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JAMA Oncology

Cancers de stades précoces opérés : concordance avec les recommandations dans l’étude ALCHEMIST

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mars 2022

Chirurgie, Traitement péri-opératoire

Quelle est l’adhésion aux recommandations concernant le traitement des malades atteints de cancer bronchique non à petites cellules ? 

Pour répondre à cette question les auteurs ont revu rétrospectivement les données de l’étude ALCHEMIST (Adjuvant Lung Cancer Enrichment Marker Identification and Sequencing Trial). ALCHEMIST (Alliance A151216) est une étude prospective dans laquelle étaient enrôlés les patients qui avaient eu une résection complète d’un cancer bronchique non à petites cellules de stades IB ≥4cm, II ou IIIA dans la 7éme classification. Ils avaient un testing moléculaire pour savoir s’ils étaient éligibles à un traitement ciblé (EGFR ou ALK) ou à une immunochimiothérapie adjuvante.   

Seuls ont été inclus dans cette analyse les patients non inclus dans l’un des essais thérapeutiques de ALCHEMIST. Cinq questions étaient posées :

  1. Une résection anatomique complète (segmentectomie lobectomie bilobectomie ou pneumonectomie) a-t-elle été réalisée ?
  2. Une dissection ganglionnaire minima a-t-elle été réalisée ?  C'est à dire au moins un ganglion des stations 10 ou  11,  et au moins 3 ganglions médiastinaux des stations  2R, 2L, 4R, 4L, 5, 6, 7, 8, 9R, ou 9L).
  3. Une chimiothérapie adjuvante a-t-elle été administrée ?
  4. Quatre cycles au moins d’une chimiothérapie à base de platine ont-ils été administrés ? 
  5. Une chimiothérapie à base de platine quelle qu’elle soit a-t-elle été administrée ? 

Un certain nombre de variables étaient recensées dans le but de voir si elles étaient ou non corrélées aux résultats : âge, sexe, stade, histologie statut moléculaire, tabagisme, antécédents respiratoire, ou antécédents d’asthme d’emphysème de BPCO, de pneumopathie, d’hypertension, d’insuffisance coronarienne, d’AVC ou de diabète. Les données concernant également l’origine ethnique, le statut marital, la localisation géographique permettant de repérer les zones de « déprivation » étaient aussi recueillies. 

Au total 2833 patients, dont 53% de femmes, ont constitué cette cohorte. Leur âge médian était de 67 ans, 47 % avait un PS à zéro et 53 % un PS à 1.

Les résultats d’ensemble sont les suivants : une résection anatomique complète a été réalisée chez 95% des patients et une dissection ganglionnaire minima chez seulement 53% des patients. Quant à la chimiothérapie adjuvante, seulement 57 % ont reçu une chimiothérapie adjuvante et 44% au moins 4 cycles de chimiothérapie adjuvante comprenant du platine. 

L’analyse ajustée des nombreuses variables énumérées ci-dessus montrait peu de différence significatives :

  • En ce qui concerne le fait d’avoir eu une dissection ganglionnaire, seuls deux variables ressortent :
    • Un âge ≥80 ans n’était pas en faveur d’une dissection ganglionnaire adequate mais de façon non significative (0,88 (0,74-1,03)) et proche du RR des sujets beaucoup plus jeunes (0,91 (0,74-1,11) par exemple chez les malades de moins de 50 ans. 
    • Des antécédents asthmatiques également n’étaient pas en faveur d’une dissection ganglionnaire (0,87 (0,76-0,99)).
  • En ce qui concerne le fait d’avoir reçu une chimiothérapie adjuvante (quelle qu’elle soit) :
    • Un âge ≥80 ans n’était pas significativement en faveur d’une chimiothérapie (0,55 (0,46-0,66) 
    • Une histologique épidermoïde n’était pas significativement en faveur d’une chimiothérapie (0,88 (0,79-0,97).  
    • Un tabagisme actif n’était pas non plus en faveur d’une chimiothérapie, mais de façon non significative (0,87 (0,76-1,01))
    • En revanche comparativement aux cancers de stade IB les cancers de stades II et IIIA étaient significativement associés au fait de recevoir une chimiothérapie adjuvante (1,49 1,33-1,67) et 1,68 (1,47-1,87). 

Cette étude démontre, comme plusieurs autres études observationnelles que seulement un peu plus de la moitié de patients ont une dissection ganglionnaire conforme aux recommandations et reçoivent une chimiothérapie adjuvante. Elle le démontre avec force car elle porte sur un effectif important de 2833 patients. 

Notons cependant que même dans les essais thérapeutiques beaucoup de malades ne reçoivent le traitement prévu. Par exemple, parmi les maladies du bras chimiothérapie de l’essai ANITA, seulement  90% ont reçu de la vinorelbine et du platine au premier cycle et surtout seulement 50 et 49% au quatrième.  Deplus, seulement 38% des patients ont reçu plus de 66% des doses prévues de vinorelbine et 63% des  patients ont reçu plus de 66% des doses prévues de cisplatine (cliquer ici). Plus près de nous, dans l’étude ADAURA , parmi les 466 patients opérés d’un cancer de stade II ou IIIA , seulement 352 (76%) ont reçu une chimiothérapie adjuvante pourtant fortement recommandée pour les cancer bronchique non à petites cellules de ce stade (cliquer ici). Cette mauvaise adhésion à la chimiothérapie adjuvante dépend probablement de facteurs multiples. Souvenons nous aussi que l’adhésion au traitement est meilleure avant la chirurgie qu’après.  De ceci devrait résulter une plus longue survie sous chimiothérapie néoadjuvante, mais malheureusement aucune étude n’a jamais eu l’objectif de le démontrer, hormis l’étude espagnole de Enriqueta Felip qui malheureusement avait inclus une grande majorité de stades T1 ou T2 N0. 

Il n’en reste pas moins que nos traitements doivent au maximum se rapprocher des recommandations pour faire bénéficier le plus possibles de malades  de traitements dont l’efficacité est bien démontrée. 

Reference

Rates of Guideline-Concordant Surgery and Adjuvant Chemotherapy Among Patients With Early-Stage Lung Cancer in the US ALCHEMIST Study (Alliance A151216).

Kehl KL, Zahrieh D, Yang P, Hillman SL, Tan AD, Sands JM, Oxnard GR, Gillaspie EA, Wigle D, Malik S, Stinchcombe TE, Ramalingam SS, Kelly K, Govindan R, Mandrekar SJ, Osarogiagbon RU, Kozono D.

JAMA Oncol 2022 Mar 17.. Online ahead of print

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.