J8, soit :

  • Cisplatine, à 80 mg/m2 à J1,
  • Soit Cisplatine, à 50 mg/m2 à J1
  • Soit Carboplatine AUC 6.

L'objectif principal était la survie globale, l’essai ayant les effectifs suffisants pour déceler une différence de survie de 2 mois, ce qui correspond à une différence médiane de survie de 7 à 9 mois ou à un taux de survie à un an de 35 à 45%. 

Au total 1363 patients ont été randomisés et les caractéristiques des patients des trois groupes étaient bien réparties. On retiendra que l’âge médian des malades était de 63 ans (avec des extrêmes allant jusqu’à 83 ans), que les 2/3 des patients étaient de sexe masculin et avaient un cancer de stade IV et que le tiers d’entre eux avaient un cancer épidermoïde.

Les principaux résultats ont été résumés sur le tableau ci-dessous :

 

CISPLATINE 80

CISPLATINE 50

CARBOPLATINE AUC 6

p

N

456

454

453

 

Proportion de patients  traités en ambulatoire

47

55

64

<0,0001

Taux de réponse (%)

29

20

27

0,007

Durée médiane de survie

9,5

8,2

10

0,046

Effets adverses de grade 3 ou 4 (%)

43

30

60

<0,0001

Les différences significatives concernaient essentiellement :

  • Le taux de réponse, inférieur pour le cisplatine à 0,50,
  • La durée médiane de survie, inférieure également pour le cisplatine à 0,50,
  • Et la toxicité dont le profil était différent :
    • surdité et bourdonnements d’oreille étaient plus fréquents sous cisplatine à 80 mg, avec néanmoins seulement 1,3% de grades ≥3.
    • Les nausées et vomissements étaient aussi, comme attendu, plus fréquents dans ce bras mais avec également un taux de grades ≥3 faible puisqu’inférieur à 3%.
    • Les toxicité médullaires étaient plus fréquentes avec le carboplatine. Par exemple les neutropénies étaient beaucoup plus fréquentes avec le carboplatine qu’avec le cisplatine à 80 mg (15,7% vs 5,3%), de même les thrombopénies (10% vs 2,3%).

Les conclusions de cette importante étude sont que l’usage répandu en Angleterre du cisplatine à 50 mg n’a plus lieu d’être et que le carboplatine AUC 6 n’est pas inférieur au cisplatine à 80 mg.

Si l’on admet qu’il  faut absolument privilégier le traitement ambulatoire chez ces malades dont l’espérance de vie est courte et cela d’autant plus que ces hospitalisations répétées sont à l’origine de dépenses supplémentaires que rien ne justifie, on peut considérer que l’administration ambulatoire de 80 mg de cisplatine doit être privilégié à cause de sa toxicité hématologique moindre mais que les équipes qui ne disposent pas les structures nécessaires pour administrer en ambulatoire le cisplatine peuvent passer au carboplatine  puisque l’efficacité est la même (à condition qu'l soit administré à AUC 6) et bien que la toxicité hématologique soit supérieure. 

 

 

 

 

Reference

Carboplatin versus two doses of cisplatin in combination with gemcitabine in the treatment of advanced non-small-cell lung cancer: Results from a British Thoracic Oncology Group randomised phase III trial.

Ferry D, Billingham L, Jarrett H, Dunlop D, Woll PJ, Nicolson M, Shah R, Thompson J, Spicer J, Muthukumar D, Skailes G, Leonard P, Chetiyawardana AD, Wells P, Lewanski C, Crosse B, Hill M, Gaunt P, O'Byrne K.

Eur J Cancer 2017; 83 : 302-312.

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Thématiques : Épidémiologie, Prévention
Revue : British Journal of Cancer