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Lancet Respiratory Medicine

Utiliser l’IRM du corps entier pour le bilan des cancers bronchiques non à petites cellules ? L’étude Streamline L

2.01
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mai 2019

Chirurgie, Classification TNM, Imagerie : Radiologie, Imagerie métabolique

Les auteurs de ce travail pensent que la complexité du bilan recommandé pour l’exploration des cancers bronchiques non à petites cellules et des cancers du colon est trop importante et s’interrogent sur la possibilité de remplacer ces examens par une seule IRM du corps entier. Les études Streamline C pour le cancer du colon et Streamline L pour le cancer broncho-pulmonaire ont donc été conduites pour répondre à cette question. Ce sont les résultats de l’étude Streamline L qui sont rapportés ici. 

Streamline L est une étude académique anglaise, prospective et multicentrique qui compare l’IRM corps entier à un bilan conventionnel. Les patients ont été recrutés dans 16 centres hospitaliers. Ils devaient avoir un cancer bronchique non à petites cellules ou une suspicion de cancer potentiellement curable (stade ≤ IIIB dans la 7e classification). Ils avaient simultanément une IRM du corps entier (dont le CR n’était diffusé qu’à un serveur sécurisé) et un bilan conventionnel. Le dossier était ensuite discuté en RCP à partir des examens usuels. Une classification TNM était proposée et une décision était prise. Ensuite les images de l’IRM étaient vues lors de la même RCP. Une nouvelle classification et une nouvelle décision était prise. La décision de réaliser des examens supplémentaires était prise. Ensuite une décision finale basée sur l’ensemble des examens effectués était retenue. Les patients étaient suivis au moins jusqu’à 12 mois. L'objectif principal était la sensibilité des procédures pour la détection de métastases. Plusieurs objectifs secondaires étaient proposés, notamment la spécificité, le coût, l’agrément des lecteurs etc …

Au total, 976 patients ont été screenés dont 623 ont été exclus pour de multiples raisons. Il restait donc 353 patients qui ont été inclus dont encore 166 ont été exclus notamment parce qu’il ne s’agissait pas d’un cancer bronchique non à petites cellules. Il restait donc 187 patients. Parmi ceux-ci, 63 % étaient des hommes, leur âge médian était de 67 ans, ils étaient pour la plupart actifs et capables de travailler. Ils présentaient dans 62 % des cas un adénocarcinome et dans 22% un cancer épidermoïde. Douze (6%) n’avaient pas de diagnostic histologique.   

Les résultats des examens qui ont été effectués chez ces 187 patients sont résumés sur le tableau ci-dessous. Ils ne montrent aucune différence significative :  

 

IRM corps entier

Bilan conventionnel

Vrais positifs

26

28

Faux négatifs 

26

24

Faux positifs 

9

6

Vrais négatifs

126

129

Sensibilité (%) (95% CI)

50 (37-63)

54 (41-67)

Spécificité (%) (95% CI)

93 (88-96)

95 (91-98)

L’agrément entre les lecteurs pour l’extension ganglionnaire était de 65% pour l’IRM et de 75% pour le bilan conventionnel. Cette différence était significative mais l’agrément pour la décision finale était de 98% pour l’IRM et 99% pour l’IRM.

Dans la cohorte standard 302 investigations ont été effectuées et seulement 232 dans la cohorte IRM. Le temps pour accéder à ce bilan a été plus court pour l’IRM que pour le scanner (13 vs 19 jours) et le coût de l’IRM a été moindres (317 vs 620 livres). 

Cet article fait l’objet d’un éditorial qui salue une étape nouvelle dans la recherche clinique en imagerie mais qui souligne la nécessité de progresser dans la recherche de meilleures performances diagnostiques (cliquer ici).  

Ces résultats sont intéressants parce qu’ils démontrent qu’en un seul temps l’IRM du corps entier donne des résultats identiques à ceux d’un bilan qui associe en général le scanner thoraco-abdominal injecté, la TEP-FDG et l’IRM cérébrale. Dans cette étude,  le temps d’accès à l’IRM est plus court et l’IRM corps entier est globalement moins couteuse. Plusieurs points doivent, néanmoins être discutés :

  • Sur 976 patients dont l’éligibilité a été examinée, seulement 187 ont été retenus, c'est à dire moins de 20%. On aurait pu s’attendre à un pourcentage nettement supérieur puisque les cancers bronchiques non à petites cellules représentent 85% des cancers broncho-pulmonaires. Ceci peut faire discuter la représentativité de cette cohorte. 
  • Le temps d’accès à l’IRM est de 13 jours. Mais on peut douter que ce délai soit le même dans la «vraie vie», - au moins en France-, et ce d’autant plus que l’acquisition des images dure une heure. 
  • Il reste près de 14% de faux négatifs par les 2 méthodes.  D’autres investigations, notamment le staging médiastinal,  restent donc indispensables. Comme le signale l’éditorial, il est décevant de constater qu’aucun progrès n’est effectué dans ce dommaine. 
  • Pour mesurer l’activité des traitements, il est conseillé d’effectuer toujours les mêmes examens. De ce fait, tous les mesures effectuées après un tel bilan devraient être faites par IRM itératives chaque fois que des métastases ganglionnaires ou viscérales seront traitées par chimiothérapie ou radiothérapie. Cela parait difficile compte tenu des difficultés  d’accès à l’IRM dans certaines régions. 

 

Reference

Diagnostic accuracy of whole-body MRI versus standard imaging pathways for metastaticdisease in newly diagnosed non-small-cell lung cancer: the prospective Streamline L trial.

Taylor SA, Mallett S, Ball S, Beare S, Bhatnagar G, Bhowmik A, Boavida P, Bridgewater J, Clarke CS, Duggan M, Ellis S, Glynne-Jones R, Goh V, Groves AM, Hameeduddin A, Janes SM, Johnston EW, Koh DM, Lock S, Miles A, Morris S, Morton A, Navani N, Oliver A, O'Shaughnessy T, Padhani AR, Prezzi D, Punwani S, Quinn L, Rafiee H, Reczko K, Rockall AG, Russell P, Sidhu HS, Strickland N, Tarver K, Teague J, Halligan S; Streamline investigators.

Lancet Respir Med2019 May 9. [Epub ahead of print]

Auteur

Bernard Milleron

Rédacteur en chef d'EM-Onco.