European Respiratory Journal

Dix ans de survie chez une patiente présentant un cancer EGFR muté métastatique

Mode d'évaluation :
1 point : les articles apportant des connaissances réellement nouvelles par rapport à la littérature;

2 points : les études contribuant, notamment pour les essais thérapeutiques, à l'apport d'un niveau de preuve A (méta-analyse ou essais randomisés de phase III portant sur un grand nombre de malades) ou B (essais randomisés à effectifs réduits (B1) ou études prospectives ou rétrospectives (B2);

3 points : les études susceptibles de modifier les pratiques.
avril 2015

Thérapeutique ciblée, Méthodologie / Essais thérapeutiques

Il n’est pas rare d’entendre encore des collègues affirmer avec assurance "qu’aucun progrès n’a réellement été observé dans le cancer broncho-pulmonaire". Pourtant quel chemin a été accompli dans ces 10 dernières années ! Le développement des thérapeutiques ciblées, celui des antiangiogéniques, la démonstration de l’impact de la maintenance sur la survie, l’arrivée de l’immunothérapie, la radiothérapie stéréotaxique, l’essor de la vidéochirurgie et la démonstration d’une réduction de 20% de la mortalité du cancer broncho-pulmonaire grâce au dépistage sont quelques unes des grandes étapes de ces progrès, et l’aventure ne fait que commencer.

Tous ces progrès sont à l’origine d’une augmentation globale de la survie que les registres commencent à démontrer. Ils sont aussi à l’origine de quelques très longues survies telles que l’illustre ce cas clinique rapporté par l’équipe de l’Institut Gustave Roussy que dirige Jean Charles Soria.

Cette histoire est celle d’une femme de 60 ans, ex petite fumeuse,  chez qui, en janvier 2005, a été diagnostiqué un cancer de stade IV M1a, avec une péricardite cytologiquement prouvée et qui est toujours en vie actuellement.

Pendant ces 10 ans, cette femme a reçu, de façon continue, de nombreux traitements, certains habituels, d’autres dans le cadre d’essais cliniques : un doublet à base de platine, puis lors de la mise en évidence d’une progression, et parce qu’elle présentait une délétion de l’exon 19 du neratinib[1] sans succès dans le cadre d’un essai thérapeutique, puis du pemetrexed, puis dans le cadre d’un autre essai, du BMS 690514[2] qu’elle a reçu pendant 15 mois avec une toxicité importante mais une remarquable réponse partielle, confirmée lors d’une thoracotomie. L’analyse de la tumeur ne révélait plus de mutation EGFR. Une radiothérapie a été administrée alors compte tenu d’un envahissement ganglionnaire avant que ce traitement ne soit repris en adjuvant.

Elle va récidiver un an plus tard et reçoit alors sans succès du gefitinib pendant un mois puis de l’erlotinib qui a entraîné une stabilité tumorale pendant trois ans au prix d’une toxicité cutanée de grade 2.

En octobre 2013 elle entre dans un essai de phase I avec de l’AZD 9291, un inhibiteur irréversible de l’EGFR. Lors de la rédaction de cet article, elle reçoit toujours ce traitement, avec une bonne tolérance et une activité normale.

Ce cas illustre parfaitement que de très longues survies peuvent être obtenues chez des patients mutés EGFR par des alternances d'inhibiteurs d’EGFR et de chimiothérapie. Il suggère aussi, sans toutefois le prouver,  que dans ces cas exceptionnels une chirurgie de réduction peut être une arme thérapeutique utile. Il permet enfin de rappeller à ceux qui n’en sont pas encore persuadés que la recherche clinique dont le bénéfice collectif est évident  peut aussi souvent entrainer un bénéfice individuel.



[1] inhibiteur irréversible du récepteur tyrosine kinase  HER-2 qui inhibe également EGFR

[2] anti angiogénique et anti HER (HER1, HER2, HER4)

Reference

10-year long-term survival of a metastatic EGFR-mutated nonsmall cell lung cancer patient.

Kempf E1, Planchard D2, Le Chevalier T2, Soria JC3.

Eur Respir J 2015 Apr 16. [Epub ahead of print]

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